L'attaque surprise d'Israël par le Hamas disloque la gauche française
Touchée, coulée ? Il est trop tôt pour le dire mais le coup est rude pour La France Insoumise (LFI) et sans doute mortel pour la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) . L'horreur des crimes commis et complaisamment filmés par les djihadistes du Hamas lors de leur incursion en Israël depuis Gaza, à l'aube du 7 octobre, met sur la sellette LFI et ses alliés de la NUPES. L'Assemblée nationale a été le théâtre d'une journée électrique, le 10 octobre : les députés LFI allaient-ils se décider, oui ou non, à qualifier de « terroristes » ces tortionnaires et assassins particulièrement sadiques de civils, hommes, femmes, enfants, y compris des bébés ? Le premier communiqué du groupe parlementaire LFI, le 7 octobre, parlait de « l'offensive armée de forces palestiniennes menée par le Hamas (...) dans un contexte d'intensification de la politique d'occupation israélienne ». On ne connaissait pas encore l'ampleur et la sauvagerie des massacres. Mais ce n'était plus le cas le 10 octobre. Ce jour-là, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée, a fait piteuse figure devant les journalistes. A la question : « Comment caractérisez-vous le Hamas ? », elle s'est troublée puis a fini par répondre : « C'est une...la branche armée qui aujourd'hui est responsable de crimes de guerre, voilà ». Voilà, voilà...mais cette réponse n'a pas satisfait les journalistes...Du coup, ne pouvant plus dissimuler son embarras, elle a mis fin à sa conférence de presse. Son collègue Manuel Bompard, coordinateur de LFI, a tenu cette position le lendemain sur Franceinfo, en s'accrochant à la définition du « crime de guerre » comme si les crimes barbares des djihadistes et les prises d'otages incluant vieillards et enfants (exhibés en cages !) étaient des « dérapages » de soldats réguliers en opération.
Le trouble est à son comble au sein de la NUPES, cette alliance hétéroclite d' « Insoumis », de socialistes, de communistes et d'écologistes, forgée en vue de l'élection présidentielle de 2022 par Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci campe sur sa position avec l'obstination provocante dont il a fait sa marque. Lors d'une conférence à Bordeaux, le 11 octobre, il a justifié ainsi son refus de qualifier le Hamas d'organisation terroriste : « Si nous acceptions de caractériser comme terroriste une action de guerre, nous la soustrayions au droit international ». Et d'expliquer que « le droit international ne prévoit aucune dénomination de caractère terroriste », arguant que « les deux seules organisations qui ont été montrées par l'ONU comme organisations terroristes sont Al-Qaïda et Daech, point final. » Sauf que l'Union européenne classe bel et bien le Hamas parmi les organisations terroristes avec une dizaine d'autres groupes armés du Proche-Orient.
Pour la NUPES, déjà fort mal en point, c'est sans doute le coup de grâce. « Il est inacceptable que la direction de La France Insoumise n'arrive pas à prononcer que le Hamas est une organisation terroriste. Ils en font une armée régulière qui commettrait des crimes de guerre. Non ! », a déclaré à Libération (11 octobre) le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. « Ne pas qualifier le Hamas de mouvement terroriste est une faute politique impardonnable » juge également le socialiste Jérôme Guedj. Dans une interview au Parisien (10 octobre), la maire de Paris Anne Hidalgo demande au PS (qui s'est contenté jusqu'à présent de suspendre sa participation à la préparation d'un contre-budget de la Nupes) de quitter cette alliance. « Jean-Luc Mélenchon a franchi la ligne rouge qui sépare la démocratie de la barbarie. Cela doit conduire à la rupture et à l'isoler » déclare au Figaro la députée Delphine Batho, à la tête de Génération Écologie. Mais la contestation n'épargne pas les rangs de LFI : François Ruffin, l'ancien bras droit de Jean-Luc Mélenchon, a acté sa rupture avec le chef. Dans un entretien au Monde (10 octobre), le député de la Somme a déclaré qu'au vu des « abominations » commises en Israël, le Hamas est bien à ses yeux « une organisation fanatique, terroriste, qui a toujours été l'adversaire des progressistes au Proche-Orient ». « On doit mettre des mots forts sur des actes horribles, sinon notre parole est discréditée, moquée, enlisée dans des justifications byzantines, pas à la hauteur de la gravité des événements », dénonce-t-il. Dans un sondage Elabe pour BFMTV, 54 % des électeurs de Mélenchon à la présidentielle de 2022 estiment que LFI aurait dû condamner explicitement l'attaque du Hamas sur Israël.
Toutefois les intérêts électoraux pourraient vite remiser aux oubliettes ces déclarations indignées, estime Guillaume Tabard dans le Figaro (11 octobre, en lien ci-dessous). Il relève notamment que le président du groupe socialiste à l'Assemblée, Boris Vallaud, s'est contenté de pointer un problème de « fonctionnement » de la NUPES, ajoutant qu'il n'était « évidemment » pas question d'y mettre fin, afin de construire « une alternative à Emmanuel Macron et à l'extrême droite ». A suivre !