Procès pour escroquerie : Platini acquitté et dépité mais combatif
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Procès pour escroquerie : Platini acquitté et dépité mais combatif

Par Louis Daufresne. Synthèse n°1639, Publiée le 15/07/2022
Michel Platini vient d’être acquitté en Suisse dans une affaire d’escroquerie. 40 ans jour pour jour après la « nuit de Séville », le 8 juillet 1982. Il y a le foot coté pelouse, parfois sublime comme ce France-Allemagne du Mondial, et le foot de l'arrière-cour, avec ses poubelles remplies d’or.

Affecté par cette épreuve, l'ex-capitaine des Bleus n’en parut pas moins résolu. Le triple Ballon d’Or déclara même « avoir gagné son premier match », avant d’ajouter que « dans cette affaire, il y a des coupables qui n'ont pas comparu au cours de ce procès. Qu'ils comptent sur moi, nous nous retrouverons », s’exclama-t-il.

Des « coupables », rien que ça ? Parler ainsi à la sortie du tribunal n’est pour le coup pas innocent. À qui le champion de 67 ans faisait-il allusion ? À l’homme par lequel, selon lui, le scandale arriva et auquel le crime profita : un certain Gianni Infantino.

« Platoche » le connaît bien puisque ce juriste italo-suisse était son bras droit quand il présidait l’UEFA (Union européenne des associations de football), organisatrice de la Ligue des Champions. Bref, si on lit entre les lignes, cet Infantino lui planta ses crampons dans le dos. Il y aurait tout lieu de le penser. Ce bras droit, apparemment pas si droit que ça, fut élu en 2016 à la tête de la Fifa (Fédération internationale des associations de football). Pourtant, le joueur de légende était donné grand favori.

Cette affaire brisa sa carrière. Platini n’occuperait jamais le plus haut poste du football mondial. Sa réputation et son moral s’assombrirent dans un long tunnel judiciaire. L’en voilà tout juste sorti. À ses yeux, il fut victime d’une manipulation destinée à l'écarter. Un complot, en somme.

De quoi s’agissait-il ? À Bellinzone, Platini ne comparaissait pas seul. Il y avait aussi le Suisse Sepp Blatter, 86 ans, également blanchi. Dans les hautes sphères, certains le surnommaient le Vito Corleone du foot. L’insubmersible parrain présida la Fifa de 1998 à 2015. Platini présida l’UEFA de 2007 à 2015. Quand le 29 juillet, l’ex-meneur des Bleus annonce être candidat à la présidence de la Fifa, il a toutes les raisons d’y croire. Il n’a plus qu’une marche à gravir. Ce sera celle de trop.

Reprenons la chronologie :

– 25 septembre 2015 : le procureur général de Suisse ouvre une procédure pénale pour « gestion déloyale » et « abus de confiance » contre Sepp Blatter, soupçonné d'avoir effectué « un paiement déloyal » de 2 millions de francs suisses (1,8 million d'euros) en faveur de Michel Platini ;

– 8 octobre : les deux hommes sont suspendus pendant 90 jours par la commission d’éthique de la Fifa. Mesure portée à 8 ans puis allégée en appel (6 pour Blatter et 4 pour Platini) ;

– 6 juillet 2017 : le tribunal fédéral suisse confirme la suspension de Platini ;

– 5 mars 2020 : Platini est débouté devant la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) ;

– 5 juin : l’enquête ouverte en 2015 contre Blatter est étendue à Platini pour des soupçons de « complicité de mauvaise gestion, détournement et faux ». Le voilà accusé à son tour ;

– 27 novembre : après plusieurs auditions devant le juge, les deux hommes sont poursuivis pour « escroquerie » et « abus de confiance » ;

– 8 au 22 juin 2022 : procès de Bellinzone ;

– 8 juillet : Blatter et Platini sont acquittés.

En janvier 2011, Platini avait « fait valoir une créance de 2 millions de francs suisses », ce que l'accusation qualifia de « fausse facture ». Fin mai de la même année, l'ancien milieu de terrain apporta son soutien à la réélection de Blatter à un quatrième mandat.

Dans ce dossier, tous s'accordent sur un point : Michel Platini conseillait bien Sepp Blatter entre 1998 et 2002, lors du premier mandat du Suisse à la tête de la Fifa, et les deux hommes signèrent en 1999 un contrat convenant d'une rémunération annuelle de 300 000 francs suisses, intégralement payée par la Fifa. Problème : ce fameux paiement eut lieu en 2011 pour un travail achevé en 2002, et surtout cette somme ne figurait pas dans un contrat écrit. Le tribunal estima néanmoins que l'escroquerie n'était « pas établie avec une vraisemblance confinant à la certitude ».

La légende des Bleus livra une version un rien désinvolte qui avait de quoi laisser pantois, eu égard aux émoluments et au niveau de responsabilité : « Moi pour rigoler, j'ai dit [à Sepp Blatter] "des pesetas, des lires, des roubles, des marks, c'est toi qui décides" ». Et les deux hommes de parler d’un « accord de gentlemen », oral et sans témoins, sans que les finances de la Fifa n'en permettent le versement immédiat. L’avocat de Sepp Blatter dit que ce contrat tacite n’avait pas rapporté un centime à son client. Un contrat qui ne rapporte rien ? La chose est si rare que l'argument dut convaincre les juges.

Quant au rôle occulte présumé de Gianni Infantino, volet que Platini ne parvint pas à joindre au dossier de Bellinzone, il fait l'objet d'une procédure distincte. L'actuel patron de la Fifa est visé depuis 2020 pour trois rencontres secrètes avec l'ancien chef du parquet suisse.

Platini l'a mise si souvent au fond des filets qu'il songe maintenant à y prendre sa plus belle proie.
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