Médias

Les créateurs de contenus, médias de demain ?

Par Judikael Hirel. Synthèse n°2222, Publiée le 17/06/2024 - Photo : le journaliste Hugo Travers (HugoDécrypte) sur le plateau du talk-show Mashup en février 2022. (Wikimedia Commons)
Les créateurs de contenus sont-ils des journalistes comme les autres ? Aux yeux de leurs jeunes spectateurs, sans aucun doute.

Ils s'appellent Hugo Décrypte, Squeezie ou Léna Situations. Et si on les assimile encore souvent à des influenceurs sur les réseaux sociaux, leur audience a autant confiance dans leurs contenus d'actualité que dans ceux de médias officiels. Quelle différence, il faut dire, peut-on faire entre un reportage du 20 heures et un Grand Format dans lequel Hugo Travers se rend à Kiev pour interviewer le président ukrainien Volodimir Zelenski ? Sa chaîne YouTube, suivie par plus d'un million de personnes, vise à rendre l'info accessible aux jeunes. Elle connaît un tel succès auprès des 18-25 ans que les politiques s'y sont rapidement intéressés. Depuis, il s'est lancé sur Twitch, TikTok, Instagram ou à faire des podcasts... avec la même réussite. En effet, « tous ses contenus sont adaptés au médium entre contenus courts et contenus plus longs, estime Laurent Brouat, fondateur des Talents Narratifs. Hugo Travers a révolutionné le traitement de l'information et de l'actualité car grâce à lui, des centaines de milliers de jeunes qui ne lisent plus ou n'écoutent plus l'actualité se sont à nouveau intéressés à l'actualité. Il touche un public que les médias ont déserté et que seuls ces médias alternatifs atteignent. »

Car ces créateurs de contenus bousculent l'information traditionnelle, en allant chercher les jeunes là où ils sont, à savoir désormais sur TikTok. Selon l'étude américaine du Pew Research center, 32 % des 18-24 ans utilisent TikTok pour s'informer. Un chiffre en hausse, puisqu'ils n'étaient que 9 % en 2023. Ainsi, outre-Manche, TikTok est déjà devenue la source principale d'information des 12-15 ans. L'âge est clairement un facteur clé : selon le baromètre des médias de La Croix, 24 % des moins de 35 ans s'informent quotidiennement via des influenceurs, contre 6 % pour les plus de 35 ans. Pour la jeune génération, la question ne se pose à vrai dire déjà plus : 75 % des 18-25 ans s'informent en ligne d'après le 34e baromètre Kantar Public. Plus spécifiquement, 46 % des jeunes s'informent via les réseaux sociaux, privilégiant les contenus vidéo, plutôt qu'écrits, ce qui leur donne accès à un contenu rapide, instantané et quotidien de l'actualité. Dit autrement, les adolescents savent parfaitement distinguer les créateurs de contenus qui diffusent du divertissement et du témoignage, de ceux qui produisent du contenu informationnel plus sérieux. Ce qui plaît aux jeunes chez ces nouveaux créateurs de contenus ? Avant tout leur liberté de ton, et le fait d'aborder des questions non traitées par « la télévision ou même les adultes ». À leurs yeux, paradoxalement, c'est leur audience qui les oblige à être sérieux : « Le fait qu'il y ait beaucoup de gens qui les suivent, ça les oblige à avoir de la rigueur, parce qu'ils se font vite reprendre, taper sur les doigts en cas de bêtise, ils veulent éviter le bad buzz. »

Snapchat, TikTok, Brut… Ces supports digitaux offrent une nouvelle façon de s'informer pour les jeunes.
Plus connectés que les générations précédentes, ils privilégient Internet (66 %) via leur smartphone, puis la télévision (26 %). Mais au fond, leur véritable attente est celle d'une information qui leur ressemble. Un désir qu'ont très bien compris de nouveaux médias comme Brut, Loopsider, Konbini ou encore Neo. « Ils ont compris que les 18-25, peu intéressés par l'actualité politique et par les "hard news", recherchent des informations insolites et divertissantes. Ils ont su tirer leur succès des réseaux sociaux en lançant des contenus courts, exclusivement en vidéos, sur un mode proche du divertissement, avec des témoignages chocs sur des sujets d'écologie, de santé ou de société. Ces formats sont totalement en phase avec les attentes des 18-25 ans, qui privilégient la vidéo courte (1 à 5 minutes) commentée. » Si les médias traditionnels ont du souci à se faire, le désir de s'informer, lui, est donc toujours présent. Mais sous une autre forme.

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Comment ces créateurs de contenu bousculent l’information traditionnelle
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