Le prix de l'électricité fait grimper la tension des Français
Plus 15 % en février, plus 10 % au 1er août : 26,5 % d'augmentation globale en six mois ! Depuis 2021, les prix de l'électricité pour les particuliers ont augmenté de 31 % (quant aux entreprises, certaines ont vu leurs factures multipliées par trois, quatre, voire dix !). Et l'escalade paraît loin d'être terminée… Pourtant, le 30 mai 2022, sur BFMTV, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, avait donné sa parole et celle du président de la République : « Il n'y aura aucun rattrapage sur la facture d'électricité en 2023. Cette promesse, nous la tiendrons ! » Affirmation téméraire qui circule en boucle sur les réseaux sociaux...
Mis en place début 2022 afin de préserver les ménages de l'explosion des cours, le bouclier tarifaire a contribué à l'explosion de la dette publique qui atteint 3 000 milliards d'euros (le coût cumulé de cette ristourne énergétique est estimé à 170 milliards d'euros à l'horizon 2027 par le rapporteur général du Budget au Sénat). Le gouvernement présente maintenant la facture aux citoyens avec la sortie progressive de ce dispositif. Concrètement, pour un ménage se chauffant à l'électricité, « avant la hausse [du 1er août], la facture était de l'ordre de 1 640 euros par an, après la hausse, elle sera à 1 800 euros », soit une augmentation de 160 euros en moyenne, selon les calculs du gouvernement (mais le surcoût atteindrait 278 euros pour une maison « tout-électrique » consommant 14 MWh par an, selon le conseil en énergie Hello Watt consulté par La Tribune). La hausse concerne aussi les petites entreprises, commerces, artisans. En dépit de ses promesses de mai 2022, Bruno Le Maire avait annoncé dès fin avril 2023 une sortie du bouclier tarifaire sur l'électricité mais aussi sur le gaz. Le tout, progressivement, « pour ne pas inquiéter nos compatriotes »... Inquiétude ou pas, ça va faire mal !
Le « bouclier tarifaire » est encore loin d'être entièrement levé, le gouvernement ayant décidé de ne pas suivre les calculs de la Commission de régulation de l'énergie qui estime que l'augmentation des tarifs réglementés de vente d'électricité aurait dû être portée au 1er août à 74,5 % au-dessus des tarifs actuellement en vigueur ! En prenant en charge environ 37 % de leurs dépenses d'électricité (au lieu de 43 % jusqu'alors), le gouvernement affirme que les Français continueront de bénéficier « des tarifs les plus bas en Europe ». Toujours selon la Commission de régulation de l'énergie, sans le bouclier tarifaire, les prix de l'électricité auraient bondi de 35 % en 2022 et de 100 % en 2023.
Pourtant les coûts de production ont peu augmenté ces derniers mois. Si le prix du MWh a doublé en 10 ans, donc bien avant la guerre en Ukraine, c'est surtout à cause du processus de fixation des prix du marché de l'électricité au sein de l'Union européenne. Depuis 2010, la loi NOME (« nouvelle organisation du marché de l'électricité ») a introduit l'ARENH (« accès réglementé à l'électricité nucléaire historique ») : EDF est obligé de vendre à des concurrents 25 % de sa production à un prix inférieur au coût complet du nucléaire, ce qui enrichit à ses dépens des entreprises prédatrices qui ne produisent que des factures... (certains énergéticiens revendant jusqu'à 400 € sur les marchés européens l'électricité achetée 42 € — prix ARENH — à EDF). Avec la pénurie de gaz, après l'invasion de l'Ukraine, les prix ont atteint des sommets. N'est-ce pas le moment de s'affranchir du mécanisme européen de l'ARENH afin de retrouver une électricité dont le prix soit aligné sur son coût de production, le plus bas en Europe en raison de son énergie nucléaire ? C'est l'objet d'une tribune collective au Figaro et d'un débat entre Damien Ernst, professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris, et Jean-François Raux qui a effectué la majeure partie de sa carrière au sein d'Électricité de France et de Gaz de France, sur Atlantico (en lien ci-dessous).
Pour une fois, l'opposition, de droite comme de gauche, est unanime : vent debout contre cette augmentation ! C'est « tout à fait anormal que le gouvernement annonce une hausse aujourd'hui alors que rien dans nos coûts de production ne le justifie », a tancé le patron des députés LR, Olivier Marleix. La présidente des députés insoumis à l'Assemblée nationale Mathilde Panot dénonce cette augmentation de 10 % alors que « le SMIC n'augmentera lui que de 2 % ». Du côté du Rassemblement national, Marine Le Pen rappelle : « J'avais alerté sur les mensonges de Bruno Le Maire quand il jurait qu'il n'y aurait aucun rattrapage des factures en 2023 », tandis que son bras droit et président du RN, Jordan Bardella, dénonce « un mensonge, un de plus dans une liste interminable » que les « Français vont payer ». Même son de cloche du premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure sur Twitter : « Ne jamais prendre au sérieux les engagements de ce gouvernement. »