Né en 1972 et père de trois enfants, Alexis Kohler est un homme au cursus honorum classique, issu de la capitale française de Noël, Strasbourg. Sa mère, Sola Hakim, était avocate au barreau de Strasbourg, tandis que son père, Charles Kohler, était un haut fonctionnaire au Conseil de l'Europe, ce qui lui a ouvert dès son plus jeune âge des perspectives vers la haute administration. Il est diplômé de Sciences Po Paris (1993) où il rencontre Édouard Philippe au sein du club Opinions, puis de l'ESSEC et enfin de l'École nationale d'administration (1998-2000).

À sa sortie de l'ENA, il intègre la Direction générale du Trésor du ministère de l'Économie et des Finances. Il arpente par la suite les couloirs du Fonds monétaire international (FMI), puis ceux de l'Agence des participations de l'État (APE) qu'il dirige de 2009 à 2012, et qui est liée à des contrats avec MSC (Mediterranean Shipping Company), passés sous le regard du maire du Havre, Édouard Philippe. Socialiste, il décide de se rapprocher de François Hollande lors de la présidentielle de 2012, ce qui lui ouvre une porte dans le cabinet de Pierre Moscovici, nommé ministre de l'Économie et des Finances (mai 2012-mars 2014) au sein du gouvernement Ayrault. Ayant réussi à se rendre indispensable dans les instances administratives, il sera nommé représentant de l'État au sein de divers conseils d'administration, celui de Renault notamment, ou encore de la RATP, du Grand Port du Havre, et des Aéroports de Paris…

Conservant sa fonction de directeur adjoint du ministère de l'Économie et des Finances, il devient conseiller de l'armateur italo-suisse MSC, leader mondial dans le transport de conteneurs maritimes et de navires de croisière, et dont le fondateur n'est autre qu'un membre de sa famille. Sa mère est en effet la cousine de Rafaela Aponte, épouse de Gianluigi Aponte, propriétaire de l'entreprise. Alexis Kohler tiendra même la fonction de directeur financier de la branche Croisière (2016-2017). Entre 2010 et 2016, il conseille également STX France (aujourd'hui Chantiers de l'Atlantique), premier client de MSC et le Grand Port Maritime du Havre (GPMH), pour qui il a conclu des contrats avec… MSC.

Une accointance qui ne manqua pas d'attirer l'attention de l'association anticorruption française en 2020, Anticor, privée depuis de son agrément gouvernemental. À défaut de pouvoir se porter partie civile depuis décembre 2023, celle-ci aura néanmoins amené le parquet national financier à ouvrir une enquête à l'encontre d'Alexis Kohler, pour suspicion de « prise illégale d'intérêts », en septembre 2022. Kohler est également empêtré dans une affaire de trafic d'influence qui ne fait plus la une des journaux : la prise de Veolia, numéro 1 mondial de l'eau, par Suez, via une OPA (Offre publique d'achat) lancée en 2021. Deux enquêtes hautement politiques le révéleront finalement au grand public. Sa défense a demandé une prescription des faits.

C'est en 2017 qu'Alexis Kohler a été nommé secrétaire général de la Présidence de la République par Emmanuel Macron, qu'il a rencontré dans les couloirs de l'Élysée d'abord, puis à Bercy, où celui-ci l'a nommé directeur de son cabinet lorsqu'il était ministre de l'Économie. Emmanuel Macron s'était porté garant devant la commission de déontologie de l'intégrité d'Alexis Kohler malgré son poste à MSC et ses liens familiaux avec les Aponte. Dans le même temps, Alexis Kohler a activement participé à la campagne présidentielle du futur président. Ses qualités lui ont valu toute la reconnaissance et la confiance du chef de l'État. Il est bien difficile, même pour les membres de la haute administration, de définir aujourd'hui quel est le rôle du secrétaire général de l'Élysée. Le périmètre de cette fonction semble grandir de jour en jour, en particulier depuis l'ère Kohler.

Selon le documentaire de Public Sénat, Le secrétaire général de l'Élysée, une anomalie démocratique, initialement, le secrétaire général est une sorte de « première dame administrative ». Principal membre du cabinet présidentiel, véritable confident, son pouvoir dépend de « la marge de manœuvre » que lui accorde le Président de la République. En témoignent les négociations autour de Michel Barnier au poste de Premier ministre, ainsi que celles pour la composition du nouveau gouvernement, qui ont toutes été soumises à l'approbation d'Alexis Kohler. Détenant le record d'ancienneté à ce poste, premier conseiller, fidèle, et qui plus est discret – sous-entendu, ce n'est pas un rival – Alexis Kohler est bien plus proche et influent que n'ont pu l'être les Premiers ministres d'Emmanuel Macron, pourtant censés occuper la place de « numéro trois de l'exécutif » , après le Président du Sénat, comme le stipule la Constitution de 1958.

La presse, notamment l'émission Complément d'enquête, dans son documentaire mené sur Alexis Kohler – qui n'est aujourd'hui plus accessible en ligne – va jusqu'à le présenter comme le « jumeau » d'Emmanuel Macron, tant leur proximité est grande. Bien que les contours de la fonction restent flous, du fait d'un vide juridique, une chose semble sûre : jamais un Secrétaire général n'a été aussi puissant.