Christianisme
La République protège le secret de la confession
Qu’on le suive ou non, le Christ « sait » parler à tout homme, où qu’il vive dans l’échelle du temps et de l’espace. C’est toute la force des évangiles. A contrario, communiquer n’est pas le fort de l’épiscopat d’aujourd’hui. La polémique sur le secret de la confession en fournit un cas d’école.
Mardi 5 octobre : le rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l'Église est rendu public. L’événement est d’autant plus médiatisé qu’il était prévisible. L’opinion apprend alors « l’étendue des crimes » (L’Express) commis par des clercs et des laïcs engagés.
Mercredi 6 octobre : Mgr Éric de Moulins-Beaufort est l’invité « 8h30 France Info ». Le président de la Conférence des évêques de France est interrogé par Marc Fauvelle et Salhia Brakhlia. Verbatim de 10 secondes :
« La confession s’impose à nous
— Ce que vous dites, c’est que le secret de la confession est plus fort que les lois de la République ?
— La confession s’impose à nous
— Elle est plus forte que les lois de la République ?
— En ce sens, elle est plus forte que les lois de la République »
Jeudi 7 octobre : alerte AFP / Secret de la confession : Mgr de Moulins-Beaufort convoqué par Darmanin en début de semaine prochaine (entourage à l'AFP)
Jeudi 7 octobre : à Lyon, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, déclare que toute personne ayant connaissance d'un crime sur un enfant devait être « déliée du secret ». Le même jour, Mgr de Moulins-Beaufort défend le secret de la confession, « qui a toujours été respecté par la République française » et qui « n'est pas contraire au droit pénal français ». Dans un communiqué, il accepte « l'invitation » du ministre de l'Intérieur, mardi à 14h00.
Lundi 11 octobre : dans un entretien à Famille Chrétienne, Jean-Marc Sauvé affirme que « l'obligation de protéger la vie des personnes est supérieure à l'obligation du secret de la confession qui vise en particulier à protéger la réputation du pénitent ».
Mardi 12 octobre : après l’entrevue place Beauvau, la CEF envoie un communiqué signé du prélat : « Je demande pardon aux personnes victimes et à tous ceux qui ont pu être peinés ou choqués par le fait que le débat suscité par mes propos, sur France Info, au sujet de la confession, ait pris le pas sur l’accueil du contenu du rapport de la CIASE et sur la prise en considération des personnes victimes. »
La séquence appelle plusieurs observations :
1. L’expression « plus fort que les lois de la République » n’est pas de Mgr de Moulins-Beaufort. C’est Marc Fauvelle qui la lui met dans la bouche. L’archevêque l’endosse après une question de relance insistante. Le piège est évident et le président de la CEF y saute à pieds joints, sans délivrer de message essentiel clair et concis.
2. Si Mgr de Moulins-Beaufort reconnaît une « formulation maladroite » dans son communiqué du 12 octobre, il ne revient pas sur le fond du sujet.
3. À l’arrivée, que retient l’opinion ? Que l’Église catholique passe outre le rapport Sauvé, qu’elle préfère protéger ses membres plutôt que les enfants qui en sont les victimes et qu’elle n’a pas de comptes à rendre à la société.
Le secret de la confession est-il « plus fort » que les lois de la République, comme le dit Marc Fauvelle ?
Non. La bonne formulation est : « La République protège le secret de la confession ».
1. Ce secret n'est pas contraire au droit pénal, comme le souligne la circulaire de la chancellerie du 11 août 2004 sur le secret professionnel des ministres du culte.
2. La République punit ceux qui le transgressent comme l’énonce l’article 226-13 du code pénal : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
3. À cela s’ajoutent les sanctions prévues par les ordres respectifs dont dépendent le médecin, l’avocat ou le prêtre. Ce dernier subit l’excommunication.
Le secret est la norme : « La République l’impose sous la menace d’une sanction pénale », dit maître Alexandre Varaut. Une note de la CEF de décembre 2020 maintient que le prêtre « ne peut en aucun cas signaler aux autorités judiciaires un pénitent, que ce soit l'auteur, la victime ou le témoin ». Cette norme n’est pas un absolu dans le cas des agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans. Pour le juriste Nicolas Cadène, « la loi n'empêche en rien l'obligation de signaler et d'assister une personne en danger ». Mais il n’y a pas d’obligation à dénoncer : si un ministre du culte reçoit des informations en confidence et qu'il ne fait pas de signalement, il ne sera pas poursuivi pénalement.
Bien sûr, la confidence est requise et son périmètre n'est pas simple à délimiter. Un prélat pourra se prévaloir du secret si on vient l'informer mais il ne sera pas couvert s’il apprenait un fait après avoir enquêté sur la personne qu’il suspectait.
Si chacun sait bien que Dieu est plus fort que César, l’Église avait une bonne occasion de montrer que César protégeait Dieu.
Mardi 5 octobre : le rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l'Église est rendu public. L’événement est d’autant plus médiatisé qu’il était prévisible. L’opinion apprend alors « l’étendue des crimes » (L’Express) commis par des clercs et des laïcs engagés.
Mercredi 6 octobre : Mgr Éric de Moulins-Beaufort est l’invité « 8h30 France Info ». Le président de la Conférence des évêques de France est interrogé par Marc Fauvelle et Salhia Brakhlia. Verbatim de 10 secondes :
« La confession s’impose à nous
— Ce que vous dites, c’est que le secret de la confession est plus fort que les lois de la République ?
— La confession s’impose à nous
— Elle est plus forte que les lois de la République ?
— En ce sens, elle est plus forte que les lois de la République »
Jeudi 7 octobre : alerte AFP / Secret de la confession : Mgr de Moulins-Beaufort convoqué par Darmanin en début de semaine prochaine (entourage à l'AFP)
Jeudi 7 octobre : à Lyon, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, déclare que toute personne ayant connaissance d'un crime sur un enfant devait être « déliée du secret ». Le même jour, Mgr de Moulins-Beaufort défend le secret de la confession, « qui a toujours été respecté par la République française » et qui « n'est pas contraire au droit pénal français ». Dans un communiqué, il accepte « l'invitation » du ministre de l'Intérieur, mardi à 14h00.
Lundi 11 octobre : dans un entretien à Famille Chrétienne, Jean-Marc Sauvé affirme que « l'obligation de protéger la vie des personnes est supérieure à l'obligation du secret de la confession qui vise en particulier à protéger la réputation du pénitent ».
Mardi 12 octobre : après l’entrevue place Beauvau, la CEF envoie un communiqué signé du prélat : « Je demande pardon aux personnes victimes et à tous ceux qui ont pu être peinés ou choqués par le fait que le débat suscité par mes propos, sur France Info, au sujet de la confession, ait pris le pas sur l’accueil du contenu du rapport de la CIASE et sur la prise en considération des personnes victimes. »
La séquence appelle plusieurs observations :
1. L’expression « plus fort que les lois de la République » n’est pas de Mgr de Moulins-Beaufort. C’est Marc Fauvelle qui la lui met dans la bouche. L’archevêque l’endosse après une question de relance insistante. Le piège est évident et le président de la CEF y saute à pieds joints, sans délivrer de message essentiel clair et concis.
2. Si Mgr de Moulins-Beaufort reconnaît une « formulation maladroite » dans son communiqué du 12 octobre, il ne revient pas sur le fond du sujet.
3. À l’arrivée, que retient l’opinion ? Que l’Église catholique passe outre le rapport Sauvé, qu’elle préfère protéger ses membres plutôt que les enfants qui en sont les victimes et qu’elle n’a pas de comptes à rendre à la société.
Le secret de la confession est-il « plus fort » que les lois de la République, comme le dit Marc Fauvelle ?
Non. La bonne formulation est : « La République protège le secret de la confession ».
1. Ce secret n'est pas contraire au droit pénal, comme le souligne la circulaire de la chancellerie du 11 août 2004 sur le secret professionnel des ministres du culte.
2. La République punit ceux qui le transgressent comme l’énonce l’article 226-13 du code pénal : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
3. À cela s’ajoutent les sanctions prévues par les ordres respectifs dont dépendent le médecin, l’avocat ou le prêtre. Ce dernier subit l’excommunication.
Le secret est la norme : « La République l’impose sous la menace d’une sanction pénale », dit maître Alexandre Varaut. Une note de la CEF de décembre 2020 maintient que le prêtre « ne peut en aucun cas signaler aux autorités judiciaires un pénitent, que ce soit l'auteur, la victime ou le témoin ». Cette norme n’est pas un absolu dans le cas des agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans. Pour le juriste Nicolas Cadène, « la loi n'empêche en rien l'obligation de signaler et d'assister une personne en danger ». Mais il n’y a pas d’obligation à dénoncer : si un ministre du culte reçoit des informations en confidence et qu'il ne fait pas de signalement, il ne sera pas poursuivi pénalement.
Bien sûr, la confidence est requise et son périmètre n'est pas simple à délimiter. Un prélat pourra se prévaloir du secret si on vient l'informer mais il ne sera pas couvert s’il apprenait un fait après avoir enquêté sur la personne qu’il suspectait.
Si chacun sait bien que Dieu est plus fort que César, l’Église avait une bonne occasion de montrer que César protégeait Dieu.