IVG : no limit ?
Ce délai est fragilisé par deux mesures :
Dans la nuit du vendredi 31 juillet au samedi 1er août, les députés autorisèrent l’interruption médicale de grossesse (IMG) pour cause de « détresse psychosociale ». Permise pendant neuf mois, l’IMG contourne le délai que la loi assigne à l’IVG. Pour certains, grossesse, détresse et tristesse forment une trilogie. Comment une équipe médicale va-t-elle pouvoir éconduire une femme qui la supplie d’avorter même tardivement ? Dans une tribune au FigaroVox, le professeur d’obstétrique Israël Nisand affirme qu’« il n’y a pas de définition précise de la détresse psycho-sociale (…) comme il n’y a pas de liste de malformations qui permettent d’accéder à une IMG pour cause fœtale ». La loi se décharge sur l’appréciation des médecins et l’épithète-valise « psychosocial » n’aide en rien à leur discernement. Au demeurant, mettre en avant la détresse affaiblit le mythe féministe qui revendique un choix par-dessus tout.
L’autre initiative émane de la délégation aux droits des femmes, présidée par Marie-Pierre Rixain (LREM). Dans un rapport adopté mi-septembre, celle-ci recommande de porter le délai légal d’une IVG chirurgicale à 14 semaines, afin d'éviter que 3 à 5000 femmes soient obligées d'aller au Pays-Bas ou en Espagne, une fois les 12 semaines écoulées. Cette disposition fut rejetée à plusieurs reprises : en mai, le Sénat avait refusé un allongement temporaire en raison du coronavirus. Ces militantes pro-IVG souhaitent aussi que soit supprimée la clause de conscience, que chaque unité de gynécologie-obstétrique en hôpital public puisse pratiquer des IVG (même si les chefs de service n'y sont pas favorables) et que les sages-femmes aient droit de réaliser des IVG chirurgicales. Depuis quatre ans, elles peuvent pratiquer des avortements par voie médicamenteuse, une méthode utilisée dans deux tiers des cas.
Le discours des pro-IVG consiste à se victimiser. Pour étendre l’avortement, il suffit de dire qu’on y a de moins en moins accès. Ainsi la cause peut-elle refaire le plein du sentiment d’injustice, moteur de l’action humaine. Ce discours est-il fondé ? En partie seulement : les médecins, jeunes en particulier, acceptent de moins en moins de pratiquer l’avortement, comme l’illustra l’an dernier l’affaire de l’hôpital de Bailleul (Sarthe). Pour les y inciter, les pro-IVG veulent faire sauter la clause de conscience spécifique à cet acte extrême. Sans ôter la liberté de choix aux praticiens, cela permettrait de ne pas « stigmatiser » l'avortement. Déculpabiliser mais aussi punir : depuis 2014, le délit d'entrave à l'IVG réprime « les actions militantes ou de désinformation volontaire ». Malgré son influence sur la toile, le militantisme « pro-vie » n'arrive pas à faire de l'avortement un sujet politique. On mesure l'écart avec les États-Unis, où une catholique anti-IVG, Amy Cony Barrett, mère de 7 enfants, pourrait être nommée demain candidate à la Cour suprême.