Christianisme
Barbarin, les questions d’une condamnation
C’est une surprise, et un symbole. Dans l’affaire de la non-dénociation des agressions commises par le père Preynat à l'encontre de jeunes scouts dans les années 1980 et 1990 - faits qui n’ont pas encore été jugés, Mgr Barbarin a été reconnu coupable de non-dénonciation d'abus sexuel dans son diocèse et condamné à six mois de prison avec sursis. "Je prends acte de la décision du tribunal. Indépendamment de mon sort personnel, je tiens à redire toute ma compassion pour les victimes. J’ai décidé d'aller voir le Saint-Père pour lui remettre ma démission", a-t-il immédiatement déclaré. En avril 2016, aux débuts de l'affaire, l'archevêque avait déjà proposé sa démission, mais celle-ci avait été refusée par le Pape.
Les avocats de Mgr Barbarin ont déjà annoncé leur intention de faire appel, l’archevêque de Lyon continuant de s’estimer innocent des fait de non dénonciation qui lui sont reprochés. Il avait notamment déclaré n’avoir "jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits horribles", Pour le tribunal, "Philippe Barbarin a fait le choix en conscience, pour préserver l'institution à laquelle il appartient, de ne pas les transmettre à la justice. [...] En voulant éviter le scandale, causé par les faits d'abus sexuels multiples commis par un prêtre, mais sans doute aussi par la mise à jour de décisions bien peu adéquates prises par les évêques qui le précédaient, Philippe Barbarin a préféré prendre le risque d'empêcher la découverte de très nombreuses victimes d'abus sexuels par la justice, et d'interdire l'expression de leur douleur." "La responsabilité et la culpabilité du cardinal ont été consacrées par ce jugement. C'est un symbole extraordinaire. Une grande émotion historique", a déclaré Yves Sauvayre, l'un des avocats des parties civiles.
Au-delà de la nécessaire libération de la parole, essentielle pour les victimes de tels abus, cette décision de justice pose toutefois question. N’a-t-on pas, dans un contexte de multiplication des affaires, et alors qu’un film actuellement en salles est même consacré au dossier, voulu faire du Cardinal un symbole, et ce doublement. D’abord le symbole d’une église qui ne saurait avoir ses fonctionnements propres, qui doit respecter les règles et les décisions de la justice de la République. Pour les juges, "une dénonciation adressée au procureur de la République pouvait tout à fait contenir les mêmes informations que celles transmises à Rome."
Ensuite un symbole personnel : alors que l’AFP parle dans sa dépêche de la condamnation d’un évêque "rigoriste", n’a-t-on pas aussi voulu condamner un évêque connu pour ses prises de position franches, notamment au moment des manifestations de la Manif pour Tous ? Certains voulaient sa tête, et l’auront eu, quitte à en passer par d’autres raisons. "C’est une décision surprenante, explique d’ailleurs à Aleteia Henri de Beauregard, avocat pénaliste. Ce procès est singulier par bien des aspects. On se retrouve avec une affaire dans laquelle le parquet, qui est censé être accusateur public demandant une condamnation, requiert la relaxe et un tribunal qui condamne alors qu’il n’est pas saisi de réquisition de condamnation. C’est techniquement possible mais statistiquement extrêmement rare."
Dans un éditorial, Jérôme Cordelier, spécialiste des questions de religion au Point, estime que "l’Église a besoin d'un nouveau Lustiger". Pour lui, "condamner le cardinal-archevêque de Lyon, c'est non seulement frapper une forte personnalité qui n'hésitait pas à monter au feu médiatique – non sans courage quand tant de prélats désertent le champ de bataille –, mais aussi toucher au cœur du catholicisme français à un moment crucial où celui-ci vacille." Et la relève ?, s’interroge-t-il. "C'est peu dire qu'elle tarde à venir. Si les Français occupent quelques beaux postes dans l'ombre de la « machinerie » vaticane, ils ne sont plus que portion congrue en première ligne." "Certes, des personnalités intéressantes commencent à émerger parmi les évêques, mais, pour l'heure, leurs interventions publiques (hors la « cathosphère ») restent (très) timides. L'Église de France a besoin de bâtisseurs et de prophètes, mais aussi d'un leader qui porte une parole forte sur la scène publique."
Les avocats de Mgr Barbarin ont déjà annoncé leur intention de faire appel, l’archevêque de Lyon continuant de s’estimer innocent des fait de non dénonciation qui lui sont reprochés. Il avait notamment déclaré n’avoir "jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits horribles", Pour le tribunal, "Philippe Barbarin a fait le choix en conscience, pour préserver l'institution à laquelle il appartient, de ne pas les transmettre à la justice. [...] En voulant éviter le scandale, causé par les faits d'abus sexuels multiples commis par un prêtre, mais sans doute aussi par la mise à jour de décisions bien peu adéquates prises par les évêques qui le précédaient, Philippe Barbarin a préféré prendre le risque d'empêcher la découverte de très nombreuses victimes d'abus sexuels par la justice, et d'interdire l'expression de leur douleur." "La responsabilité et la culpabilité du cardinal ont été consacrées par ce jugement. C'est un symbole extraordinaire. Une grande émotion historique", a déclaré Yves Sauvayre, l'un des avocats des parties civiles.
Au-delà de la nécessaire libération de la parole, essentielle pour les victimes de tels abus, cette décision de justice pose toutefois question. N’a-t-on pas, dans un contexte de multiplication des affaires, et alors qu’un film actuellement en salles est même consacré au dossier, voulu faire du Cardinal un symbole, et ce doublement. D’abord le symbole d’une église qui ne saurait avoir ses fonctionnements propres, qui doit respecter les règles et les décisions de la justice de la République. Pour les juges, "une dénonciation adressée au procureur de la République pouvait tout à fait contenir les mêmes informations que celles transmises à Rome."
Ensuite un symbole personnel : alors que l’AFP parle dans sa dépêche de la condamnation d’un évêque "rigoriste", n’a-t-on pas aussi voulu condamner un évêque connu pour ses prises de position franches, notamment au moment des manifestations de la Manif pour Tous ? Certains voulaient sa tête, et l’auront eu, quitte à en passer par d’autres raisons. "C’est une décision surprenante, explique d’ailleurs à Aleteia Henri de Beauregard, avocat pénaliste. Ce procès est singulier par bien des aspects. On se retrouve avec une affaire dans laquelle le parquet, qui est censé être accusateur public demandant une condamnation, requiert la relaxe et un tribunal qui condamne alors qu’il n’est pas saisi de réquisition de condamnation. C’est techniquement possible mais statistiquement extrêmement rare."
Dans un éditorial, Jérôme Cordelier, spécialiste des questions de religion au Point, estime que "l’Église a besoin d'un nouveau Lustiger". Pour lui, "condamner le cardinal-archevêque de Lyon, c'est non seulement frapper une forte personnalité qui n'hésitait pas à monter au feu médiatique – non sans courage quand tant de prélats désertent le champ de bataille –, mais aussi toucher au cœur du catholicisme français à un moment crucial où celui-ci vacille." Et la relève ?, s’interroge-t-il. "C'est peu dire qu'elle tarde à venir. Si les Français occupent quelques beaux postes dans l'ombre de la « machinerie » vaticane, ils ne sont plus que portion congrue en première ligne." "Certes, des personnalités intéressantes commencent à émerger parmi les évêques, mais, pour l'heure, leurs interventions publiques (hors la « cathosphère ») restent (très) timides. L'Église de France a besoin de bâtisseurs et de prophètes, mais aussi d'un leader qui porte une parole forte sur la scène publique."