L’Oncle Sam, grand gagnant de la guerre en Ukraine
Économie

L’Oncle Sam, grand gagnant de la guerre en Ukraine

Par Philippe Oswald. Synthèse n°1566, Publiée le 21/04/2022
On ne compte plus les perdants de la guerre en Ukraine : l’Ukraine, la Russie, les pays européens et nombre de pays dépendant des céréales importées de Russie et d’Ukraine, telle l’Égypte. En revanche, les États-Unis tirent d’ores et déjà de la guerre des profits substantiels. Bien que partiel, l’embargo sur les sources d’énergie russes non seulement favorise les États-Unis, mais divise l’Union européenne, constate le New-York Times (14 avril, en lien ci-dessous). Cela n’a évidemment pas échappé à Vladimir Poutine qui annonce une perturbation majeure de l'économie mondiale si les pays occidentaux décidaient de proscrire totalement l’importation de pétrole et de gaz russes.

Mais l’oncle Sam n’a pas attendu de nouveaux durcissements de l’embargo pour faire du business ! Les États-Unis jouent gagnants sur tous les tableaux : armes, céréales, gaz… énumère Jean-Louis Tremblais dans Le Figaro (15 avril).

Les armes : l’OTAN se fournit en matériel américain. L’Allemagne, qui va consacrer à la modernisation de la Bundeswehr 100 milliards d’euros, a déjà commandé 35 avions furtifs F-35 au constructeur américain Lockheed Martin. Ce n’est pas de bon augure pour le SCAF (Système de combat aérien du futur) européen. Autre constructeur US, McDonnell Douglas pourrait vendre son avion gros porteur C-17 à l’armée de l’air française pour remplacer les Antonov 124. Quant à l’Eurodrone piloté par Airbus, son prototype sera équipé d’un moteur fabriqué par une filiale de General Electric…

Les céréales : les céréaliers du Midwest vont se substituer à ceux de Russie et d’Ukraine qui fournissaient 25% de la demande mondiale avant la guerre. Les agriculteurs américains, généreusement subventionnés, et qui avaient déjà réalisé des exportations records en 2021, vont en outre profiter de l’explosion du prix des céréales.

Le gaz : l’Union européenne a commandé aux États-Unis 15 milliards de m3 (Gm3) supplémentaires de gaz naturel liquéfié (GNL) – ce gaz de schiste, honni des écologistes parce qu’issu de la fracturation hydraulique (interdite en France). Mais ce n’est qu’un premier pas : à terme, il s’agira de remplacer totalement les importations de gaz russe qui représentent entre 34% et 43% de la consommation de l’UE. Ce n’est pas gagné : jusqu’à présent, ces importations échappent à l’embargo, car nombre de pays européens en dépendent, à commencer par l'Allemagne dont plus de la moitié des importations de gaz provient de Russie, mais aussi les pays baltes et… l’Ukraine par où passe l’un des trois gazoducs qui alimentent l’UE… et qui facture le droit de passage à l’ennemi russe. L’Union a élaboré le plan Repower EU, pour remplacer les deux tiers des importations russes d'ici à la fin de l’année et la totalité d’ici à 2027. « C'est un objectif très ambitieux qui risque bien de déboucher sur des pénuries de gaz l’hiver prochain » avertit François Langlet (RTL, 20 avril).

Le pétrole, qui est, avant le gaz, la première source de devises pour la Russie, pose à l’Union européenne un problème non moins épineux. La Russie est en effet le premier fournisseur de pétrole de l'UE ; malgré la guerre, les hydrocarbures russes continuent de couler à flot dans les pipelines. Après avoir interdit ce mois-ci l’importation de charbon russe (45% des importations de l’UE) avec une période de transition de quatre mois pour clôturer les commandes en cours, l'UE voudrait faire de même avec le pétrole. Mais renoncer au pétrole russe est un vrai défi pour plusieurs membres de l’UE, à commencer par l'Allemagne qui l’importe à hauteur de 34%, souligne le New-York Times. Berlin devrait trouver d’autres fournisseurs, mais aussi organiser un transport colossal (et polluant !) pour acheminer le pétrole jusqu’à ses raffineries actuellement alimentées par pipeline depuis la Russie. La Hongrie dépend elle aussi fortement du pétrole russe. Son président exige la tenue d’un sommet d'urgence des dirigeants de l'UE pour débattre du sujet, dont il refuse qu’il soit abandonné aux experts de la Commission européenne. « Certains partenaires européens ont encore des hésitations » a reconnu Bruno Le Maire, le ministre français de l'Économie. On peut les comprendre : d’après La Tribune, un embargo sur les hydrocarbures pourrait coûter à la France entre 3,6 et 7,2 milliards d’euros… Quant aux États-Unis, qui sont pourtant devenus le premier producteur mondial de pétrole, ils sont tellement « addicts » aux hydrocarbures que leur production ne suffit pas à leur consommation : 24,82 millions de barils par jour (mbj) en janvier contre une production de 17,6 mbj selon l'Agence internationale de l'énergie. Donc les États-Unis continuent à importer du pétrole… notamment de Russie. Une fois les commandes en cours effectuées, l’embargo exigé par Biden interdira totalement cette pratique. Mais le pétrole russe pourrait néanmoins continuer de parvenir aux Américains via… l’Inde, gros acheteur (et revendeur par effet d’aubaine) de l’or noir importé de Russie.
La sélection
L’Oncle Sam, grand gagnant de la guerre en Ukraine
Europe reluctantly readies russian oil embargo
The New York Times
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