L'été 2023 sera-t-il le plus chaud de l'histoire de l'humanité ?
« Les trois mois que nous venons de vivre sont les plus chauds depuis environ 120 000 ans, c'est-à-dire depuis le début de l'histoire de l'humanité. » Ces mots sont de Samantha Burgess, chef adjoint du service changement climatique (C3S) de l'observatoire européen Copernicus. « La saison juin-juillet-août a été de loin la plus chaude, avec une température moyenne mondiale de 16,77°C soit, précise-t-elle, 0,66°C au-dessus des moyennes de la période 1991-2020. » Ces trois décennies étaient déjà marquées par l'élévation globale de la température. Les 8 années les plus chaudes jamais enregistrées sont dans l'ordre 2016, 2020, 2019, 2017, 2015, 2022, 2021 et 2018. 2023 est bien partie pour battre le record de 2016.
Après l'air, il y a l'eau : toujours selon Copernicus, « du 31 juillet au 31 août », la surchauffe des mers a même « dépassé chaque jour le précédent record de mars 2016 ». La barre symbolique inédite de 21°C en moyenne mondiale est atteinte. On se situe très nettement au-dessus de toutes les archives.
Comment sait-on que 2023 sera l'année la plus chaude de l'histoire ? « Tout dépend ce que l'on entend par histoire ! [...] On a actuellement environ 7 000 stations qui alimentent le réseau Global Historical Climatology Network pour les températures mensuelles » ajoute Marie-Noëlle Woillez, on a historiquement des mesures prises par des bateaux, et depuis les années 2000 notamment le réseau de balises ARGOS qui mesure en permanence et automatiquement la température de l'eau (environ 2000 balises sur tous les océans). La température de surface de l'eau peut également être mesurée par satellite. [...] On est complètement hors des clous ; on sort de la variabilité statistique sur les 40 dernières années. Jamais un tel écart n'avait été observé ».
Mais comment calculer la température moyenne mondiale ? Puisque l'on ne dispose pas de stations de mesure partout « il faut combler les trous avec différentes techniques d'interpolation statistique ». Plusieurs groupes de travail utilisant différentes méthodes et bases de données parviennent grosso modo au même résultat. En complément, les satellites fournissent des informations sur la température du sol, ainsi que sur celle de la colonne d'air mais sur une très grande épaisseur. Ces mesures indirectes ne remplacent pas celles des stations météorologiques.
Il y a aussi ce qu'on appelle les « réanalyses » destinées à « faire tourner des modèles de climat en les contraignant par les mesures dont on dispose, de façon à reconstituer les données manquantes d'une façon cohérente sur le plan physique ». Voici un exemple de visualisation journalière. L'écart entre la courbe noire de 2023 et orange de 2022 est également fort marqué.
Pour remonter plus loin dans le temps, hors période instrumentale, on a recours à des indicateurs mesurant des grandeurs qui dépendent de la température (que ce soit dans les coraux, les cernes d'arbre, les glaces des glaciers ou des calottes polaires, les sédiments lacustres ou marins, etc.). On peut ainsi remonter aux variations climatiques sur plusieurs millénaires, centaines de millénaires et même millions d'années selon les cas. Le forage le plus profond réalisé dans les glaces du Groenland, d'environ 3 km, permet de reconstituer les températures au point de forage sur environ 120 000 ans. En Antarctique, avec un forage de plus de 3 km, on couvre les 800 000 dernières années. Plus on va profond, plus la glace est vieille. C'est sa composition isotopique, sa teneur en oxygène 18, qui permet de reconstituer la température d'alors. « C'est un paléothermomètre », résume Marie-Noëlle Woillez.
Ces mesures font dire que la période actuelle, avec un réchauffement global de 1,1°C depuis la fin du XIXe siècle, est au moins aussi chaude que l'interglaciaire précédent d'il y a 120 000 ans et dont on estime qu'il était entre 0.5°C et 1.5°C plus chaud qu'à la fin du XIXe. Mais l'on devrait bientôt dépasser ces valeurs et atteindre 1.5°C de réchauffement avant 2040.