Politique

La crise entre la France et l'Algérie atteint un point de non-retour

Par Philippe Oswald. Synthèse n°2370, Publiée le 11/01/2025 - Photo : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau déclare : « L'Algérie essaie d'humilier la France » lors d'une visite au service des visas à Nantes, le 10 janvier 2025. Crédits : Loic Venance /AFP
Le pouvoir algérien multiplie les provocations envers la France : joignant les actes aux insultes, Alger a fait arrêter arbitrairement l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, a déclenché des milliers d'attaques sur les réseaux sociaux, et renvoyé à Paris un « influenceur » algérien qui venait d'être expulsé. Cette fois, il se pourrait que Paris n'accepte plus de se soumettre aux humeurs d'Alger...

Depuis l'indépendance de l'Algérie, l'oligarchie qui la dirige souffle périodiquement le froid sur la France en utilisant la « rente mémorielle » de la colonisation. Cette expression avait été utilisée le 30 septembre 2021 par Emmanuel Macron. Le Président avait alors fustigé un « système politico-militaire » à la fois « très dur » et « fatigué, construit sur la rente mémorielle », ce qui avait déclenché une énième crise avec Alger qui avait rappelé son ambassadeur à Paris (Le Figaro, 02/10/2021). Il y avait déjà longtemps que s'était évaporé le bénéfice qu'Emmanuel Macron, alors candidat à l'élection présidentielle, pensait tirer de ses propos sur la colonisation française qu'il avait qualifiée de « crime contre l'humanité » en février 2017, lors d'un voyage en Algérie (Le Monde, 16/02/2017).

Après des hauts et surtout des bas du côté d'Alger, une nouvelle déclaration d'Emmanuel Macron a fait sortir le pouvoir algérien de ses gonds : le 29 octobre 2024, à Rabat, devant le Parlement du Maroc, le président de la République française a soutenu que « le présent et l'avenir » du Sahara occidental « s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine » (BFMTV, 29/10/2024). Ce soutien aux droits du Maroc sur le Sahara occidental, qu'Alger et Rabat se disputent depuis des décennies, a déclenché une crise paroxystique de l'Algérie contre la France.

Alger ne décolère pas et entend le montrer. Les autorités ont fait arrêter dès son arrivée à Alger, le 16 novembre, l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal — un homme de 75 ans maintenu en détention depuis deux mois sans jugement et dans des conditions incompatibles avec son état de santé. Cette arrestation a suscité un nouveau commentaire d'Emmanuel Macron. Le 6 janvier 2025, à l'Élysée, lors de la Conférence des ambassadeurs, le Président a déclaré : « L'Algérie que nous aimons tant (...) entre dans une histoire qui la déshonore, à empêcher un homme gravement malade de se soigner. » Qualifiant Boualem Sansal de « combattant de la liberté », le président a déploré qu'il soit « détenu de manière totalement arbitraire par les responsables algériens » (Le Point, 07/01/2025).

Nouvelle crise de nerfs du pouvoir algérien : « Nous avons suivi avec dégoût les propos immoraux et irresponsables tenus par le président français », a commenté le Front de libération nationale (FLN, le parti historique, toujours au pouvoir), tandis que le ministère algérien des Affaires étrangères dénonçait « une immixtion éhontée et inacceptable dans une affaire interne algérienne » (Franceinfo, 07/01/2025). Au sommet de l'État, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait pris les devants en multipliant des attaques d'une extrême virulence contre la France : « Dans un discours sur “l'état de la nation” prononcé dimanche 29 décembre, le président algérien a tiré à boulets rouges sur la France, dénonçant pêle-mêle le passé colonial, les essais nucléaires, la position de Paris sur le Sahara occidental et même l'affaire Sansal », résume Courrier International (31/12/2024).

Mais Alger ne se contente plus de déclarations : ses services ont lancé une entreprise de déstabilisation de la France via les réseaux sociaux, TikTok en particulier, par des influenceurs appelant à la révolte contre la France. Quatre d'entre eux, en particulier, étaient très menaçants. Ce sont trois Algériens et une Franco-Algérienne qui ont été arrêtés sur le territoire national. La Franco-Algérienne Sofia Benlemmane, suivie par plus de 300 000 personnes sur TikTok et Facebook, a été placée en garde à vue à Lyon pour « menaces de mort et provocation publique à la haine ». Mais Alger, poursuivant l'escalade, vient d'infliger une nouvelle humiliation à la France en refusant d'accueillir sur son sol l'un de ces influenceurs, « Doualemn », interpellé à Montpellier, renvoyé en Algérie le 9 janvier, mais aussitôt « réexpédié » à Paris par les autorités algériennes, rapporte France 24 (09/01/2025).

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a accusé l'Algérie de chercher « à humilier la France », le 10 janvier : « Je pense qu'on a atteint avec l'Algérie un seuil extrêmement inquiétant », a ajouté le ministre à propos de l'affaire « Doualemn ». Dénonçant une « situation inacceptable », il a ajouté : « On doit désormais évaluer tous les moyens qui sont à notre disposition, vis-à-vis de l'Algérie » (L'Express, 10/01/2025).

Quels sont les moyens de rétorsion dont dispose la France ? Elle peut agir sur les visas, les aides financières (plus de 100 millions d'euros d'aide au développement chaque année), les biens des hiérarques algériens en France, les accords systématiquement en faveur de l'Algérie, rappelle le JDD (11/01/2025, en lien ci-dessous). Bruno Retailleau s'était dit favorable, lors d'une audition au Sénat le 27 novembre dernier, à une « dénonciation de l'accord franco-algérien de 1968 », qui organise la circulation, l'emploi et le séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille, selon des règles dérogatoires au droit commun (Public Sénat 28/11/2024). 66 % des Français considèrent qu'il faut cesser toute immigration en provenance d'Algérie, selon un sondage CSA pour CNEWS, Europe 1 et le Journal du Dimanche, publié le 8 janvier.




La sélection
Face aux humiliations algériennes, la France doit rompre avec la soumission
Lire l'article sur Le Journal du Dimanche
S'abonner gratuitement
2 commentaires
François
Le 12/01/2025 à 20:59
Prions que la France réchappe le moins mal possible de cette situation risquée, même si elle mérite pour une part ce qui la menace.
Jean-Marie
Le 12/01/2025 à 11:20
Il ne suffit pas de parler, il faut agir. Tous les accords avec l'Algérie doivent être dénoncés et revenir au droit international. Il faut bloquer les transferts de fonds des Algériens vers l'Algérie. Tous les Algériens qui n'ont pas de visas officiel doivent être mis en centre de rétention.
Voir tous les commentaires
Ajoutez votre commentaire
Valider
Pourquoi s'abonner à LSDJ ?

Vous êtes submergé d'informations ? Pas forcément utiles ? Pas le temps de tout suivre ?

Nous vous proposons une sélection pour aller plus loin, pour gagner du temps, pour ne rien rater.

Sélectionner et synthétiser sont les seules réponses adaptées ! Stabilo
Je m'abonne gratuitement
LES DERNIÈRES SÉLECTIONS
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne