Une nouvelle guerre civile au Soudan, volcan en éruption dans une région instable
Les parties en présence n’avaient nullement l’intention de laisser ce processus aboutir malgré leurs assurances répétées dans l’espoir de revoir affluer l’aide internationale interrompue après le coup d’État d’octobre 2021. La violence a éclaté le 15 avril dernier alors que s’approchait la date de signature de l’accord final devant sceller les détails de la transition démocratique. Deux conditions posaient problème : les RSF devaient intégrer l’armée régulière et l’armée soudanaise était supposée se placer sous l’autorité d’un gouvernement civil… Les belligérants s’accusent mutuellement d’avoir provoqué les affrontements. Al-Burhan et l’armée pointent du doigt une mobilisation en masse des RSF qui se sont déployées dans plusieurs endroits stratégiques de la capitale. Hemedti et les RSF accusent l’armée d’avoir tenté de prendre le pouvoir avec des nostalgiques de Bashir… Ces derniers ont gardé une forte présence dans l’armée régulière renforcée par des factions rebelles qui ont bénéficié de l’accord de paix de 2020 et ne veulent pas perdre leur influence (sonnante et trébuchante) remise en cause par le retour des civils au pouvoir. De son côté, Hemedti et la coalition des FFC (Forces for Freedom and Change) – qui réunit des partis civils siégeant au conseil gouvernemental avec les militaires – mettent en avant le risque d’un retour des islamistes proches des nostalgiques de Bashir. Hemedti et ses alliés se sont enrichis grâce aux mines d’or dont ils contrôlent l’extraction, et ils ont trouvé dans la Russie un débouché commercial profitable.
Des combats d’une grande violence ont fait rage jusque dans les rues de la capitale Khartoum. L’armée soudanaise a l’avantage de disposer d’une force aérienne alors que les RSF ont déployé près de 100 000 hommes dans les grandes villes. Hemedti et les RSF peuvent compter sur la solidarité tribale dans le Darfour, à l’ouest du pays, dont ils sont originaires. On compterait au moins 450 tués et 4000 blessés, plongeant ce pays pauvre de 46 millions d’habitants dans un dénuement total. Un fragile cessez le feu de 72 heures a permis l’évacuation de ressortissants étrangers. Dans cette ancienne colonie, les Britanniques sont nombreux et le manque de réactivité de Londres pour les secourir a été fortement critiqué. Des témoignages d’expatriés préférant tuer leurs animaux domestiques pour ne pas les laisser mourir de faim ont scandalisé les Britanniques indique The Independent (voir l’article en lien). L’efficacité des militaires français rapidement sur place pour prendre en charge l’évacuation de nombreux ressortissants européens a été à l’inverse saluée. On ne voit pas de sortie à cette crise tant les deux militaires en guerre semblent engagés dans une lutte à mort. L’armée régulière demande la dissolution des RSF avant toute discussion, quand Hemedti qualifie Al-Burhan de criminel frayant avec les islamistes.
Cette nouvelle guerre civile pourrait avoir des conséquences majeures pour cette région de l’Afrique bordée par le Sahel et la mer Rouge. On redoute l’afflux de centaines de milliers de réfugiés dans des pays déjà fragiles comme l’Éthiopie au sud ou le Tchad à l’ouest. Sans parler du Sud-Soudan… Le Soudan est devenu un enjeu entre puissances régionales et rivaux mondiaux. Les Occidentaux disposent de bases à Djibouti (les Chinois aussi depuis peu). Le groupe Wagner est très présent au Soudan, encadrant le « business » de l’or des RSF, et la Russie compte sur Hemedti pour installer sa propre base sur la Mer Rouge. Les monarchies du Golfe semblent pencher pour les RSF en partenariat avec la Russie, pour empêcher le retour au pouvoir des islamistes. De l’autre côté, les Égyptiens ont cultivé de longue date des liens avec l’armée régulière : le Soudan à leur frontière sud, en amont du Nil, ne doit en aucun cas échapper à leur influence.