Le fiasco de Siemens, un rude coup de sirocco pour les éoliennes
Siemens Energy a secoué tout le secteur éolien fin juin en mettant en garde contre des composants défectueux et des défauts de conception de ses éoliennes. Le PDG de sa filiale espagnole Siemens Gamesa a annoncé le 23 juin des défauts « bien pires que ce que j’aurais cru possible » sur les rotors des turbines des installations terrestres. Cette annonce a fait plonger vertigineusement la maison mère Siemens Energy en bourse (- 37 % à Francfort, soit 6 milliards d'euros de capitalisation boursière partis en fumée en une seule journée). Mais le fabricant, qui a annoncé 2.900 suppressions d'emplois dans le monde dans sa filiale d’éoliennes Gamesa dont il vient de prendre le contrôle total, peine aussi à augmenter les capacités de production de ses parcs d’éoliennes offshore. En réalité, c’est l’ensemble du secteur éolien qui traverse des trous d’air. La divulgation par Siemens Energy des problèmes de qualité de ses nouveaux modèles d'éoliennes a révélé des difficultés plus larges dans un secteur souffrant d'un développement précipité, de la flambée des coûts des matériaux, de la perturbation de la chaîne d'approvisionnement causée par la crise sanitaire, et d'une mauvaise anticipation du marché.
Siemens a estimé à plus d’un milliard d'euros la résolution de ses problèmes techniques mais la facture finale pourrait être nettement plus salée. Si l’an dernier les quatre principaux fabricants d’éoliennes occidentaux - Vestas, General Electric, Siemens Energy et Nordex - ont réalisé des ventes combinées de plus de 41 milliards d’euros dans l’éolien, ils ont néanmoins perdu plus de 5 milliards d'euros. Grâce aux contrats conclus avant la flambée de l’inflation, les propriétaires de parcs éoliens ont dans le même temps réalisé une marge d'exploitation de 15 %, tandis que les constructeurs peinaient à répercuter l'augmentation du coût des matériaux. En outre, les actionnaires des majors de l’énergie ont fait pression pour privilégier le pétrole et le gaz, aux bénéfices mieux garantis.
Mais la pression n’est pas venue seulement des actionnaires. L’Union européenne a elle aussi pressé les États membres et les entreprises d’augmenter la production d'énergie renouvelable. L'UE leur a donné pour objectif que l'énergie éolienne représente 43 % de la consommation d'électricité de l'Europe d'ici 2030, contre 17 % actuellement. Il ne s’agit plus seulement de lutter contre le réchauffement climatique mais aussi, depuis l'invasion de l'Ukraine, de s’affranchir de la dépendance au gaz importé de Russie.
Les équipementiers ont rivalisé de vitesse pour construire des turbines plus performantes, au risque de moins bien contrôler leur fiabilité. C’est ce qui s’est passé en particulier pour Siemens Gamesa dont les turbines 4.X et 5.X ont été mises sur le marché en deux ans, presque à l’état de prototypes. Mais les déboires n’ont pas épargné ses concurrents. General Electric, le principal rival de Siemens Energy, a essuyé une perte de 2,24 milliards de dollars dans sa division des énergies renouvelables en 2022, notamment à cause des corrections et des réparations de ses turbines. Vestas, au Danemark, a dû faire face à des problèmes similaires. Bien que l’information sur ce qui se passe en Chine soit toujours opaque, l'un des plus grands fabricants chinois d'éoliennes a laissé fuiter des problèmes analogues, dus à l’insuffisance des tests et à leur validation prématurée. Néanmoins, les acteurs chinois de l’éolien, comme Goldwind, Envision ou encore Mingyang, profitent des défaillances de leurs compétiteurs occidentaux pour gagner du terrain.
Ces problèmes techniques et économiques s’ajoutent à ceux déjà soulevés par l’implantation d’éoliennes dont les vertus « écologiques » sont fortement contestées, qu’il s’agisse des composants et de leur recyclage, de la bétonisation des sols, de la protection des oiseaux, ou des nuisances visuelles, sonores et sanitaires qu’elles provoquent. Autant de difficultés récapitulées par Fabien Bouglé, expert en politique énergétique, et auteur entre autres de : « Éoliennes : La face noire de la transition écologique » aux Éditions du Rocher. Sur le site Factuel (en lien ci-dessous), il relève notamment cet étonnant paradoxe : « Depuis quelques années malgré une augmentation de la puissance installée d’éolienne, la production de ces dernières en Europe stagne voire diminue. » C’est le cas notamment en France. Ce paradoxe aurait quatre causes principales : l’usure rapide des éoliennes, l’occupation des meilleurs gisements de vent, l’ « effet sillage » c’est-à-dire la diminution de la vitesse du vent derrière la première éolienne, enfin le « record historique de baisse des vents en Europe » constaté l’an dernier par l’Institut Copernicus, organisme de la Commission européenne.