
Le recul des programmes de « diversité, égalité, inclusion » (DEI) en entreprise
Donald Trump l'avait annoncé pendant la campagne présidentielle de 2024 : le changement serait radicalement en opposition aux positions libérales de l'ère Obama (prolongée par la présidence Biden). Ce qu'il n'avait pas su – ou pu – faire entre 2016 et 2020 serait accompli lors de ce second mandat. La bataille idéologique a donc été engagée dès son installation à la Maison-Blanche fin janvier dernier. Parmi les cibles prioritaires : mettre fin à l'emprise des programmes de « diversité, égalité et inclusion » dans les multinationales et les services de l'État fédéral. Dès le premier jour à son poste, Donald Trump a signé une série de décrets – l'un d'entre eux ordonnant la fin immédiate de ces programmes de formation (et de recrutement) au sein de l'État fédéral. Les employés dont la mission était de les organiser ont été mis en congés payés et les contrats dénoncés avec les nombreuses ONG ou firmes de conseil qui faisaient la promotion de la « DEI ». Rien qu'en 2023, l'État fédéral a déboursé 16 millions de dollars de l'argent du contribuable…
Le secteur privé semble suivre le mouvement, avec de plus en plus de multinationales annonçant publiquement leur intention d'abandonner la promotion de la « diversité » dans leurs efforts de recrutement. En quelques années, les programmes « DEI » ont envahi les services de ressources humaines : les entreprises américaines ont dépensé en moyenne par année 8 milliards de dollars depuis la campagne mondiale qui a suivi la mort de George Floyd en juin 2020. Le recul ne date pas de l'élection de Trump : déjà, en 2023, on pouvait noter une résistance des comités de direction qui sont responsables de la profitabilité de leur société vis-à-vis des actionnaires. On ne contestait pas les fondements idéologiques de la « DEI », mais l'impact sur la performance financière de l'entreprise et la nécessité de rester à l'écoute des clients. Dans une société civile de plus en plus politisée, les consommateurs conservateurs n'hésitent plus à imiter les techniques des groupes militants de gauche en appelant au boycott de certaines marques (comme on l'a vu dans le cas de Budweiser). Sur les réseaux sociaux, les « influenceurs » de droite s'affirment en lanceurs d'alerte. Robby Starbuck est devenu célèbre en revendiquant le scalp de grands groupes, tels que Toyota, Walmart ou Harley-Davidson qui ont – depuis ses vidéos sur X et Instagram – arrêté leurs programmes. Le risque juridique est devenu une préoccupation majeure, en particulier dans les universités, mais aussi dans les entreprises privées : l'application des principes de la « DEI » peut être interprétée comme une forme de discrimination à l'embauche. Le vote populaire s'est tourné vers Donald Trump en novembre 2024 : c'est un résultat qui parle aux comités de direction scrutant les résultats financiers.
Au cœur de la galaxie « DEI », on a déjà assisté à un revirement majeur au sein des GAFAM. Les cabinets de consultants semblent eux aussi changer de direction. Le géant Accenture (consultant en technologie), qui gère 799 000 employés dans le monde, vient d'annoncer l'arrêt des politiques internes lancées en 2017. Ils abandonnent la discrimination à l'embauche, comme les passerelles facilitant la montée en grade d'employés appartenant à des « minorités ». La PDG, Julie Sweet, maintient néanmoins que les principes de « DEI » seront toujours pris en compte pour évaluer des partenariats avec des organismes extérieurs… Par ailleurs, les grands cabinets en stratégie (les « big 3 » que sont Bain & Company, BCG et McKinsey) pour les directions d'entreprise, ont été des acteurs majeurs pour promouvoir la « DEI » au sein des grands groupes. Les ONG représentent une clientèle lucrative pour les consultants : de 21,3 milliards de dollars en 2023, le marché devrait atteindre 32,5 milliards en 2031. Problème pour ces firmes : le secteur public pèse encore plus lourd avec 25 milliards de dollars en 2025 (le marché américain représentant 41 % de ce total). Or, la nouvelle administration américaine a été claire : elle ne cherchera pas l'aide de consultants engagés par ailleurs dans la promotion de la « DEI ». Accenture a fait ses calculs…
Les 3 grands cabinets ont réaffirmé leur fidélité aux principes « DEI » mais vont faire face à de grands défis. Le marché des ONG aux États-Unis risque fort de rétrécir avec la priorité donnée à la sécurisation de la frontière avec le Mexique et le démantèlement d'USAID. Un ancien consultant de BCG raconte l'importance des projets visant ouvertement à promouvoir les migrations massives en travaillant avec des ONG militantes. Les étudiants des meilleures universités sont recrutés à prix d'or avec la promesse de salaires mirobolants tout en contribuant à changer le monde… Une nouvelle aristocratie d'experts ultra conformistes et très doués, qui est détachée du quotidien de la majorité de la population, et qui n'a donc pas à souffrir des conséquences des politiques recommandées. Le scandale qui a impliqué McKinsey est tout aussi parlant : les consultants ont aidé « Big Pharma » à vendre des opioïdes en masse provoquant une catastrophe sanitaire touchant d'abord les classes populaires.