Pour contrôler les écoles hors contrat, l’État pratique l’intimidation
Une atmosphère de Far West : « On avait l’impression de voir arriver des shérifs » témoigne, dans Le Figaro, Armelle, enseignante en CM1 et CM2 à l’école des Sarments de Toulouse. « Ils ont commencé par ouvrir tous les placards et les tiroirs de l’établissement… et ont fouillé partout : on voyait qu’ils voulaient trouver quelque chose. Mais c’est surtout leur attitude et leur façon de s’adresser à nous qui m’ont déplu, leurs mimiques devant les enfants et leurs reproches verbaux portant sur nos méthodes ou les supports pédagogiques utilisés, ajoute-t-elle. C’était terriblement choquant.» C’était la troisième inspection que subissait cette petite école en cinq ans. Quant à Sylvie Biget, directrice de l’Institut d’Argentré à Sées (Orne) dont Aleteia rapporte le témoignage, elle a vu débarquer inopinément le 12 mai dans son école (90 élèves de la 6ème à la Terminale) pas moins de sept inspecteurs ! C’était la quatrième inspection qu’elle subissait en cinq années d’existence... Mais contrairement aux fois précédentes, où le climat avait été plutôt cordial, ces inspecteurs se sont montrés impérieux et intrusifs, « entrant dans les classes, prenant des photos des bibliothèques, des cahiers des élèves, sans jamais demander notre accord, j’avais l’impression de subir une perquisition plutôt qu’une inspection » se désole Sylvie Biget. Ces inspections de l’Éducation nationale dans les établissements scolaires hors contrat prennent l’allure de commandos, traumatisants pour tous, à commencer par les enfants.
La Fédération des parents d’élèves des écoles indépendantes (FPEEI), qui regroupe près de 2500 écoles hors contrat, a enregistré une trentaine de plaintes de ses adhérents à la suite d’inspections « coups-de-poing » depuis le début de l’année. Enseignants, parents, élèves se sentent traités comme des suspects : « On a l’impression qu’ils cherchent à tout prix la faute et des dérives sectaires dans nos enseignements ». « Nous n’avons rien contre le principe de l’inspection. On est tous là pour progresser, insiste Marie-des-Neiges Guillotel, représentante de la FPEEI. Mais que les inspecteurs travaillent professionnellement. Certains demandent à parler aux élèves en dehors de la présence d’un membre de la direction ou de l’équipe enseignante. Et les questions qu’ils leur posent n’ont souvent rien à voir avec la vie scolaire. Pourquoi demander aux enfants si leurs parents s’entendent bien ? Si les mangas sont autorisés à la maison ? S’ils ont accès à internet ? À la télévision ? S’ils parlent de la sexualité en famille ? On a l’impression que ce ne sont pas les écoles qui sont contrôlées mais les familles qui y scolarisent leurs enfants ! ». En réponse à une directrice d’école qui réclamait qu’un membre de la direction puisse assister à l’interrogatoire des enfants, un de ces inquisiteurs a brandi la menace de fermer l’établissement…
Dénoncé par la FPEEI, ce zèle intempestif a sans doute été encouragé par la loi sur le séparatisme de 2021, qui facilite la fermeture des écoles libres hors contrat par les préfets. Les inspecteurs sont généralement de purs produits de l’enseignement public, peu enclins à l’indulgence envers les 2500 établissements scolaires hors contrat qui comptent aujourd’hui 100.000 élèves, soit deux fois plus en dix ans. Un succès qui dévoile, en creux, le naufrage de l’Éducation nationale... Confrontée à ce qui ressemble à de la malveillance programmée, la FPEEI souligne que ses écoles adhérentes respectent le cadre légal et ont toutes les autorisations nécessaires pour accueillir des élèves qui passent les diplômes d’État, tels que le Brevet national et le Baccalauréat.
Mais le but de ces inspections est-il vraiment de contribuer au progrès des élèves ? « Les inspections devraient être des moments d’échanges permettant aux établissements de progresser et de délivrer un enseignement toujours plus qualitatif aux élèves. Au lieu de cela, ces inspections abusives sont vécues par les enfants et les équipes pédagogiques comme une épreuve traumatisante et ternissent l’image des inspecteurs et de l’Éducation nationale » déplore la FPEEI dans un communiqué diffusé le 1er juin (en lien ci-dessous). Une fois de plus, l’État se montre d’autant plus fort avec les faibles qu’il est faible avec les forts...