Bioéthique

Le film 30 vivants : pour changer de regard sur la fin de vie

Par Louis Daufresne. Synthèse n°1941, Publiée le 01/07/2023 - Photo : ©Shutterstock

La fin de vie, c’est encore la vie. Et celle-ci mérite d’être vécue jusqu’au bout. Un film le montre avec force, sans voix off ni zèle militant. Il s’appelle 30 Vivants. En 27 minutes, il raconte l’histoire d’une rencontre entre Alban de Châteauvieux, artiste-peintre, et les résidents de la clinique Sainte-Élisabeth, à Marseille, spécialisée dans les soins palliatifs et dans l’accompagnement du grand handicap. Avec pudeur, son pinceau s’immisce dans les chambres et immortalise les visages, des patients comme des soignants. Olivier, atteint du syndrome d’enfermement, ne parle qu’avec les yeux mais se met à rire aux éclats quand il se reconnaît sur la toile…

Ces 30 tableaux-hommages habillent aujourd’hui le hall d’accueil de la clinique – que dirige Olivier Sillard, ancien capitaine de pompier de la BSPP. Sainte-Élisabeth appartient à l’association de l’Œuvre du Calvaire fondée à Lyon par Jeanne Garnier, la « mère Térésa » du XIXe siècle – qui ramassait les femmes mourant dans la rue. Son action marque l’essor des soins palliatifs ; son esprit guide encore les gestes d’un personnel dévoué.

30 Vivants célèbre ce lien à la fois éphémère et unique « entre deux fragilités », car « patients et soignants sont de la même pâte humaine », indique le médecin chef Hubert Besson. À sa manière, le film relate une forme d’aide active à mourir, assortie de l’interdit de tuer qui change tout. L’opinion ignore la culture palliative, sa créativité, son humanité, sa technicité.

Pour la sensibiliser, la clinique Sainte-Élisabeth, assistée par l’Institut Éthique et Politique (IEP), organisait le 28 juin salle Gaveau (Paris VIIIe) une soirée événement où le public en salle et en ligne put assister à la projection de 30 Vivants ainsi qu’à plusieurs tables rondes, en présence de l’éthicien Emmanuel Hirsch, du juriste Erwan Le Morhedec et du Dr Ségolène Perruchio, vice-présidente de SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), tous trois dialoguant avec Alban de Châteauvieux et le Dr Hubert Besson.

Si la loi crée un nouveau droit – celui de tuer et de se tuer – que restera-t-il des soins palliatifs ? Deux voix marquèrent les débats pour en souligner le rôle : Emmanuel Hirsch, sur une note optimiste, affirma que la culture palliative avait marqué beaucoup de points, par rapport aux années 80 ou 2000, où seul le discours euthanasique occupait l’espace médiatique et politique. La dignité se résumait à la voie léthale. Cette propagande marque le pas, ce qui se lit dans les positions prises par les ministres de la Santé et des Solidarités, respectivement François Braun et Jean-Christophe Combe. Le premier se dit réservé sur une loi qui « changerait profondément notre société et notre rapport à la mort » et le second s’inquiète du « message implicite » dangereux pour les « personnes vulnérables ».

L’autre voix persuasive fut celle d’Hubert Besson. Très didactique, il rappela à quel point il faut savoir décrypter le langage du patient : « Il y a toujours un désir de vivre derrière le désir de mourir », dit-il. Comment la loi se débrouillera-t-elle avec ça ? Aussi le sujet ne peut être posé sous le seul angle du droit du malade. Ce qui doit prévaloir, c’est la relation qu’il entretient avec le soignant, lequel est plus prompt à interpréter ce que le patient désire vraiment. En 30 ans de carrière, observe le Dr Besson, « la demande d’euthanasie pour douleur physique demeure très rare », et celle pour souffrance psychique « est traitée dans la quasi-totalité des cas ». Si l’euthanasie passe, la réponse technicienne supplantera la réponse humaine et « dévoiera le désir profond du patient ».

Autre point clé : ce ne sont pas les malades en fin de vie qui demandent l’euthanasie mais ceux atteints de maladies graves. Ce qui, aux yeux d’Emmanuel Hirsch, invite à étendre la culture palliative bien plus en amont. Celle-ci doit innerver le système de soin, en accompagner la dimension curative.

La clinique Sainte-Élisabeth met à disposition sur son site du matériel et un argumentaire pour que chacun, là où il est, organise des « projections citoyennes », en salle ou chez lui, et que 30 Vivants fasse vivre un débat que les politiques ont du mal à saisir dans sa complexité.

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Dialogue sur l'essentiel #7 : la fin de vie
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La sélection des commentaires
Le 03/07/2023 à 10:37
Je trouve vos analyses intéressantes.
2 commentaires
Le 04/07/2023 à 17:00
A chacun sa vision des choses. Ma mère déclinait beaucoup, tant physiquement qu'intellectuellement. Elle perdait complètement la tête et ne mémorisait plus rien .Elle n'avait plus goût à rien, elle se lamentait presque tout le temps. Dans ses moments de lucidité, elle m'implorait de l'aider à mourir. C'était horrible et cela a duré 2 ans. Ma belle-mère, bien que moins atteinte, aimerait également arrêter de vivre. Je ne suis plus tout jeune et j'espère que la loi évoluera et nous permettra de mourir dignement et sereinement.
Le 03/07/2023 à 10:37
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