Le métavers : un paradis virtuel à la portée d'un clic
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Le métavers : un paradis virtuel à la portée d'un clic

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°1788, Publiée le 05/01/2023 - Illustration : Shutterstock
C’est en octobre 2021 que Mark Zuckerberg a annoncé que Facebook changeait de nom pour Meta. Ce « rebranding » avait pour but d’illustrer le début d’une nouvelle ère pour la société dont il est le fondateur : l’entrée dans l’âge du métavers. Profitant des avancées spectaculaires dans le domaine de la réalité virtuelle (« VR »), ce nouveau monde propose aux visiteurs de se réincarner en choisissant des avatars. Les casques « VR » permettent de se détacher d’un écran d’ordinateur et de rendre l’expérience immersive. « Vous allez pouvoir faire presque tout ce que vous pouvez imaginer » s’extasie Zuckerberg… De fait, les options paraissent infinies. Professionnelles d’abord, en permettant à des collègues de se retrouver dans une salle de réunion, ou d’organiser des formations médicales très poussées sur des patients virtuels. De loisirs ensuite, en proposant des mondes imaginaires où les limites physiques du réel ne sont plus des contraintes…

Un peu plus d’un an après cette annonce fracassante, on est encore loin de ce qui était promis. Les défis techniques sont importants. L’incertitude autour de l’interopérabilité des différentes plateformes proposées par des sociétés rivales menace de fragmenter une expérience censée être parfaitement fluide pour les utilisateurs. D’ailleurs, certains poids lourds du secteur informatique comme Apple ont adopté une stratégie différente. Au lieu de tout miser sur la « VR », la marque à la pomme préfère développer la réalité augmentée (« AR ») qui consiste à enrichir le monde réel avec des éléments virtuels. On ne plonge pas un client dans un monde parallèle mais on vend – par exemple – une application permettant de placer virtuellement un meuble dans un espace capturé par la caméra d’un smartphone… Peut-être que Mark Zuckerberg est un visionnaire et qu’il faut juste patienter pour que le métavers s’impose comme l’internet il y a 30 ans ? La patience est une vertu dont les actionnaires de Meta vont devoir s’armer car la valeur de leurs actions a chuté de 65% en 2022.

Mais les adeptes du métavers y voient bien plus qu’un nouveau « business » selon John Ketcham pour City Journal (voir son article en lien). C’est la promesse postmoderne enfin réalisée ou presque : construire un monde neuf, délivré de toutes les limites frustrantes, tant historiques que biologiques. Des individus vont pouvoir devenir exactement qui ils veulent, et changer comme bon leur semble. En fait, le métavers reprend la vision utopique des pionniers de l’internet qui annonçaient la naissance d’un monde meilleur délivré de la présence malfaisante des frontières et des gouvernements. À l’époque, l’internet balbutiant restait décentralisé et ouvert, faisant croire au rêve libéral où nulle force coercitive ne serait nécessaire pour garantir la stabilité et la croissance des échanges. On en est loin aujourd’hui avec quelques mastodontes de la « Big Tech », principalement américains, dominant les technologies de l’information. La question épineuse du « contrôle de contenu » sur les réseaux sociaux semble insoluble dans un métavers qui efface les barrières entre réel et virtuel, vrai et faux. La Constitution américaine garantit la liberté d’expression des citoyens face à leur gouvernement. Les réseaux sociaux, en tant qu’acteurs privés, ne sont pas soumis à cette obligation de la même manière que les citoyens peuvent choisir de ne pas les utiliser. Mais cette situation est compliquée par la présence massive de personnalités politiques, voire d’antennes gouvernementales, sur ces réseaux. Quand le métavers offrira un forum virtuel, une quelconque régulation semble compromise puisqu’il prendra l’apparence d’une assemblée réelle. Quelle place pour le processus électoral alors ?

Le métavers pose un problème plus profond. Contrairement à ce qui se passe dans la vie réelle, l’utilisateur pourra imposer une identité sans être soumis au jugement de ses semblables, à la fois mental et sensoriel. C’est le rêve de la « déconstruction » : imposer sa personne « reconstruite » au monde qui nous entoure. L’accélération des échanges virtuels offre aux « déconstructeurs » un espoir de voir le monde virtuel supplanter le réel. Ce paradis promet-il l’émergence d’êtres supérieurs ? On peut en douter car la satisfaction immédiate d’envies n’aide pas à la construction d’un caractère, ni de vertus comme le courage ou la patience.

Le métavers répond à un fantasme vieux comme le monde et cher aux utopistes : échapper au monde réel si décevant. L’appel de Meta est d’autant plus attirant dans la période actuelle, entre épidémies et conflits. Dans un monde matérialiste qui moque ou nie la possibilité d’une vie après la mort, le métavers garantit l’accès à un paradis technologique disponible sans effort… C’est la promesse transhumaniste de désincarner les êtres humains. Tout le monde pourra – moyennant paiement – accéder à ce paradis peuplé d’anges. Sauf que l’abonnement à un métavers ne garantira pas le bonheur…
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