Christianisme
« L’affaire Rupnik », un scandale « Urbi et Orbi »
Un scandale sexuel touchant le jésuite et artiste Marko Rupnik embarrasse fort le Saint-Siège. Il est "Urbi et Orbi" : son épicentre est à Rome mais l'onde de choc est universelle. C'est plus qu'une "banale" affaire de mœurs et d'abus spirituels car elle touche sinon un proche du pape François, du moins un jésuite apprécié du Saint-Père comme déjà de Jean-Paul II, en tant qu'artiste internationalement reconnu – et rémunéré comme tel. Surtout, la stratégie de défense de la Compagnie de Jésus s'avère contre-productive.
Marko Ivan Rupnik, 68 ans, prêtre jésuite slovène, est un célèbre mosaïste dont l'atelier d'art sacré est à Rome. Il a orné de nombreux sanctuaires, chapelles et églises dans la Ville éternelle et dans le monde. Par exemple, la chapelle Redemptoris Mater du Vatican, décorée en 1996 à la demande du pape Jean-Paul II, et la basilique Notre-Dame-du-Rosaire, à Lourdes. Mais la commande passée par le diocèse de Versailles pour la nouvelle église Saint-Joseph-le-Bienveillant, à Montigny-Voisins (Yvelines), a été annulée le 8 décembre par l'évêque, Mgr Luc Crépy, et par l'abbé Pierre-Hervé Grosjean, curé de la paroisse. Ils venaient d'apprendre que le prêtre est accusé par des religieuses de multiples agressions sexuelles dans les années 1990. Les premières plaignantes appartiennent à la communauté de Loyola, fondée en Slovénie par le père Rupnik lui-même. Mais le nombre total des victimes pourrait avoisiner la vingtaine.
Sur la base des premières plaintes, la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont le préfet est le cardinal Ladaria Ferrer, un autre jésuite réputé pour sa probité et sa rigueur doctrinale, avait prononcé l'excommunication du père Rupnik, en mai 2020. Comme dans l'affaire Michel Santier en France, c'est l'instrumentalisation de la confession par Marko Rupnik pour obtenir des faveurs sexuelles puis les absoudre, qui a déclenché l'excommunication pour "absolution du complice" (elle est alors systématique) après les aveux du jésuite. Étrangement, cette lourde sanction a été presque aussitôt levée par décret. Qui en est à l'initiative ? Le pape lui-même ou le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi ? Mais celui-ci n'agit-il pas au nom du pape ? Deux mois plus tôt, en mars 2020, le père Rupnik avait prêché devant le pape François la retraite de carême au Vatican alors qu'en janvier 2020, le procès canonique mené par la Congrégation pour la doctrine de la foi avait déjà conclu unanimement à la culpabilité du jésuite (la sentence n'ayant été formellement prononcée qu'en mai 2020).
La presse italienne a fait éclater cette affaire au début de ce mois de décembre 2022. Un communiqué de la Compagnie de Jésus, le 2 décembre, ne mentionnait pas l'excommunication qui avait frappé le père Rupnik avant d'être levée. Le communiqué des jésuites semblait minimiser les faits, soulignant qu'ils ne touchaient pas des mineurs, qu'ils étaient prescrits, et que des "mesures de précaution" avaient été prises à l'encontre du coupable (selon La Croix du 26 décembre, les jésuites avaient en effet pris des mesures de restrictions de ministère contre Rupnik dès 2019 mais celui-ci n'en avait tenu aucun compte, continuant impunément à confesser et à prêcher...) Quelques jours après la publication de ce communiqué, le supérieur général des Jésuites, le père Arturo Sosa. revenait sur le sujet au cours de deux conférences de presse, les 7 et 14 décembre. Plusieurs vaticanistes, à Rome et en France (notamment Jean-Marie Guénois, dont on peut lire l'enquête pour Le Figaro en lien ci-dessous) ont relevé sinon une contradiction, du moins une différence importante entre ces deux conférences de presse. Dans la première, donnée au Portugal, le supérieur des jésuites en restait à la teneur du communiqué, sans faire mention de l'excommunication, mais en soutenant que les jésuites n'avaient dans cette affaire "rien à cacher". Dans la seconde, donnée à Rome une semaine plus tard, le "général" des jésuites, poussé dans ses retranchements par un journaliste, reconnaissait qu'il y avait bien eu une sanction d'excommunication tout en précisant qu'elle avait été levée parce que ce prêtre avait "reconnu le fait" (absolution d'une religieuse dont il venait d'abuser sexuellement) et qu'il s'en était "formellement repenti". La reconnaissance et la repentance sont en effet les deux conditions définies par le Code de droit canonique pour lever cette sanction. Mais la discrétion totale dont elle a été entourée et la promptitude à la lever ne laissent pas d'étonner. Elles ne peuvent qu'aviver les blessures des victimes, celles dont les plaintes ont déjà mené à la condamnation du père Rupnik comme celles, plus nombreuses, dont les plaintes sont en cours d'examen. En définitive, la question s'impose : n'a-t-on pas voulu protéger à tout prix le jésuite et célèbre artiste Marko Ivan Rupnik avant que l'affaire ne soit révélée par la presse italienne ?
Marko Ivan Rupnik, 68 ans, prêtre jésuite slovène, est un célèbre mosaïste dont l'atelier d'art sacré est à Rome. Il a orné de nombreux sanctuaires, chapelles et églises dans la Ville éternelle et dans le monde. Par exemple, la chapelle Redemptoris Mater du Vatican, décorée en 1996 à la demande du pape Jean-Paul II, et la basilique Notre-Dame-du-Rosaire, à Lourdes. Mais la commande passée par le diocèse de Versailles pour la nouvelle église Saint-Joseph-le-Bienveillant, à Montigny-Voisins (Yvelines), a été annulée le 8 décembre par l'évêque, Mgr Luc Crépy, et par l'abbé Pierre-Hervé Grosjean, curé de la paroisse. Ils venaient d'apprendre que le prêtre est accusé par des religieuses de multiples agressions sexuelles dans les années 1990. Les premières plaignantes appartiennent à la communauté de Loyola, fondée en Slovénie par le père Rupnik lui-même. Mais le nombre total des victimes pourrait avoisiner la vingtaine.
Sur la base des premières plaintes, la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont le préfet est le cardinal Ladaria Ferrer, un autre jésuite réputé pour sa probité et sa rigueur doctrinale, avait prononcé l'excommunication du père Rupnik, en mai 2020. Comme dans l'affaire Michel Santier en France, c'est l'instrumentalisation de la confession par Marko Rupnik pour obtenir des faveurs sexuelles puis les absoudre, qui a déclenché l'excommunication pour "absolution du complice" (elle est alors systématique) après les aveux du jésuite. Étrangement, cette lourde sanction a été presque aussitôt levée par décret. Qui en est à l'initiative ? Le pape lui-même ou le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi ? Mais celui-ci n'agit-il pas au nom du pape ? Deux mois plus tôt, en mars 2020, le père Rupnik avait prêché devant le pape François la retraite de carême au Vatican alors qu'en janvier 2020, le procès canonique mené par la Congrégation pour la doctrine de la foi avait déjà conclu unanimement à la culpabilité du jésuite (la sentence n'ayant été formellement prononcée qu'en mai 2020).
La presse italienne a fait éclater cette affaire au début de ce mois de décembre 2022. Un communiqué de la Compagnie de Jésus, le 2 décembre, ne mentionnait pas l'excommunication qui avait frappé le père Rupnik avant d'être levée. Le communiqué des jésuites semblait minimiser les faits, soulignant qu'ils ne touchaient pas des mineurs, qu'ils étaient prescrits, et que des "mesures de précaution" avaient été prises à l'encontre du coupable (selon La Croix du 26 décembre, les jésuites avaient en effet pris des mesures de restrictions de ministère contre Rupnik dès 2019 mais celui-ci n'en avait tenu aucun compte, continuant impunément à confesser et à prêcher...) Quelques jours après la publication de ce communiqué, le supérieur général des Jésuites, le père Arturo Sosa. revenait sur le sujet au cours de deux conférences de presse, les 7 et 14 décembre. Plusieurs vaticanistes, à Rome et en France (notamment Jean-Marie Guénois, dont on peut lire l'enquête pour Le Figaro en lien ci-dessous) ont relevé sinon une contradiction, du moins une différence importante entre ces deux conférences de presse. Dans la première, donnée au Portugal, le supérieur des jésuites en restait à la teneur du communiqué, sans faire mention de l'excommunication, mais en soutenant que les jésuites n'avaient dans cette affaire "rien à cacher". Dans la seconde, donnée à Rome une semaine plus tard, le "général" des jésuites, poussé dans ses retranchements par un journaliste, reconnaissait qu'il y avait bien eu une sanction d'excommunication tout en précisant qu'elle avait été levée parce que ce prêtre avait "reconnu le fait" (absolution d'une religieuse dont il venait d'abuser sexuellement) et qu'il s'en était "formellement repenti". La reconnaissance et la repentance sont en effet les deux conditions définies par le Code de droit canonique pour lever cette sanction. Mais la discrétion totale dont elle a été entourée et la promptitude à la lever ne laissent pas d'étonner. Elles ne peuvent qu'aviver les blessures des victimes, celles dont les plaintes ont déjà mené à la condamnation du père Rupnik comme celles, plus nombreuses, dont les plaintes sont en cours d'examen. En définitive, la question s'impose : n'a-t-on pas voulu protéger à tout prix le jésuite et célèbre artiste Marko Ivan Rupnik avant que l'affaire ne soit révélée par la presse italienne ?