Histoire
Le scientifique américain qui a sauvé le champagne
À la Saint Sylvestre, on entend un crépitement qui rappelle le feu de la Saint Jean… Ce sont des millions de bouchons qui claquent et parfois s’envolent dans le ciel noir du fond de l’hiver. Pourtant, ce vin magnifique, si intimement attaché à l’identité française, a bien failli disparaître au début du XXème siècle. Kerry J. Byrne, pour Fox News, met en lumière le sauvetage d’un scientifique américain oublié (voir l’article en lien). Son nom : Charles Valentine Riley. Sa spécialité : l’entomologie, c’est-à-dire l’étude des insectes. Un véritable art tant Riley excellait à dessiner des croquis parfaits des petites bêtes. Il voyait de la beauté dans des créatures largement détestées… Né à Londres en 1843, Riley est tombé amoureux de la France pendant des études mêlant l’art et la science. Naturalisé américain à 17 ans, il est devenu l’entomologiste attitré de l’État du Missouri après avoir travaillé dans une grande exploitation agricole en Illinois.
Le Missouri était réputé à l’époque pour la qualité de ses vins. Des immigrés allemands avaient planté des vignes sur les coteaux proches du Mississipi. Le vignoble de Stone Hill était le 3ème producteur de vin mondial dans les années 1870 (cette terre de vins a disparu dans les années 20, victime de la Prohibition). Riley se concentrait sur l’étude des nuisibles affectant les cultures locales. Il a fait une découverte fondamentale : les vignes du Missouri étaient immunisées contre les morsures d’un puceron dévoreur dénommé phylloxéra – lui-même originaire des États-Unis. Il avait compris l’extraordinaire résistance des plants en provenance de la côte est américaine (comme le « norrois Virginia ») qui avaient remplacé les premières cultures ravagées par le mildiou dans les années 1840. Le phylloxéra (du grec « feuille sèche ») avait traversé l’Atlantique à cause de l’intensification des échanges avec l’Europe. En 1863, il était détecté dans le sud de la France et s’étendait à toute vitesse de région en région. La catastrophe était immense dans un pays où le vin représentait non seulement une activité économique rurale majeure, mais était intimement attaché à l’identité culturelle française. Des arpents entiers étaient transformés en champs de moignons noircis… Le fléau semblait incontrôlable ; la production viticole nationale allait passer en 30 ans de 41 à 23 millions d’hectolitres. Les solutions les plus désespérées échouaient les unes après les autres : placer un crapaud entre chaque pied de vigne, asperger les feuilles de vin blanc ou d’eau de mer… Le désastre, qui allait frapper 90% des vignes françaises, a accentué l’exode rural en poussant des milliers de vignerons à quitter leurs terres vers les villes.
Le gouvernement français avait promis une récompense de 300 000 francs (à peu près 600 000 euros) pour toute personne trouvant une solution. Riley, devenu l’entomologiste en chef du ministère de l’agriculture fédéral en 1868, a fait trois voyages en France pour convaincre les autorités françaises d’adopter la seule solution pérenne à ses yeux : introduire des porte-greffes issus de plants américains résistant au phylloxéra. L’opposition française a d’abord été forte : comment accepter les conseils d’un « Yankee » dans un pays réputé pour sa culture du vignoble ? La méfiance semblait de mise face à un mordu de petites bêtes qui avaient causé le fléau affligeant les vignes françaises. Mais la tension était telle que, lors d’un congrès international tenu à Bordeaux en 1881, la solution de la greffe de plants américains était finalement préconisée. Il a fallu laisser du temps au temps, mais les résultats ont été remarquables, des vignes florissant sur des champs de ruine…
Le champagne a été touché par le phylloxéra plus tardivement, à l’aube du XXème siècle, alors que le puceron remontait vers le nord... Les producteurs de champagne avaient d’abord fièrement ignoré les alertes venant du sud. Là encore, l’économie de la région était sabotée par la vermine dévorant les ceps… La politique consistant à brûler les terres infectées rendait fous de colère les petits exploitants. Ce n’est qu’en 1901 que les plants américains furent autorisés dans le département de la Marne. Un peu tard, car il faut du temps pour faire renaître les vignes ! Des émeutes violentes allaient d’ailleurs éclater à Reims en janvier 1911 alarmant le gouvernement. La « vitis vinifera » de Champagne ne perdait pas ses caractéristiques mais bénéficiait de la robustesse des plants américains. Le secret : leur tissu situé sous l’écorce est très actif et crée, juste après la morsure du puceron, un liège qui permet la cicatrisation…
Charles Valentine Riley est mort en 1895 victime d’un accident de bicyclette à Washington. Il n’a jamais reçu les 300 000 francs mais la France l’a décoré de la Légion d’Honneur. La ville de Montpellier a érigé une statue en remerciement au travail des entomologistes. On y voit le buste de Jules Emile Planchon, enfant du pays, qui a soutenu la solution de greffage de Riley. Ce dernier est aussi le précurseur génial de la « lutte biologique » : utiliser les bienfaits de la nature pour combattre ses fléaux…
Le Missouri était réputé à l’époque pour la qualité de ses vins. Des immigrés allemands avaient planté des vignes sur les coteaux proches du Mississipi. Le vignoble de Stone Hill était le 3ème producteur de vin mondial dans les années 1870 (cette terre de vins a disparu dans les années 20, victime de la Prohibition). Riley se concentrait sur l’étude des nuisibles affectant les cultures locales. Il a fait une découverte fondamentale : les vignes du Missouri étaient immunisées contre les morsures d’un puceron dévoreur dénommé phylloxéra – lui-même originaire des États-Unis. Il avait compris l’extraordinaire résistance des plants en provenance de la côte est américaine (comme le « norrois Virginia ») qui avaient remplacé les premières cultures ravagées par le mildiou dans les années 1840. Le phylloxéra (du grec « feuille sèche ») avait traversé l’Atlantique à cause de l’intensification des échanges avec l’Europe. En 1863, il était détecté dans le sud de la France et s’étendait à toute vitesse de région en région. La catastrophe était immense dans un pays où le vin représentait non seulement une activité économique rurale majeure, mais était intimement attaché à l’identité culturelle française. Des arpents entiers étaient transformés en champs de moignons noircis… Le fléau semblait incontrôlable ; la production viticole nationale allait passer en 30 ans de 41 à 23 millions d’hectolitres. Les solutions les plus désespérées échouaient les unes après les autres : placer un crapaud entre chaque pied de vigne, asperger les feuilles de vin blanc ou d’eau de mer… Le désastre, qui allait frapper 90% des vignes françaises, a accentué l’exode rural en poussant des milliers de vignerons à quitter leurs terres vers les villes.
Le gouvernement français avait promis une récompense de 300 000 francs (à peu près 600 000 euros) pour toute personne trouvant une solution. Riley, devenu l’entomologiste en chef du ministère de l’agriculture fédéral en 1868, a fait trois voyages en France pour convaincre les autorités françaises d’adopter la seule solution pérenne à ses yeux : introduire des porte-greffes issus de plants américains résistant au phylloxéra. L’opposition française a d’abord été forte : comment accepter les conseils d’un « Yankee » dans un pays réputé pour sa culture du vignoble ? La méfiance semblait de mise face à un mordu de petites bêtes qui avaient causé le fléau affligeant les vignes françaises. Mais la tension était telle que, lors d’un congrès international tenu à Bordeaux en 1881, la solution de la greffe de plants américains était finalement préconisée. Il a fallu laisser du temps au temps, mais les résultats ont été remarquables, des vignes florissant sur des champs de ruine…
Le champagne a été touché par le phylloxéra plus tardivement, à l’aube du XXème siècle, alors que le puceron remontait vers le nord... Les producteurs de champagne avaient d’abord fièrement ignoré les alertes venant du sud. Là encore, l’économie de la région était sabotée par la vermine dévorant les ceps… La politique consistant à brûler les terres infectées rendait fous de colère les petits exploitants. Ce n’est qu’en 1901 que les plants américains furent autorisés dans le département de la Marne. Un peu tard, car il faut du temps pour faire renaître les vignes ! Des émeutes violentes allaient d’ailleurs éclater à Reims en janvier 1911 alarmant le gouvernement. La « vitis vinifera » de Champagne ne perdait pas ses caractéristiques mais bénéficiait de la robustesse des plants américains. Le secret : leur tissu situé sous l’écorce est très actif et crée, juste après la morsure du puceron, un liège qui permet la cicatrisation…
Charles Valentine Riley est mort en 1895 victime d’un accident de bicyclette à Washington. Il n’a jamais reçu les 300 000 francs mais la France l’a décoré de la Légion d’Honneur. La ville de Montpellier a érigé une statue en remerciement au travail des entomologistes. On y voit le buste de Jules Emile Planchon, enfant du pays, qui a soutenu la solution de greffage de Riley. Ce dernier est aussi le précurseur génial de la « lutte biologique » : utiliser les bienfaits de la nature pour combattre ses fléaux…