
Quand on prive les Français de moutarde, ça leur monte au nez !
Mais cette explication ne suffit pas à calmer l’ire des consommateurs : pourquoi les autres pays européens n’ont-ils pas ce problème comme en témoignent des photos ou des vidéos provenant de supermarchés d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Suisse, d’Irlande, de Roumanie, de Norvège… ? Interrogé par Le Figaro (13 juillet), Luc Vandermaesen, président de l'Association moutarde de Bourgogne et directeur général de Reine de Dijon, explique : « Les industriels français fabriquent essentiellement de la moutarde de Dijon et de la moutarde à l'ancienne, avec une variété de graine appelée graine brune », laquelle est produite majoritairement au Canada, victime de mauvaises récoltes l'an dernier. Alors que leurs voisins sont moins accros à la moutarde « qui pique », huit français sur dix consomment, en moyenne, 1 kg de moutarde par an ce qui en fait de loin les plus gros consommateurs au monde… Mais cela ne nous a pas empêchés de laisser filer la production à l’étranger… Avant de subir une redoutable sécheresse l’an dernier, le Canada fournissait 80% de la graine transformée en France.
Du coup, certains se réveillent… un peu tard. « Je crains que cela ne prenne encore un peu de temps avant de pouvoir se réapprovisionner. Ça sera tendu jusqu’en 2024 », confie Luc Vandermaesen (Le Monde, 12 juillet). Faisant preuve d’optimisme, Paul-Olivier Claudepierre, co-propriétaire de la vénérable maison de vinaigres, moutardes et cornichons 100% français Martin-Pouret, voit dans cette pénurie une opportunité : « C’est l’occasion pour la filière agricole de relocaliser la production, et pour le public de se rendre compte de l’absurdité de la situation : on cultive à des milliers de kilomètres une graine qu’on va récolter, amener au port, faire traverser l’océan en conteneur, pour finir par la transformer chez nous. Ça coûte cher, et quel beau bilan carbone ! »
La morale de cette histoire piquante est tirée par la journaliste Emmanuelle Ducros dans une vidéo du journal L’Opinion (en lien ci-dessous). « La moutarde, explique-t-elle, est au carrefour de toutes les questions d’actualité : paradoxes agricoles, perte de souveraineté, changement climatique et guerre en Ukraine. Tout se conjugue pour que la France, qui ne produit presque plus de moutarde faute de techniques culturales adaptées après l’interdiction des insecticides (…), peine à se procurer les 35 000 tonnes de graines dont elle a besoin. » Un mot sur cette interdiction : « Jusqu’en 2016, la France produisait un tiers de ses besoins en graines de moutarde. Cette année, l’insecticide qui permettait de lutter contre les ravageurs de cette plante a été interdit. » Précision : c’est un règlement européen qui a interdit l’insecticide en question, le phosmet (vendu sous le nom de Boravi). Résultat prévisible : la production française a été divisée par quatre ! La France a donc délégué au Canada le soin de couvrir 80% de ses besoins en graines de moutarde, avec ses méthodes ! Merci aux écologistes, aux instances européennes et aux gouvernements qui se sont pliés à leurs ukases. En somme, la moutarde cultivée avec des pesticides, c’est comme le pétrole de schiste : interdit en France, mais importé des États-Unis à cause de l’embargo sur la Russie… Prochain épisode : la voiture électrique ? Les batteries polluent et parfois s’embrasent.