Un monde de plus en plus sucré : du Coca-Cola à Sugarland
C'est le plus vieux partenaire du Comité international olympique, depuis les Jeux d'Amsterdam en 1928 : Coca-Cola sera au cœur des Jeux de Paris en 2024 et devrait servir 20 millions de boissons en un peu moins de quatre semaines. Des bouteilles majoritairement en plastique, notamment celles offertes aux athlètes, qui font au passage tiquer les défenseurs de l'environnement... L'idée originelle de cette visibilité du géant du soda américain n'a pas changé d'un iota en un siècle : « Se présenter au monde, trouver quelque chose qui passionne les gens et l'utiliser comme plateforme pour développer notre business ». Ces jeux 2024 sont donc de nouveau vus comme un « accélérateur de business » pour la marque.
Accélérer encore : à quoi bon, au fond ? Coca Cola reste encore cette année la marque la plus achetée au monde pour la 12e année consécutive. Elle aura aussi été choisie en rayon « près de 8,3 milliards de fois par les consommateurs » ? Si de plus en plus d'acheteurs recherchent des boissons contenant de la caféine, l'omniprésence du sucre est la vraie question de notre époque. Car il a littéralement envahi notre quotidien : jamais l'humanité n'a consommé autant de sucre. Après des millénaires de sucre naturel, l' « or blanc » s'est banalisé. Nous mangeons de nos jours dix à quinze fois plus de sucre qu'il y a un siècle. Ainsi, sur ces dernières décennies, la consommation moyenne de sucre varie de 25 à 35 kilos par personne par an. Or, il est tellement addictif que d'aucuns en comparent les effets à ceux de la cocaïne. Pour Serge Ahmed, neurobiologiste à l'Institut des maladies neurodégénératives de Bordeaux, qui étudie son mode d'action dans le cerveau, le sucre est source d'addiction. « Une fois libérée, la dopamine renforce le comportement qui a causé sa libération, c'est-à-dire la prise de drogue. En transposant les critères d'addiction à l'alimentation, 5 à 10 % de la population de poids normal et 40 % des obèses présentent des comportements addictifs vis-à-vis de la nourriture ». L'équipe scientifique bordelaise a même montré que les rats préfèrent l'eau sucrée à l'héroïne ou à la cocaïne en intraveineuse !
Et comme on trouve du sucre même dans les recettes salées et les plats préparés, le sucre est partout. Avec 56 appellations différentes pour le qualifier sur les étiquettes des produits, difficile de s'y retrouver. D'autant plus que, comme pour la cigarette, les lobbies sont omniprésents pout bloquer toute législation contraignante. Ainsi, à Bruxelles, le Corporate Europe Observatory recense pas moins de douze structures de lobbying très actives dans le secteur du sucre. Elles œuvrent à contrecarrer toute disposition législative susceptible de nuire au développement de l'industrie. Tout cela donne envie de se replonger dans le film documentaire Sugarland qui, en 2018, déjà, dénonçait les sucres cachés et leurs dangers. Damon Gameau, acteur et réalisateur australien, s'était astreint à un régime de 40 cuillères à café de sucre par jour (soit 160 grammes) pendant deux mois. Une expérience qui n'était pas sans rappeler le concept du documentaire Super size me (2004) dans lequel le réalisateur, Morgan Spurlock, avait pris tous ses repas chez McDonald's pendant un mois. Avec Sugarland, on débusque les sucres cachés de tous ces aliments dits allégés. Avant le tournage, l'Australien était en pleine forme : 76 kilos, un tour de taille de 84 cm et un bilan de santé normal. Deux mois plus tard, on comptait 8,5 kilos de plus sur la balance, 10 cm supplémentaires de tour de taille, un foie gras, des troubles de l'humeur et des analyses sanguines annonçant l'installation d'un diabète de type 2… Un résultat éloquent, prouvant s'il le fallait les ravages des excès de sucre sur notre santé. Heureusement, il suffisait d'arrêter le sucre pour effacer tous ces dégâts… En effet, selon le chercheur franco-américano-suisse interrogé dans le film, Jean-Marc Schwarz (université de Touro en Californie), « les effets négatifs du sucre peuvent être rapidement inversés ».