Politique

Éducation sexuelle à l'école : quand l'État veut se substituer aux parents

Par Philippe Oswald. Synthèse n°2342, Publiée le 10/12/2024 - Anne Genetet, ministre démissionnaire de l'Éducation nationale, prend la parole, lors de la séance publique de questions au gouvernement français, au palais Bourbon, le 3 décembre 2024. (Photo de Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)
Quelques jours avant la motion de censure, le nouveau programme d'éducation sexuelle à l'école a vu l'affrontement public des deux ministres alors en charge. Mais, au-delà du contenu, marqué dans sa rédaction initiale par la « théorie du genre », reste posée cette question fondamentale : l'État a-t-il le droit de se substituer aux parents en enseignant la sexualité comme une banale matière scolaire ?

Un nouveau « programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle » (Evars), dispensé en trois séances annuelles, de la maternelle à la terminale, devait entrer en vigueur à la rentrée scolaire de septembre 2025. Naguère concocté par l'éphémère ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, le texte devait être présenté au cours de ce mois de décembre aux organisations syndicales. Mais, quelques jours avant la motion de censure qui a entraîné la démission du Premier ministre et de son gouvernement, ce programme avait opposé frontalement la ministre de l'Éducation nationale, Anne Genetet (membre du parti présidentiel Renaissance), au ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel, Alexandre Portier (LR). Un exemple des fractures de la société française sur des questions de civilisation.

« Je vous le dis à la fois comme élu, mais aussi comme beaucoup ici en tant que père de famille : ce programme, en l'état, n'est pas acceptable et il doit être revu », avait déclaré mercredi 27 novembre, au Sénat, le ministre délégué à la réussite scolaire. Alexandre Portier avait précisé qu'il avait « trois réserves importantes » sur la version actuelle du projet. Premièrement, la théorie du genre : « Je m'engagerai personnellement pour que la théorie du genre ne trouve pas sa place dans nos écoles, parce qu'elle ne doit pas y avoir sa place. Deuxièmement, le militantisme n'a pas non plus sa place dans nos écoles. Et je veux un encadrement très strict de tous les intervenants qui auront à porter ces sujets dans nos établissements. Troisièmement, je veux aussi une meilleure prise en compte du développement de nos élèves » (Public Sénat, 27 novembre).

La ministre de l'Éducation nationale, Anne Genetet, avait réagi dès le lendemain, en réponse à des journalistes et en présence de son ministre délégué, Alexandre Portier (cf. Franceinfo, 28 novembre). « La théorie du genre n'existe pas », avait-elle martelé à plusieurs reprises : « Ce programme, je le pilote, et la ligne de ce programme, c'est la ligne du ministère, il n'y a pas de théorie du genre dans ce programme. » Affirmation surprenante, puisque l'expression « identité de genre » se retrouve 17 fois dans le texte... Mais le ministre délégué, interrogé à son tour par les journalistes, ne s'est pas rétracté : « J'ai tout dit hier. Je ne retire pas un seul mot », a-t-il commenté sobrement. Corrigeant les affirmations d'Anne Genetet, l'entourage de la ministre avait fait savoir au Figaro (28 novembre) que la copie serait revue. Et que l'expression « identité de genre » n'y figurerait plus.

Toutefois, au-delà de l'idéologie du genre, se pose le problème de la prétention de l'Éducation nationale à se mêler de l'éducation sexuelle des enfants. Cette question oppose classiquement les « conservateurs » aux « progressistes ». Dans les rangs des premiers, les membres des Associations familiales catholiques (AFC), qui publient une pétition jugeant inacceptable le texte ministériel pour quatre raisons : « Les parents sont invisibilisés », « le genre est omniprésent », « le consentement est promu comme nouvelle norme éthique » et « les émotions [des enfants] sont instrumentalisées. » Cette pétition est appuyée par une lettre ouverte de la présidente des AFC, Pascale Morinière, à la ministre de l'Éducation nationale, publiée par Le Journal du Dimanche (24 novembre). Pour ces « conservateurs », il revient aux parents d'assurer l'éducation sexuelle de leurs enfants, dans un climat familial d'intimité, de confiance, d'un amour respectueux de la maturité de l'enfant – cette éducation fondamentale pouvant être complétée, avec l'accord parental, par des informations dispensées dans un cadre scolaire. Les « progressistes », dont les associations LGBT sont le fer de lance, soutiennent le projet de l'Éducation nationale, en affirmant qu'il s'agit non seulement d'immuniser les enfants contre les « stéréotypes de genre », mais de les prémunir contre la dépendance à la pornographie. Et d'accuser, tel le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES-FSU), « des associations conservatrices proches de partis politiques d'extrême droite […] de véhiculer une image très traditionnelle de la famille, une image très conservatrice des rapports humains » en faisant peur aux parents (RTL, 28 novembre).

Dans un entretien croisé au Figaro (20 novembre, en lien ci-dessous), Sophie Audugé, directrice de l'association SOS Éducation, et Maurice Berger, pédopsychiatre, auteurs de L'Éducation sexuelle à l'école (éditions Artège), posent « la question essentielle : la sexualité est-elle une matière à enseigner comme les mathématiques ou la géographie ? » Ils réaffirment ce principe de base de la vie sociale : les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, ceux-ci ne devant pas subir une « intrusion institutionnelle » dans leur intimité. L'État n'a pas le droit de s'arroger une telle éducation, sauf à verser dans le totalitarisme. Il peut certes contribuer à la prévention des abus sexuels, mais pas en introduisant un enseignement « à la sexualité plaisir », « source de santé globale », selon le vocabulaire de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

La sélection
« L’éducation sexuelle à l’école constitue une dérive totalitaire »
Lire l'interview sur Le Figaro
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1 commentaire
edith
Le 10/12/2024 à 15:42
Puisqu'il est établi que les abus sexuels sur mineurs sont dans la grande majorité des cas causés par l'entourage familial, il est indispensable que les enfants reçoivent une information adaptée en provenance de l'extérieur de la famille car vouloir laisser cette mission à leur éventuel prédateur signifie manquer à la protection de l'enfance dont toute société digne doit assumer la responsabilité.
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