Politique

La France confrontée au mal de l'Outre-mer

Par Philippe Oswald. Synthèse n°2317, Publiée le 11/11/2024 - Photo : Le ministre français des Outre-mer, François-Noël Buffet (au centre), en Nouvelle-Calédonie, le 17 octobre , devant les ruines d’une entreprise de Nouméa saccagée par des émeutiers. (Mathurin Derel / AFP)
Les douze territoires ultramarins de la France devraient être pour elle une source exceptionnelle de richesse et de sécurité. Ils sont néanmoins majoritairement traversés par des troubles sociaux de plus en plus violents. En témoignent les manifestations en cours en Martinique et en Guadeloupe qui rappellent celles de la métropole. En cause, une crise morale et économique, une immigration incontrôlée et l'explosion des trafics de drogues.

L'Outre-mer français est vaste : douze territoires ultramarins, départements, régions ou collectivités, anciennement nommés DOM-TOM : la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiques françaises, et les îles de Wallis-et-Futuna. L'immense espace maritime de la France, le plus vaste du monde après celui des États-Unis, est réparti sur quatre océans, « Un joyau aussi impressionnant par ses richesses qu'inquiétant par ses vulnérabilités » relève Ouest-France (31/10/2024).

Les plus peuplés de ces territoires souffrent de maux semblables : pauvreté, insécurité, crise identitaire, drogue, affrontements ethniques, racisme, séparatisme... Les dernières violentes manifestations en Martinique et en Guadeloupe le montrent encore : des couvre-feux ont été décrétés, la CRS 8 a été mobilisée pour la première fois depuis 65 ans, la vente d'essence et de produits explosifs aux particuliers a été interdite. Ces maux ne sont pas sans analogie avec les troubles qui frappent la métropole. Le 31 octobre dernier, la délégation aux Outre-mer a auditionné à l'Assemblée nationale le ministre chargé de ce dossier depuis le mois de septembre : le sénateur LR François-Noël Buffet. Il a dressé un état des lieux à l'occasion de son premier déplacement en Nouvelle-Calédonie, six mois après le déclenchement de cette série d'émeutes (ici et en lien ci-dessous sa tribune au JDD).

Le 13 mai 2024, une insurrection indépendantiste kanake a éclaté en Nouvelle-Calédonie, alors que l'Assemblée nationale examinait une réforme constitutionnelle visant à élargir le corps électoral de l'île (cf. LSDJ n°2208). Depuis, les troubles n'ont pas cessé malgré l'instauration de l'état d'urgence sur l'archipel. Ils ont fait 13 morts, dont deux gendarmes, et ont mis à mal une économie déjà fragile.

Près de six mois après le début des émeutes, « rien n'est réglé » a constaté sur place Le Figaro Magazine (1er novembre) : « Racisme anti-Blanc, économie à l'arrêt, insécurité permanente : la Nouvelle-Calédonie [... est] au bord du gouffre. », « les violences d'une intensité inouïe ont littéralement anéanti (...) le tissu économique et institutionnel de l'île. (...) L'étendue des dégâts se chiffre à 2 milliards d'euros (…). La quasi-totalité des murs est taguée de slogans hostiles à la France et d'insultes à caractère sexuel et raciste. Les vitrines de commerces ont (…) été éventrées et les locaux saccagés (…) par des émeutiers violents, galvanisés par la consommation d'alcool et de stupéfiants ». En somme un démenti orchestré au « vivre ensemble ». On assiste à une escalade semblable en Martinique où en l'espace de deux ans (2021 et 2022), la criminalité a augmenté de 125 %, surtout à cause de règlements de comptes liés au trafic de drogue (Franceinfo, 26/01/2024).

La situation des territoires d'Outre-mer est celle d'un « incroyable gâchis » déplore Philippe Folliot, sénateur LR du Tarn et membre de la délégation sénatoriale aux Outre-mer, dans Atlantico (6/07/2024) : « Insurrection en Nouvelle-Calédonie, crise migratoire et sanitaire à Mayotte, narcotrafic et insécurité aux Antilles et en Guyane, sentiment d'abandon à Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, les territoires ultramarins français sont confrontés à une multitude de crises (...) jamais l'insécurité n'a été aussi grande, les trafics aussi prospères, la délinquance aussi agressive. » Ces événements ne surviennent pas par hasard, suggère le sénateur Folliot : « l'Indo-pacifique est en train de devenir le premier nœud géostratégique mondial. Or  la France est le seul pays de l'Union européenne à posséder des territoires dans cette zone... » Pour fragiliser la France et l'UE ou/et servir leurs intérêts régionaux, l'Azerbaïdjan, la Russie, la Chine et même l'Australie entretiennent des relations étroites avec les indépendantistes (cf. Franceinfo, 06/05/2024 ; Le Figaro, 27/05/2024)

S'ils sont un atout géo-stratégique précieux, les territoires ultramarins nous coûtent cher. Selon le site officiel Vie publique (1er octobre) : « Le montant des crédits budgétaires alloués à la mission "Outre-mer" s'élève à 22,16 milliards d'euros en 2023 (en augmentation de 11 % par rapport à 2022). Cela représente 3,8 % des dépenses du budget général de l'État », alors que ces territoires ne représentent officiellement que 3 % du total de la population française, sans compter les personnes clandestines… Or, c'est dans ces territoires que se trouvent plus de 10 % des bénéficiaires de la fameuse Aide Médicale d'État (AME) qui est réservée aux immigrés clandestins.

C'est donc pour relever un formidable défi géo-stratégique, sécuritaire, social et économique que le Premier ministre Michel Barnier a rattaché directement à Matignon le ministère chargé de ces territoires, confié au sénateur LR du Rhône, François-Noël Buffet « Bruno Retailleau et François-Noël Buffet sont obligés de bousculer sérieusement les lignes, s'ils veulent que la République reprenne vraiment pied dans ces territoires » estime Le Figaro (24 septembre). Force est de constater que jusqu'à présent, en Nouvelle-Calédonie, l'État a reculé en suspendant la réforme constitutionnelle du corps électoral pour apaiser les indépendantistes kanaks et en reportant à la fin 2025 les élections provinciales, initialement prévues pour le mois de décembre prochain.

La sélection
Le ministre François-Noël Buffet au JDNews : « Notre ambition pour les Outre-mer »
Lire la tribune sur Le JDD
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