Projet 2025 : Donald Trump veut mettre fin au « monopole de la gauche » dans les universités
La nomination de Linda McMahon comme prochaine ministre de l'Éducation des États-Unis a fait jaser… C'est une personnalité que le président élu apprécie : une forte tête qui ne se laisse pas facilement intimider. Elle partage avec Donald Trump – qu'elle connaît depuis longtemps – le goût du spectacle. Cofondatrice de la WWE (World Wrestling Entertainment, une société de production qui organise un championnat de lutte très populaire), la future ministre a une expérience limitée dans le domaine de l'éducation. Il faut voir dans ce choix un message à prendre littéralement, selon Jacob Howland, doyen à l'université d'Austin (Texas) pour le site UnHerd : la mission de McMahon est de renverser la table, de mettre KO la bureaucratie tentaculaire et très orientée à gauche qui domine les universités américaines depuis des décennies. La prochaine administration républicaine dénonce une dérive qui a détaché les grandes écoles de leur mission première. La plus célèbre d'entre elles, Harvard, depuis sa fondation en 1636 et jusqu'au XIXe siècle, a poursuivi l'ambition d'enseigner les « humanités » aux futures élites du pays selon la tradition occidentale. Le noble projet de faire grandir des jeunes hommes et femmes en les préparant à penser par eux-mêmes semble abandonné depuis des décennies. Les grandes écoles américaines sont devenues aujourd'hui des enclos où la censure règne pour transformer les élèves en militants. De récents scandales sur les campus – menaces contre des étudiants juifs et manifestations en soutien à des mouvements terroristes – ont révélé la tendance sectaire et violente dans ces établissements. Les directions convoquées par une commission d'enquête ont même refusé de condamner ces exactions en relativisant les faits (voir LSDJ 2079).
Si cette dérive est devenue évidente depuis 50 ans dans le monde occidental, il faut remonter au XIXe siècle pour en comprendre les racines. Les universités du jeune empire allemand étaient à la pointe du monde de l'éducation et ont inspiré leurs homologues américaines. Mais dès 1874, le philosophe Friedrich Nietzsche dénonçait une tendance qui – au nom de la « recherche » – ne mettait plus les élèves à l'abri des bruits du monde pour mûrir harmonieusement, et entendait plutôt les former à devenir « utiles » aux élites dirigeantes le plus vite possible. La montée en puissance du marxisme a accéléré cette évolution : les écoles devaient former les révolutionnaires de demain et faire avancer la science. Avec la politisation des campus, le besoin de créer des experts pour reconstruire l'Europe de l'après-guerre et développer de nouvelles armes a transformé la mission des universités, et instauré une forme « d'industrialisation » de l'éducation avec laquelle les élèves sont destinés à « l'expertise ». Les philosophes marxistes très influents de l'école de Francfort – comme Herbert Marcuse – ont encouragé ce virage idéologique à partir des années 1960. Exit la liberté de penser au nom de la nécessité absolue de la « libération » des individus : il est légitime de censurer les ennemis du « progrès », y compris dans les campus. L'université de Stanford (Californie) abandonne en 1989 son cursus obligatoire d'humanités pour le remplacer par un nouveau programme axé sur les théories critiques autour de la « race », de la « classe sociale » et du « genre ». Il y a à l'époque une réaction… En 1991, un ancien élève de Yale offre 20 millions de dollars à son ancienne école pour financer un projet reprenant les « humanités » de la civilisation occidentale. Il ne sera jamais lancé, et Yale finira par rendre l'argent au donateur en 1995…
Le gratin des écoles américaines (20 % du système éducatif) forme 80 % des professeurs dans un système pyramidal : on comprend mieux comment le projet idéologique d'une poignée de militants a gagné tout le tissu éducatif. Dans toutes les matières, les enseignants démocrates dominent très largement (en philosophie, il y en a 17,5 pour 1 républicain, en anglais, 48,3 pour 1, en religion, 70 pour 1, selon une étude de 2018). Les candidats (fortunés) qui ambitionnent de rejoindre l'élite n'hésitent plus à embaucher des consultants pour préparer leurs dossiers – il faut briller sur les sujets de « l'inclusion » et de l'intersectionnalité des luttes… Donald Trump, inspiré par le Projet 2025, un ensemble de propositions politiques du think tank (laboratoire d'idées) Heritage Foundation, a promis de renverser le système : à l'image des sportifs qui s'adonnent à la lutte, son équipe veut utiliser les arguments de l'adversaire pour le mettre à bas. Christopher Rufo, un « antiwokiste » qui milite contre les idéologies centrées sur la défense des minorités, va épauler McMahon en présentant un programme concret pour déraciner l'idéologie dans les écoles. D'abord, utiliser l'arme légale : les grandes universités sont accusées de discriminer à l'entrée selon des critères interdits par les droits civiques depuis les années 1960. Puis cibler le porte-monnaie : Harvard a reçu 686 millions de dollars de l'État fédéral l'année dernière. Rufo propose de conditionner ces subventions au respect absolu des sélections sur le mérite. Il veut aller plus loin : l'État fédéral devrait refuser de signer tout contrat avec des sociétés privées qui, à cause de programmes « diversité, égalité, inclusion », se rendraient coupables de discriminations à l'embauche.