Sous la question des retraites, un choc démographique occulté
Politique

Sous la question des retraites, un choc démographique occulté

Par Philippe Oswald. Synthèse n°1797, Publiée le 16/01/2023 - Photo : Elisabeth Borne présentant son plan le 10 janvier (Bertrand GUAY / POOL / AFP).
La réforme des retraites défendue par Élisabeth Borne consiste principalement à reculer l’âge légal de la retraite. C’est plus un ajustement technique qu’une véritable réforme. Une mesure de bon sens, dirait-on... sauf qu’elle occulte le choc de la dénatalité. C’est un expert des retraites qui l’affirme, Nicolas Marques, directeur général de l'Institut Economique Molinari (IEM), dans un article publié par Le Point (en lien ci-dessous).

La retraite par répartition a été mise en œuvre au cours de la Seconde Guerre mondiale, à une époque où l’espérance de vie à 65 ans était de 14 ans. Aujourd’hui, un retraité dispose en moyenne de 23 ans de vie, soit 9 ans de plus que dans les années 50. Mais le baby-boom de l’après-guerre est devenu un baby-crack , accéléré depuis trois ans par la crise sanitaire : la fécondité moyenne des femmes qui était de 3 enfants par femme dans les années cinquante a chuté à 1,8 actuellement (soit en dessous du seuil de renouvellement des générations : 2,1). De plus en plus de retraités, de moins en moins de cotisants, effet ciseaux : on est passé de 4 cotisants par retraité dans le régime général dans les années du baby-boom, à 1,4 contributeur par bénéficiaire de nos jours. « Moins d'enfants, c'est moins d'actifs, moins de cotisants, moins de moyens pour financer les retraites. Cela rend la situation inextricable, bien au-delà de l'augmentation de l'espérance de vie » souligne Nicolas Marques.

Les pouvoirs publics qui avaient initié la retraite par répartition (introduite sous le régime de Vichy et maintenue par le Conseil National de la Résistance) avaient fixé l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans pour une raison clairement énoncée par la loi du 14 mars 1941 : « Lorsque le nombre des retraités croît avec l'élévation de l'âge moyen de la population, le service massif des pensions impose un fardeau insupportable aux éléments productifs. » Mais par démagogie, François Mitterrand fera fi de cette évidence en baissant l’âge légal de la retraite à 60 ans. Trente ans plus tard, pour des motifs budgétaires et idéologiques, François Hollande a transformé la politique familiale en politique sociale, coup redoutable pour les familles dont les répercussions sur la natalité ne se sont pas fait attendre. Le gouvernement d'Emmanuel Macron a beau reconnaître que le déficit « durable » de l’assurance-vieillesse est dû à un « déséquilibre démographique », il ne rompt pas avec le tabou anti familial de la gauche pour appuyer sa réforme des retraites.

Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), de trois cotisants pour un retraité en 1970, puis deux pour un en 2000, on en est arrivé à 1,7 aujourd’hui, et l’on descendra à 1,4 cotisant pour un retraité en 2050 ce qui affectera nécessairement le niveau de vie des retraités. Pour limiter les effets de la baisse des naissances, l’IEM propose de compléter notre système de répartition avec une dose de capitalisation généralisée comme le font la plupart des pays de l’OCDE, tout régime confondu (voire le détail dans l’article en lien). Mais cela ne résoudra pas le problème démographique, d’autant qu’il paraît vain d’espérer que la part croissante des immigrés dans la natalité ait des répercussions positives sur l’emploi. L’échec de l’intégration en France n’est plus à démontrer.

Si les Français sont en majorité hostiles à l’actuelle « réforme » des retraites, c’est pour un ensemble de motifs qui peuvent se cumuler :

1°) La défiance voire l’hostilité envers le pouvoir qui veut faire passer sa réforme coûte que coûte comme sa dernière chance de laisser un héritage positif. Mais qui continue à diviser les Français, par exemple en maintenant la « clause du grand-père » pour les régimes spéciaux.

2°) Le soupçon qu’il s’agit avant tout de renflouer les caisses de l’État, comme l’a souligné Patrice de Plunket sur Radio Présence (Toulouse) le 11 janvier : « La raison profonde de la réforme des retraites (...) tient dans cette phrase d’Emmanuel Macron en conseil des ministres le 4 janvier : “ll y a quelques jours, la France a emprunté au-dessus de 3%. J'avais parlé de fin de l'abondance sur les ressources naturelles, c'est aussi le cas sur les ressources financières." En clair : les groupes qu’on appelle “les investisseurs” classent les États en fonction de ce qu’ils appellent, eux, “la qualité de leur dette”. À leurs yeux cette "qualité de la dette" serait amoindrie par un abandon de la réforme des retraites : alors les investisseurs pénaliseraient la France en lui faisant des conditions d'emprunt encore plus ruineuses ! ».

3°) La conviction plus ou moins résignée que la dénatalité les contraindra à travailler toujours plus vieux, tout en subissant une immigration peu productive mais déstabilisante. Le double choc de la démographie et de l’immigration qui ébranle l’Europe et en particulier la France rend vaine une réforme qui prétend ignorer cette tectonique des plaques. Quand le sol bouge sous une maison, suffit-il de colmater les fissures pour la consolider ?
La sélection
Sous la question des retraites, un choc démographique occulté
Retraites : ce choc démographique que l'on refuse de voir
Le Point
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