Les Cadets de Saumur, les premiers résistants oubliés
Qui a déjà entendu parler de l'exploit des Cadets de Saumur, le 18 juin 1940 ? Soyons sincère : quasiment personne de nos jours, hormis les fidèles de la chose militaire et les officiers de cavalerie. Leur héroïsme a été enterré sous la honte de la débâcle face à la déferlante des chars nazis. Pourtant, ils auront été les premiers résistants et leur combat aura été digne des exploits mythiques honorés encore aujourd'hui au sein de l'armée française, qu'il s'agisse de Camerone pour la Légion, ou de Bazeilles pour les troupes de marine.
Le dernier survivant de ce combat, le chef d'escadron Yves Raynaud, est décédé à l'âge de 104 ans le 29 août 2023. Désormais, il ne reste plus que la mémoire des hommes pour raconter l'exploit des Cadets de Saumur dont il fit partie. Parmi ces combattants figuraient notamment le journaliste Georges de Caunes, ainsi que le grand écrivain Maurice Druon, qui raconta cette bataille dans son premier roman, « La dernière brigade » en 1946. Quelle fut cette bataille que l'on considère comme le « premier acte de résistance » français ? Du 18 au 20 juin 1940, inexpérimentés, guère équipés, les 790 élèves aspirants de réserve (EAR) de cavalerie et du train de l'école de Saumur décident de suivre leurs professeurs et de tout faire pour retarder le franchissement de la Loire par les troupes allemandes, sauvant ainsi de nombreux civils. Pourtant, la veille, le 17 juin, le maréchal Pétain avait déclaré : « C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat ». Pas question pour le colonel Charles Michon qui commandait alors l'école de cavalerie de Saumur : « Nous devons à l'honneur de la cavalerie de défendre les postes de Saumur… même si cela ne doit servir à rien » préviendra-t-il. Ses officiers, mais aussi ses 790 élèves, décideront tous de le suivre. Ils seront rejoints par 350 hommes de l'école d'infanterie de Saint-Maixent, des soldats du 13e régiment de tirailleurs algériens, un groupe de reconnaissance d'infanterie, ainsi qu'un escadron du 19e dragon. Leur mission : défendre un secteur de 35 kilomètres le long de la Loire. Quatre pont seront minés, les soldats dispersés, et la défense de l'île de Gennes confiée au lieutenant Jacques Desplats, brillant jeune officier. « Nous n'en reviendrons pas, mais c'est pour la France », dira-t-il alors.
Toute la nuit, lui et ses hommes résisteront jusqu'à ce que les munitions leur manquent. La contre-attaque menée par le lieutenant de Galbert permettra de reprendre les positions perdues. « C'est à la mort que vous nous envoyez, mon lieutenant ? » demandera un de ses hommes. « Je vous fais cet honneur, Monsieur » répondra-t-il. Mais les Allemands avancent et cernent le poste de commandement installé dans la ferme d'Aunis. Toute la journée du 20, les bâtiments seront bombardés. Pendant deux jours, à 2 contre 15, ils résisteront face à 40 000 Allemands, 300 pièces d'artillerie et l'appui aérien de la Luftwaffe. La retraite est décrétée dans la nuit du 20 au 21 juin, les blessés laissés sur place, les valides évacués vers Saumur mais capturés par l'avancée allemande. Une armée allemande qui aura vu son avance retardée de deux jours par une poignée de jeunes gens.
Impressionné par leur résistance et leur courage, le général Fleldt, commandant la 1ère division de cavalerie allemande, les libérera, leur permettra d'entrer en zone libre en conservant leurs armes et leur rendra les honneurs militaires. Ce glorieux combat fera près de 250 victimes françaises. Il vaudra à l'École de cavalerie de Saumur d'être citée à l'ordre de l'Armée : « Sous le commandement du colonel Michon, reflétant l'âme de son chef, l'École Militaire de la Cavalerie et du Train, a combattu les 19, 20 et 21 juin 1940, jusqu'à l'extrême limite de ses moyens de combat, éprouvant de lourdes pertes, prodiguant les actes d'héroïsme et inscrivant dans les fastes de la Cavalerie, une page digne entre toutes de son glorieux passé. A suscité, par sa bravoure, l'hommage de son adversaire. » Cette bataille a fait l'objet d'un documentaire, Ces gamins-là - La bataille des cadets de Saumur, réalisé par Jean-Paul Fargier, disponible en streaming sur le site Molotov. Une reconstitution sur les lieux même des affrontements, fondée sur les témoignages de témoins alors toujours vivants et des dessins de Geoffroy de Navacelle, jeune cadet présent lors des combats.