Angoisses métaphysiques, ballons chinois et visiteurs de l’espace
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Angoisses métaphysiques, ballons chinois et visiteurs de l’espace

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°1829, Publiée le 22/02/2023 - Photo : Repêchage d’un ballon chinois sur la côte de Caroline du Sud le 5 février (TYLER THOMPSO/ US NAVY/AFP)
La Chine semble avoir trouvé une manière originale de déjouer les défenses aériennes américaines. Alors que des systèmes de plus en plus perfectionnés doivent permettent de repérer et d’éliminer des menaces venues de très haut, Pékin utilise des ballons pour prendre des clichés tout en énervant un rival prompt à la paranoïa… Les systèmes de radar américains ont été recalibrés pour détecter des objets lents. En moins de dix jours depuis le 4 février, quatre ballons ont été abattus dans le ciel américain. La rumeur veut que trois soient d’origine extraterrestre. De mars 2021 à août 2022, les « phénomènes aériens non identifiés » (« PANI » remplace « OVNI » passé de mode) ont été plus nombreux au-dessus des États-Unis que pendant les 17 années précédentes. Les États-Unis sont entrés dans une vague périodique de repérages de visiteurs extraterrestres… On a beau repêcher des morceaux de ballons, rien n’y fait : on voit d’abord ce qu’on veut voir.

Les histoires d’OVNI ne datent pas d’hier, rappelle Andrew Stuttaford pour The Spectator (voir l’article en lien). Leur multiplication coïncide souvent avec de graves crises (peur de l’an 1000, épidémies, guerres, troubles politiques). Mais les médias de masse modernes ont amplifié le phénomène. Autour de l’an 1900, en pleine effervescence scientiste et alors qu’on commençait à voler, on a rapporté que des sortes de dirigeables planaient lentement au-dessus de la Californie. La science-fiction est devenue un genre littéraire très populaire dès les années 1920. En juin 1947, un homme d’affaires, Kenneth Arnold, pilotant son avion près de Mont Rainier (État de Washington) a vu 9 objets brillants volant en formation et glissant dans l’air comme des soucoupes ricochant dans l’air. Ce terme a frappé l’imagination de ses contemporains à tel point que les repérages se sont multipliés en ce début de « guerre froide ». On parlait alors de « soucoupes volantes ». Un point culminant a été atteint la même année 1947 avec la découverte d’une épave près d’un ranch isolé du Nouveau Mexique. La base militaire de Roswell, où se déroulaient des recherches en nouveaux armements a rapidement indiqué qu’il s’agissant des restes d’un ballon météorologique, rien n’y a fait : les Américains ont cru voir un nombre record d’objets volants cette année-là. Il y avait – déjà – un avantage à entretenir la confusion : s’il fallait contrer une menace extraterrestre en plus des Soviétiques, le pays ne pouvait que soutenir les crédits militaires.

Les médias, l’avènement du cinéma et le triomphe d’Hollywood ont joué un rôle prépondérant. Jusqu’à l’arrivée de « Rencontre du troisième type » en 1977, les avis divergeaient sur l’apparence des visiteurs de l’espace : une nouvelle invasion de « Vikings » bien blonds et très grands, des « Reptiliens » couverts d’écailles mais dotés de deux jambes, et des « Gris » à la grosse tête et aux yeux immenses… Ces derniers tenaient la corde dans les années 1960 mais le film « Rencontre du troisième type » allait imposer cette apparence sans contestation possible ! À la fin des années 70, l’histoire de Roswell était oubliée mais il suffirait de l’interview d’un témoin, alors âgé, affirmant qu’il avait vu les restes d’une soucoupe pour relancer toute l’affaire. Le best-seller “The Roswell incident”, sorti dans la foulée sans sources crédibles, a raconté l’histoire d’un crash et d’une conspiration gouvernementale pour cacher la vérité. Une sorte de « Watergate cosmique » : voilà qui correspondait parfaitement à la défiance de la population lors de la grande dépression de l’après-Vietnam. La célèbre série « X-Files » allait exploiter avec succès ce filon en y instillant une bonne dose de paranoïa : la vérité était ailleurs et la menace venait avant tout d’un gouvernement menteur. Les manipulations réelles, du prétexte fallacieux pour attaquer l’Irak il y a 20 ans jusqu’à la censure féroce exercée pendant l’épidémie du COVID, n’ont fait que renforcer ce climat.

Il n’empêche que des agences gouvernementales ont enquêté depuis 1947. Le « Project Blue Book » de l’US Air Force a répertorié 12 618 témoignages de 1952 à 1969 dont 701 sont restés « non résolus » tout en précisant qu’il n’existait aucune preuve d’une origine extraterrestre. D’autres agences ont pris la suite. Un rapport préliminaire émanant de la direction du renseignement US – publié en 2021 – n’apportait pas de réponses claires mais mentionnait que 143 évènements restaient mystérieux car ils montraient des objets avec des trajectoires de vol inhabituels… Mais le rapport définitif sorti en janvier 2023 indique que le nombre d’observations inexpliquées était proportionnel à l’augmentation des signalements et que tous les cas élucidés concernaient des oiseaux ou des… ballons. Le filon budgétaire étant riche, la NASA a décidé de lancer sa propre étude. Pour Washington, ce n’est pas cher payé pour faire oublier que des ballons chinois se sont promenés dans le ciel américain…
La sélection
Angoisses métaphysiques, ballons chinois et visiteurs de l’espace
The truth about UFOs
The Spectator
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