La France reste ouverte à l'immigration et vulnérable aux attaques islamistes
Le danger du terrorisme islamique aurait-il finalement un rapport avec l'immigration ? Selon Gerald Darmanin, l'assassinat d'un professeur, trois ans après celui de Samuel Paty, obligerait à adopter une nouvelle loi sur l'immigration (la 22ème en 30 ans)… Mais la loi portée par le ministre de l'Intérieur aura-t-elle empêché le tchétchène Mohammed Mogouchkov d'égorger Dominique Bernard, professeur de français, dans la cour du lycée d'Arras, le 13 octobre ? Rien n'est moins sûr, objecte Alexis Brézet, directeur des rédactions du Figaro, dans son éditorial sur Europe 1 (17 octobre). Certes, le projet de loi Darmanin renforce l' « obligation de quitter le territoire » (OQTF) à l'encontre de toute personne dont le comportement « constitue une menace grave pour l'ordre public », mais le problème essentiel demeure : l'OQTF n'est pas synonyme d'expulsion ! Selon la Fondation pour l'innovation politique (FONDAPOL), en moyenne, sur la période 2015-2021, la France a réalisé 12 % de ses OQTF, contre 43 % pour l'ensemble de l'Union européenne (60 % pour l'Allemagne).
Pourquoi une telle impuissance ? D'abord parce que, en France, la personne sous le coup d'une OQTF peut faire appel deux fois : devant le Tribunal administratif et devant la Cour administrative d'appel. Lesquels se conforment à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) … Or la CEDH interdit « pour quelque motif que ce soit, même en cas de danger menaçant la vie de la nation ( !) d'expulser un étranger vers un pays où il pourrait subir un traitement inhumain ou dégradant ». En l'occurrence, il faudrait renvoyer Mohammed Mogouchkov en Russie… Mais à supposer que l'expulsion soit ordonnée, encore faudrait-il que la Russie consente à délivrer le fameux « laisser passer consulaire »... On imagine mal Vladimir Poutine donner actuellement un coup de main à Emmanuel Macron en l'aidant à débarrasser son pays de terroristes, ironise Alexis Brézet…
Outre qu'il ouvrirait une nouvelle fenêtre à l'immigration en régularisant les clandestins travaillant dans des métiers « en tension », le projet de loi sur l'immigration porté par Gérald Darmanin serait-il plus efficace que la loi actuelle ? Si l'objectif est bien de reprendre le contrôle de l'immigration, en commençant par « expulser systématiquement les étrangers dangereux », comme l'affirme le ministre de l'Intérieur, il faut faire sauter les verrous juridiques français et européens. Seul un référendum donnant la voix au peuple permettrait « de passer outre les jurisprudences incapacitantes » de l'Union Européenne. Ce qui implique en préalable une révision de la Constitution pour que les Français puissent faire entendre leurs voix. Tout le reste, conclut Alexis Brezet, n'est que « rodomontades et cautère sur jambe de bois ».
Nombre des auteurs des attentats meurtriers commis en France depuis 2015 étaient frappés d'une OQTF. C'était notamment le cas de l'assassin tchétchène (de nationalité russe) de Samuel Paty, de la tortionnaire algérienne de la jeune Lola, et, le 13 octobre dernier, du tchétchène Mohammed Mogouchkov. En fait, c'est toute la famille Mogouchkov qui avait été déboutée du droit d'asile. Dans le JDD (15 octobre, en lien ci-dessous), Charlotte d'Ornellas et Victor-Isaac Anne décortiquent le « cas d'école d'un système devenu défaillant dans le contrôle de l'immigration » que représente la famille Mogouchkov.
Résumons : 1°) Les parents Mogouchkov arrivent en France avec quatre enfants en mars 2008 (un cinquième naîtra en France) après avoir quitté la Fédération de Russie où leur ardent salafisme les rend suspects ; 2°) Première demande d'asile rapidement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ce qui n'empêche pas la scolarisation des enfants ; 3°) Ils font appel devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui les déboute à son tour … mais au bout de deux ans (février 2010 ). Le feuilleton judiciaire est clos, le feuilleton administratif prend le relais : 4°) Frappée d'une OQTF, la famille Mogouchkov fait un recours devant le tribunal administratif de Rennes qui le rejette- rejet confirmé par la Cour administrative d'appel (avril 2011) ; 5°) Pas découragés, les parents Mogouchkov sollicitent une « admission exceptionnelle au séjour » mais écopent d'une nouvelle OQTF (juillet 2013) ; 6°) La famille est assignée à résidence près de Rennes, tandis que les autorités françaises obtiennent de Moscou les fameux laissez-passer consulaires (13 février 2014). Cinq jours plus tard, le vol est prêt, la famille est placée dans un Centre de rétention administrative (CRA), à proximité de Roissy. Fin de l'histoire ? Que nenni ! 7°) Concert de clameurs à gauche : CIMADE, MRAP, PCF, lequel invoque la circulaire Valls du 28 novembre 2012 pour défendre la famille Mogouchkov : « Maîtrise du français, enfants scolarisés avec succès, tous les critères de la régularisation étaient réunis. » Le gouvernement capitule et ordonne la libération des Mogouchkov… On connaît la suite.