
TikTok, le cheval de Troie chinois
Justement, l'application de partage de vidéos courtes est également visée par des enquêtes à ce sujet au sein de l'Union Européenne. En cause : la collecte et l’utilisation des données, les méthodes de modération, notamment auprès des jeunes utilisateurs, et les transferts de données vers la Chine. Si l'entreprise chinoise ne respecte pas les nouvelles règles européennes en la matière, elle risque des amendes pouvant atteindre 6% de son chiffre d’affaires mondial, voire l'interdiction sur tout le territoire européen en cas de récidive. Récemment, Emmanuel Macron a accusé le réseau social chinois d'encourager la dépendance en ligne chez les jeunes. C'est tout-à-fait vrai, avec un temps moyen d'usage de 95 minutes par jour et par utilisateur en 2022. Soit quatre fois plus que Snapchat, trois fois plus que Twitter et deux fois plus que Facebook et Instagram. Chez les plus jeunes, les dégâts en termes d'addiction sont encore plus importants : les enfants de 4 à 15 ans passent environ 75 minutes par jour sur TikTok, et même 87 minutes pour les jeunes américains, qu'ils aient ou non l'âge minimal requis pour s'y inscrire.
On estime qu'il y aurait actuellement 15 millions d'utilisateurs dans l'Hexagone, dont 7 millions au quotidien. De quoi, avec une telle durée d'utilisation quotidienne, en faire un véritable eldorado pour les annonceurs. Avec 10 milliards de dollars de revenus publicitaires en 2022, contre 4 milliards en 2021, TikTok est le moyen parfait pour atteindre une cible aussi jeune que volatile. Enfermé dans une bulle par l'algorithme redoutablement efficace de l'application, l'utilisateur devient la proie des collaborations commerciales et des influenceurs. Plus encore, l'application chinoise est désormais passée devant Google comme moteur recherche le plus utilisé par les plus jeunes pour trouver une information.
Mais la Chine, elle, protège ses enfants des dangers de son propre réseau social. Alors qu'à l'étranger, ses contenus contribuent à l'abêtissement de la jeunesse, elle veille sur ses propres jeunes utilisateurs. « Sur leur version de TikTok, si vous avez moins de 14 ans, ils vous montrent des expériences scientifiques à reproduire chez vous, des visites de musées, des vidéos patriotiques ou éducatives », expliquait récemment sur l'antenne de CBS Tristan Harris, ancien de Google, ayant alerté parmi les premiers sur les dangers des nouvelles technologies sur notre attention. « Ils limitent l’utilisation à quarante minutes par jour. Ils ne diffusent pas cette version de TikTok au reste du monde. Pour leur marché domestique, ils vendent une forme appauvrie tandis qu’ils exportent de l’opium au reste du monde. » Plus encore que la collecte de données, là est le réel danger de TikTok : changer la représentation du monde d'une nouvelle génération. Ainsi, quand les jeunes occidentaux rêvent désormais d'être influenceur, les jeunes Chinois rêvent de devenir astronaute...