Sale temps pour la France en Afrique
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Sale temps pour la France en Afrique

Par Philippe Oswald. Synthèse n°1805, Publiée le 25/01/2023 - Photo : manifestation anti-française et pro-russe à Ouagadougou le 20 janvier/ Olympia de Maismont / AFP
Après le Mali, le Burkina Faso ! Le gouvernement burkinabé a confirmé le 23 janvier qu’il avait demandé le départ dans un délai d'un mois des troupes françaises basées dans le pays. C’est l’épilogue de relations dégradées entre Paris et Ouagadougou depuis le coup d'État qui a porté le capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir le 30 septembre 2022. Un mois plus tard, l'ambassade de France à Ouagadougou ainsi que l'Institut français ont été attaqués (des manifestants brandissaient des drapeaux russes). Finalement, fin décembre, l'ambassadeur de France a été jugé indésirable par les autorités burkinabées. La «  visite de courtoisie » effectuée le 10 janvier à Ouagadougou par Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, n’aura manifestement pas amadoué la junte au pouvoir. Le scénario du Mali se reproduit au Burkina Faso. On a revu des drapeaux russes brandis le 21 janvier dans des manifestations appelant au départ de l'armée française à Ouadagoudou. Moscou travaille à évincer la France de son ancienne zone d'influence, et à installer sa milice Wagner à la place de l’armée française.

En août dernier, l'armée française a quitté le Mali après presque dix ans de présence et d’interventions contre les djihadistes, dans le cadre des opérations Serval (janvier 2013-juillet 2014) puis Bar­khane (août 2014 – novembre 2022). Les soldats français (qui ont perdu 58 des leurs au cours de ces opérations) étaient notamment appuyés par des forces spéciales françaises basées au Burkina Faso (la force Sabre, installée depuis 2018 à Kamboinsin, dans la zone périurbaine de Ouagadougou). Le nouveau président putschiste, le capi­taine Traoré, a décidé de les chasser, alors que la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader, en particulier dans le nord du Burkina Faso. Traoré mise ouvertement sur la Russie dont les mercenaires du groupe Wagner opèrent déjà au Mali, en Libye, au Soudan et en Centrafrique. Comme ceux du Mali, les médias et les réseaux sociaux du Burkina Faso déversent une propagande hargneuse contre les soldats français qualifiés d’« envahisseurs » et présentés comme des rats, des serpents ou des zombies. Les manifestations antifrançaises se multiplient. C’est un scénario classique : des forces étrangères intervenues à la demande des autorités locales et accueillies d’abord en libératrices, finissent rejetées comme forces d’occupation dès qu’elles s’incrustent, bon gré, mal gré, dans un pays. A fortiori quand ces forces appartiennent à l'ancienne puissance coloniale. Les dirigeants de régimes très instables excitent de vieux sentiments antifrançais pour se maintenir au pouvoir.

L'armée française reste déployée au Niger, au Tchad, au Sénégal, en Côte d'Ivoire et au Gabon. Mais combien de temps pourra-t-elle s’y maintenir ? « Je parlerai prochainement de ce qui nous lie à l'Afrique  », a déclaré Emmanuel Macron lors de ses vœux aux armées. Pas sûr que la parole du président de la République française soit bien reçue sur le continent africain. En définitive, si l’opération Serval était nécessaire et bénéfique pour la sécurité du Sahel et pour la nôtre, l’opération Barkhane qui lui a succédé aura contribué à dégrader l’image de la France, estime le journaliste Rémi Carayol, spécialiste du Sahel, dans un entretien au Figaro (en lien ci-dessous). En effet, explique-t-il, aucun des deux objectifs désignés à l’armée française par François Hollande – empêcher les djihadistes de reprendre du poil de la bête et accompagner la montée en puissance des armées sahéliennes – n’a pu être accompli par Barkhane. Surtout à cause des complicités locales, y compris dans les cercles du pouvoir, avec les islamistes qui n’étaient pas ou plus perçus comme des terroristes, et de l’hostilité croissante des populations envers des occupants, des étrangers, des « infidèles », alliés de pouvoirs corrompus. Reste à savoir combien de temps les miliciens de Wagner, aux méthodes des plus expéditives et qui ne sont pas francophones, garderont la faveur des populations. Une fièvre anti-russe succédera-t-elle à la fièvre anti-française avant que celle-ci ne contamine la Côte d'Ivoire, la Guinée ou le Sénégal ?
La sélection
Sale temps pour la France en Afrique
« Barkhane a finalement dégradé l'image de la France au Sahel »
Le Figaro
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