Bioéthique
L'euthanasie n'est pas un soin, clament les soignants
Donner la mort peut-il être considéré comme un soin ? « Non », répondent en chœur treize organisations de santé « conscientes de l’injonction légale qui pourrait leur être faite demain » si la mort administrée devait devenir une pratique. Inquiets mais résolus, ces professionnels – médecins, infirmiers ou psychologues – publient un document de 27 pages au nom des « 800 000 soignants » que leurs associations disent représenter.
Le débat est-il joué d’avance ? Le président Macron souhaite faire évoluer le cadre de la fin de vie. La « convention citoyenne » dont il est à l’origine lui fournit une caution morale et démocratique. À la question : « l'accès à l'aide active à mourir doit-il être ouvert ? », 75% de ses 184 membres ont voté « oui » et 19% « non ». Le scrutin se déroulait au Conseil économique, social et environnemental (Cese), lui-même, comme le Parlement, majoritairement favorable à un changement de la loi.
Les soignants ne pouvaient pas en rester à l’opinion de citoyens tirés au sort. Acclamés à l’orée du covid mais éreintés par un hôpital en tension, ils refusent que leur métier soit transformé par l’assistance au suicide et l’euthanasie. « C’est comme si on allait nous donner un rôle de bourreau sans se soucier de ce que nous en pensons ! », s’écrie Maxence Gal, infirmier libéral. Leur tribune est « un appel qui sonne comme un avertissement au chef de l’État », écrit Le Figaro. Combien démissionneraient si la loi forçait les soignants à tuer leurs patients ? 69% quitteraient leur poste ou utiliseraient leur clause de conscience, selon un sondage Opinion Way réalisé en septembre pour la SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), acteur de premier plan de cette mobilisation.
Se donner la mort est une chose, se la faire donner en est une autre. Or, relèvent les organisations de santé, « aucun pays n’a légalisé une forme de mort administrée sans insérer dans le processus la participation d’un soignant, que ce soit pour réaliser l’acte lui-même (euthanasie), pour réaliser la prescription d’un produit létal (suicide assisté modèle Oregon) ou pour réaliser une évaluation et une validation de la demande (suicide assisté modèle Suisse) ».
Dans tous les cas, les soignants semblent donc piégés. Sauf que la question n’est pas nouvelle. Le droit à disposer de son corps les oblige depuis longtemps à pratiquer un acte non-médical plus engageant que l’euthanasie. L'IVG empêche un être humain de jouir à jamais de la vie, alors que le mourant l'abandonne après avoir vécu. L’IVG ne questionne pas non plus le désir de vivre du sujet (qui n’a pas d’existence légale). Quant au mobile compassionnel de la souffrance justifiant l'acte létal, elle n'entre même pas dans la problématique de l'IVG. Bref, l'avortement impose déjà aux soignants de telles concessions qu'il est compliqué pour eux de se prévaloir de l'éthique pour refuser l'euthanasie.
La situation est bien paradoxale : l’exécutif veut administrer la mort, alors que la souffrance n’a jamais été aussi bien traitée qu’aujourd'hui : si les « douleurs réfractaires » existent, « elles sont rares », observe même le docteur Estelle Destrée, interrogée dans le documentaire Mourir n'est pas tuer – enquête au cœur de la fin de vie. « Je préférerais m’ôter la vie » plutôt que de « faire le sale boulot », dit-elle même au journaliste Géraud Burin des Roziers.
De même, les pro-euthanasie présentent-ils « l'aide active à mourir » comme une promesse, alors que dans un État prélevant plus de la moitié de la richesse, le citoyen serait en droit d'exiger un niveau de service digne des soins palliatifs. La dimension anti-sociale de l’euthanasie n’est jamais abordée chez ceux qui usent et abusent du mot de « solidarité » pour les besoins de leur carrière politique.
Au Canada, un rapport parlementaire, cité dans Mourir n’est pas tuer, indique que « les coûts des soins pendant la dernière année de vie sont hors de proportion : ils représentent 10 à 20% du total des coûts de santé, alors que les personnes qui les reçoivent ne forment que 1% de la population. » Ce rapport conclut que l’élargissement de l’aide médicale à mourir (AMM) entraînera une réduction nette des dépenses de santé de l’ordre de 149 millions de dollars canadiens (103 millions d’euros).
Pour les professionnels en colère, un tel calcul annonce un monde kafkaïen, où la pression familiale et sociale conduira les personnes dépendantes ou fragiles à vouloir se tuer pour ne pas peser sur les autres. Et les soignants seront là pour les y pousser et y pourvoir. Mourir n’est pas tuer insiste sur cette rupture du serment d'Hippocrate.
La chose est complexe, cependant. Tourné aussi en Suisse et en Belgique, le documentaire montre d’autres soignants qui « aident à mourir » par générosité et compassion. Une réalité émerge à la fin : c’est dans la solitude que naît le besoin d’en finir. Ce qui veut dire que la relation, la présence, le sourire, l'écoute, le toucher – les autres en fait –, sont les signes de mon humanité et qu’en leur absence, il n'y a plus de raison de vivre.
Le débat est-il joué d’avance ? Le président Macron souhaite faire évoluer le cadre de la fin de vie. La « convention citoyenne » dont il est à l’origine lui fournit une caution morale et démocratique. À la question : « l'accès à l'aide active à mourir doit-il être ouvert ? », 75% de ses 184 membres ont voté « oui » et 19% « non ». Le scrutin se déroulait au Conseil économique, social et environnemental (Cese), lui-même, comme le Parlement, majoritairement favorable à un changement de la loi.
Les soignants ne pouvaient pas en rester à l’opinion de citoyens tirés au sort. Acclamés à l’orée du covid mais éreintés par un hôpital en tension, ils refusent que leur métier soit transformé par l’assistance au suicide et l’euthanasie. « C’est comme si on allait nous donner un rôle de bourreau sans se soucier de ce que nous en pensons ! », s’écrie Maxence Gal, infirmier libéral. Leur tribune est « un appel qui sonne comme un avertissement au chef de l’État », écrit Le Figaro. Combien démissionneraient si la loi forçait les soignants à tuer leurs patients ? 69% quitteraient leur poste ou utiliseraient leur clause de conscience, selon un sondage Opinion Way réalisé en septembre pour la SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), acteur de premier plan de cette mobilisation.
Se donner la mort est une chose, se la faire donner en est une autre. Or, relèvent les organisations de santé, « aucun pays n’a légalisé une forme de mort administrée sans insérer dans le processus la participation d’un soignant, que ce soit pour réaliser l’acte lui-même (euthanasie), pour réaliser la prescription d’un produit létal (suicide assisté modèle Oregon) ou pour réaliser une évaluation et une validation de la demande (suicide assisté modèle Suisse) ».
Dans tous les cas, les soignants semblent donc piégés. Sauf que la question n’est pas nouvelle. Le droit à disposer de son corps les oblige depuis longtemps à pratiquer un acte non-médical plus engageant que l’euthanasie. L'IVG empêche un être humain de jouir à jamais de la vie, alors que le mourant l'abandonne après avoir vécu. L’IVG ne questionne pas non plus le désir de vivre du sujet (qui n’a pas d’existence légale). Quant au mobile compassionnel de la souffrance justifiant l'acte létal, elle n'entre même pas dans la problématique de l'IVG. Bref, l'avortement impose déjà aux soignants de telles concessions qu'il est compliqué pour eux de se prévaloir de l'éthique pour refuser l'euthanasie.
La situation est bien paradoxale : l’exécutif veut administrer la mort, alors que la souffrance n’a jamais été aussi bien traitée qu’aujourd'hui : si les « douleurs réfractaires » existent, « elles sont rares », observe même le docteur Estelle Destrée, interrogée dans le documentaire Mourir n'est pas tuer – enquête au cœur de la fin de vie. « Je préférerais m’ôter la vie » plutôt que de « faire le sale boulot », dit-elle même au journaliste Géraud Burin des Roziers.
De même, les pro-euthanasie présentent-ils « l'aide active à mourir » comme une promesse, alors que dans un État prélevant plus de la moitié de la richesse, le citoyen serait en droit d'exiger un niveau de service digne des soins palliatifs. La dimension anti-sociale de l’euthanasie n’est jamais abordée chez ceux qui usent et abusent du mot de « solidarité » pour les besoins de leur carrière politique.
Au Canada, un rapport parlementaire, cité dans Mourir n’est pas tuer, indique que « les coûts des soins pendant la dernière année de vie sont hors de proportion : ils représentent 10 à 20% du total des coûts de santé, alors que les personnes qui les reçoivent ne forment que 1% de la population. » Ce rapport conclut que l’élargissement de l’aide médicale à mourir (AMM) entraînera une réduction nette des dépenses de santé de l’ordre de 149 millions de dollars canadiens (103 millions d’euros).
Pour les professionnels en colère, un tel calcul annonce un monde kafkaïen, où la pression familiale et sociale conduira les personnes dépendantes ou fragiles à vouloir se tuer pour ne pas peser sur les autres. Et les soignants seront là pour les y pousser et y pourvoir. Mourir n’est pas tuer insiste sur cette rupture du serment d'Hippocrate.
La chose est complexe, cependant. Tourné aussi en Suisse et en Belgique, le documentaire montre d’autres soignants qui « aident à mourir » par générosité et compassion. Une réalité émerge à la fin : c’est dans la solitude que naît le besoin d’en finir. Ce qui veut dire que la relation, la présence, le sourire, l'écoute, le toucher – les autres en fait –, sont les signes de mon humanité et qu’en leur absence, il n'y a plus de raison de vivre.