Léon Marchand : retour sur l'ascension fulgurante d'un monstre marin
Né en 2002 à Toulouse dans une famille de nageurs, Léon Marchand baigne dès son plus jeune âge dans le monde de la natation. Son père, Xavier Marchand, vice-champion du monde en 1998, et sa mère, Céline Bonnet, ancienne championne de France, l'entourent d'un environnement sportif. Malgré cela, ses parents ne le poussent pas à nager, préférant le laisser décider de son parcours. Il prend ainsi quelques pauses durant sa jeunesse, en raison notamment de sa sensibilité au froid, avant de se lancer pleinement dans cette discipline et de rejoindre le club des Dauphins du TOEC, où il brille sous l'encadrement de Nicolas Castel. Il obtient son baccalauréat scientifique avec mention très bien et décroche son premier titre de champion de France en 2020.
Après les Jeux de Tokyo 2021, où il fait ses premiers pas sur la scène olympique, Léon rejoint l'Arizona State University aux États-Unis, pour s'entraîner sous la direction de Bob Bowman, célèbre pour avoir coaché Michael Phelps. Là-bas, les sessions d'entraînement commencent très tôt, dès 6 heures du matin, et durent longtemps, environ 5 heures par jour, 7 jours sur 7. Certains des meilleurs nageurs mondiaux s'entraînent avec Bob Bowman pour viser l'excellence et simuler la pression mentale des compétitions. Léon raconte sur RTL : « Je mange 5 à 6 fois par jour. [...] Et je ne prends pas de poids. Ça montre donc qu'on perd beaucoup de calories pendant l'entraînement. Avec Bob Bowman, ce n'est pas facile dès le matin à 6 heures. En général, les départs sont très serrés, on a peut-être une minute de repos sur 2 heures d'entraînement. »
Aux États-Unis, Léon participe aux compétitions NCAA (championnats universitaires), où les nageurs représentent leur équipe. Toutes les deux semaines, ils affrontent d'autres universités, cumulant des points individuels pour le score collectif. Son équipe, les Sun Devils, fait partie de la conférence Pac-12, l'une des plus compétitives. En 2022, à seulement 19 ans, il bat le record de Caeleb Dressel sur le 200 yards 4 nages, un exploit marquant, d'autant que Dressel avait remporté cinq médailles d'or aux Jeux olympiques de Tokyo l'année précédente. Lors de cette saison en petit bassin, Léon enchaîne 26 victoires et bat 6 records NCAA en mars 2023, menant son université à une seconde place historique. En juillet 2023, il efface le record de Phelps sur 400 m 4 nages aux Mondiaux de Fukuoka et remporte plusieurs titres, dont le 200 m 4 nages et le 200 m papillon, confirmant son statut de star mondiale, surnommé Shin Kaibutsu (« nouveau monstre ») au Japon.
Léon Marchand fait de sa morphologie un véritable atout. Selon une chercheuse du CNRS, contrairement à certains concurrents avec des épaules et un bassin plus larges, sa morphologie plus élancée lui permet de mieux glisser sous l'eau. Il utilise aussi une technique d'ondulation sous-marine plus efficace et tire profit des vagues qu'il se crée lui-même. Léon maximise cette stratégie en réalisant des coulées plus longues que ses adversaires, flirtant parfois avec la limite des 15 mètres autorisés avant disqualification. Doté d'une grande capacité anaérobie, il peut nager longtemps sans respirer, tout en maintenant ses performances en surface. Des tests réguliers montrent que Léon élimine rapidement le lactate après un effort. Le lactate est produit par les muscles pendant un exercice intense, lorsque l'oxygène manque pour fournir de l'énergie. En avoir trop provoque des brûlures et de la fatigue musculaire, rendant l'effort plus difficile à poursuivre. Léon n'a pas ce problème. Contrairement à la récupération « passive » utilisée par la plupart des athlètes, Léon pratique la récupération « active » en nageant à haute intensité sur de courtes distances. Cette méthode favorise une élimination rapide du lactate, accélère sa récupération, optimise son temps de repos et renforce sa résistance ainsi que son endurance.
Les Jeux de Paris ont été sa consécration avec quatre médailles d'or aux 400 m 4 nages, 200 m papillon, 200 m brasse et 200 m 4 nages, tout en établissant plusieurs records olympiques. Il a aussi décroché le bronze par équipe en relais 4 × 100 m 4 nages. Des victoires qui ont ému bien au-delà du bassin. Alors que Léon fonçait vers son quatrième titre olympique (200 m 4 nages), le départ du 400 m du décathlon a été repoussé au Stade de France. En cause, les cris de la foule empêchant le starter de se faire entendre. Idem au Grand Palais, pendant la finale d'escrime par équipe entre le Japon et la Hongrie : les yeux rivés sur leurs téléphones, le public oubliait l'épée au profit du nageur qui fendait les eaux.
Le règne de Léon Marchand sur la natation mondiale se confirme. Après un bref répit post-olympique, Léon reprend la compétition au sein de la Coupe du monde en petit bassin, débutant par Shanghai en octobre dernier, où il décroche trois médailles d'or en trois jours (100 m, 200 m et 400 m 4 nages), établissant un record européen au 200 m 4 nages avec un temps de 1'50"30. De plus, il bat les records de France du 100 m 4 nages en 50"65 et du 400 m 4 nages en 4'00"03. En novembre, lors de l'étape suivante à Singapour, Léon franchit un nouveau cap en battant le record du monde au 200 m 4 nages avec un temps spectaculaire de 1'48"88, consolidant ainsi son statut de prodige dans la natation mondiale.