Économie
Dette publique : que faire ?
A nouveau la dette inquiète et notamment la dette publique, suite aux faramineux déficits occasionnés par le Covid. Elle va dépasser allégrement les 120 % du PNB, alors qu’il y a un an son passage à 100% faisait déjà peur.
Mais le plus inquiétant n’est pas le supplément Covid. C’est une urgence, qu’on peut apprécier de façon diverse mais indéniablement grave et exceptionnelle. Ce qui est préoccupant est l’énorme dette antérieure et ce qu’elle révèle. La cause en est le déficit, et il est permanent depuis 45 ans. Et hors crise ces déficits sont injustifiés, car ils financent des dépenses courantes, reportées sur les générations futures. Or, les dépenses courantes doivent être financées par des revenus courants, des impôts ; sinon on les réduit. On a des déficits parce qu’on ne sait pas choisir. Une fois la crise passée, il faudra donc revenir à un excédent. Et dans un pays qui a le record de pression fiscale, ce ne peut être que par réorientation des dépenses.
Ce qui altère notre perception de l’urgence, c’est que l’Etat se finance facilement sur les marchés, à un taux d’intérêt très faible voire négatif. Mais comme on sait, ceci résulte pour l’essentiel des achats massifs de dette publique par la banque centrale, la BCE. Cela ne fait pas disparaître l’endettement, qui s’accumule toujours. Mais cela le facilite, puisqu’il y a un acheteur de dernier ressort ; en outre on maintient des taux très bas. On pourrait alors être tenté de dire qu’on peut continuer.
Cela ne fait toutefois pas disparaître les objections de fond, qui reprennent force dès qu’on envisage le régime de croisière. Déjà une politique de taux artificiellement bas facilite un endettement généralisé de l’économie, propice aux bulles spéculatives. Or l’endettement, et les bulles sur le prix des actifs sont la recette des grandes crises financières ; ce fut une des causes majeures de celle de 2008. On ne sait pas quand elles se produisent, mais on sait qu’on en aura.
Ensuite se pose la question de l’inflation. Une telle politique suppose une création monétaire très forte. Et tant l’expérience que le bon sens montrent que, même si on ne sait pas quand, à un moment une création monétaire volontariste engendre une inflation rapidement incontrôlable – sauf grand coup de frein et crise. De plus le monde d’après coronavirus pourra être sensiblement différent du précédent, notamment le commerce international. C’est lui, surtout les usines chinoises, qui a joué un rôle majeur dans la modération des prix dont le consommateur occidental a bénéficié - tout en tuant bien des emplois. Mais il n’est pas acquis que cet effet durera indéfiniment.
En bref, accumuler de la dette, c'est comme s'éloigner du tronc en marchant sur une branche : on ne sait pas quand, mais on est sûr qu'au bout d'un moment ça va casser.
Que faire alors du stock de dette accumulé ? Contrairement à ce que beaucoup croient, cette dette est réelle et juridiquement exigible. La répudier ou parier sur une inflation massive serait un désastre financier et ruinerait beaucoup de gens. Les créances sur l’Etat ne sont en effet pas principalement détenues par les banques, comme on le croit, mais par des institutions d’épargne, SICAV et assurance-vie, caisses de retraite etc., français ou étrangers.
Le seul moyen de réduire massivement les dettes sans chaos est la restructuration. Or comme personne ne veut prêter à perpétuité à l’Etat pour un taux d’intérêt négligeable, le seul sauveur possible est la BCE. Plus que par annulation (qui déséquilibrerait son bilan) il faudrait transformer la dette en rente perpétuelle, à taux 0 (mais peu importe, car les profits des banques centrales se traduisent en dividendes pour les Etats actionnaires). Ou au minimum les renouveler systématiquement à échéance. Et pour vraiment réduire le niveau d’endettement, cela devrait aller bien au-delà des créances qu’elle détient déjà sur la France. Ce serait donc une grosse opération.
Sur le papier cela paraît faisable. Mais cela pose de très gros problèmes juridiques et politiques. Le financement des Etats par les banques centrales est exclu par les traités européens ; on ne peut pas les tourner à ce point, et cela ne passerait pas les tribunaux, notamment allemands. Politiquement, il est très improbable que les durs de l’Europe du Nord, Pays Bas et Allemagne en tête, y consentent, d’autant que leur endettement est bien plus faible. Au mieux, on serait plafonné au niveau des plus prudents (60% du PNB). A cela s’ajouterait la perception des marchés et du public. Car une telle création monétaire massive ne peut qu’inquiéter ; notamment parce que le risque inflationniste deviendrait considérable, voire de fuite devant la monnaie. Il faudrait donc qu’on soit aux abois pour que l’Europe y aille.
En outre et surtout, il faut se rappeler qu’en régime de croisière, on n’échappera pas à l’assainissement des déficits publics. Et donc la démarche essentielle, une fois la crise passée, c’est d’éviter le déficit.
Mais le plus inquiétant n’est pas le supplément Covid. C’est une urgence, qu’on peut apprécier de façon diverse mais indéniablement grave et exceptionnelle. Ce qui est préoccupant est l’énorme dette antérieure et ce qu’elle révèle. La cause en est le déficit, et il est permanent depuis 45 ans. Et hors crise ces déficits sont injustifiés, car ils financent des dépenses courantes, reportées sur les générations futures. Or, les dépenses courantes doivent être financées par des revenus courants, des impôts ; sinon on les réduit. On a des déficits parce qu’on ne sait pas choisir. Une fois la crise passée, il faudra donc revenir à un excédent. Et dans un pays qui a le record de pression fiscale, ce ne peut être que par réorientation des dépenses.
Ce qui altère notre perception de l’urgence, c’est que l’Etat se finance facilement sur les marchés, à un taux d’intérêt très faible voire négatif. Mais comme on sait, ceci résulte pour l’essentiel des achats massifs de dette publique par la banque centrale, la BCE. Cela ne fait pas disparaître l’endettement, qui s’accumule toujours. Mais cela le facilite, puisqu’il y a un acheteur de dernier ressort ; en outre on maintient des taux très bas. On pourrait alors être tenté de dire qu’on peut continuer.
Cela ne fait toutefois pas disparaître les objections de fond, qui reprennent force dès qu’on envisage le régime de croisière. Déjà une politique de taux artificiellement bas facilite un endettement généralisé de l’économie, propice aux bulles spéculatives. Or l’endettement, et les bulles sur le prix des actifs sont la recette des grandes crises financières ; ce fut une des causes majeures de celle de 2008. On ne sait pas quand elles se produisent, mais on sait qu’on en aura.
Ensuite se pose la question de l’inflation. Une telle politique suppose une création monétaire très forte. Et tant l’expérience que le bon sens montrent que, même si on ne sait pas quand, à un moment une création monétaire volontariste engendre une inflation rapidement incontrôlable – sauf grand coup de frein et crise. De plus le monde d’après coronavirus pourra être sensiblement différent du précédent, notamment le commerce international. C’est lui, surtout les usines chinoises, qui a joué un rôle majeur dans la modération des prix dont le consommateur occidental a bénéficié - tout en tuant bien des emplois. Mais il n’est pas acquis que cet effet durera indéfiniment.
En bref, accumuler de la dette, c'est comme s'éloigner du tronc en marchant sur une branche : on ne sait pas quand, mais on est sûr qu'au bout d'un moment ça va casser.
Que faire alors du stock de dette accumulé ? Contrairement à ce que beaucoup croient, cette dette est réelle et juridiquement exigible. La répudier ou parier sur une inflation massive serait un désastre financier et ruinerait beaucoup de gens. Les créances sur l’Etat ne sont en effet pas principalement détenues par les banques, comme on le croit, mais par des institutions d’épargne, SICAV et assurance-vie, caisses de retraite etc., français ou étrangers.
Le seul moyen de réduire massivement les dettes sans chaos est la restructuration. Or comme personne ne veut prêter à perpétuité à l’Etat pour un taux d’intérêt négligeable, le seul sauveur possible est la BCE. Plus que par annulation (qui déséquilibrerait son bilan) il faudrait transformer la dette en rente perpétuelle, à taux 0 (mais peu importe, car les profits des banques centrales se traduisent en dividendes pour les Etats actionnaires). Ou au minimum les renouveler systématiquement à échéance. Et pour vraiment réduire le niveau d’endettement, cela devrait aller bien au-delà des créances qu’elle détient déjà sur la France. Ce serait donc une grosse opération.
Sur le papier cela paraît faisable. Mais cela pose de très gros problèmes juridiques et politiques. Le financement des Etats par les banques centrales est exclu par les traités européens ; on ne peut pas les tourner à ce point, et cela ne passerait pas les tribunaux, notamment allemands. Politiquement, il est très improbable que les durs de l’Europe du Nord, Pays Bas et Allemagne en tête, y consentent, d’autant que leur endettement est bien plus faible. Au mieux, on serait plafonné au niveau des plus prudents (60% du PNB). A cela s’ajouterait la perception des marchés et du public. Car une telle création monétaire massive ne peut qu’inquiéter ; notamment parce que le risque inflationniste deviendrait considérable, voire de fuite devant la monnaie. Il faudrait donc qu’on soit aux abois pour que l’Europe y aille.
En outre et surtout, il faut se rappeler qu’en régime de croisière, on n’échappera pas à l’assainissement des déficits publics. Et donc la démarche essentielle, une fois la crise passée, c’est d’éviter le déficit.