Société

Agressions : le pèlerin et le footballeur

Par Judikael Hirel. Synthèse n°1938, Publiée le 28/06/2023 - Photo : Le président de la République, Emmanuel Macron, félicitant Henri d'Anselme pour son intervention à Annecy (Denis Balibouse / Pool AFP).

Et vous, comment réagiriez-vous si vous étiez témoin d’une agression, d’une attaque, d’un attentat ? Soyons sincère : on ne le sait vraiment que quand on y est confronté. Les circonstances font aussi les hommes, les héros, et les lâches. Nul ne sait vraiment comment il réagira quand il s’agit de se retrouver face à la violence, et face à soi-même. J’ai pour ma part la chance — ou la malchance, c’est selon, — de connaître la réponse à cette question pour être intervenu il y a quelques années de cela lors d’une agression sexuelle dans le métro parisien, et pour avoir failli y laisser la vie. Intervenir ou non ne se décide pas vraiment consciemment : on ne réfléchit pas, on agit, presque par réflexe, parce que le fait de le faire ou non n’est pas négociable, que ce doit être fait. C’est, sans doute, un savant mélange entre valeurs et aptitudes, courage et inconscience. Comme le disait si bien une phrase reprise de l’écrivain allemand Jean-Paul Richter en page de garde des Bob Morane de mon enfance, « Le timide a peur avant le danger, le lâche au milieu du danger, le courageux après le danger. » C’est un bon résumé.

Le courage d’Henri d’Anselme, le « héros au sac à dos » du drame d'Annecy en constitue le parfait exemple. Henri, le pèlerin au sac à dos, ne se vit pas comme un héros, bien qu’il le soit du fait du danger qu’il a encouru. En toute humilité, fidèle à sa promesse scoute, ce jeune pèlerin catholique a été fidèle à sa promesse de combattre sans souci des blessures et d’aider son prochain en toutes circonstances. Dans ce genre de situation, il y a pourtant, en général, ceux qui se figent, ceux qui filment et ceux qui fuient. Et en règle générale, personne n’intervient. D’abord par sidération : il faut en fait un certain temps pour que notre cerveau accepte de réaliser que ce que l’on voit est réel. Ensuite, qu’il s’agisse d’une agression ou d’un concert, il semble que bon nombre de nos contemporains ont fait le choix de ne plus vivre les choses qu’au travers du prisme de leur écran. Le doudou digital connecté qui ne les quitte jamais a pris le contrôle de leur vie au point de les amener à filmer au lieu de vivre, d’agir. La police y gagne en preuves vidéo ce que les victimes et les héros y perdent en aide concrète. 

La réaction d’un autre témoin des mêmes faits d’Annecy constitue un parfait contre-exemple. L’ex-footballeur Anthony Le Tallec a largement témoigné dans les médias, et via Instagram. Il était là, a tout filmé, tout commenté, tout critiqué, mais n’est pas intervenu. « Je courais et tout d'un coup, des dizaines de personnes courent dans le sens contraire. Une maman me dit : 'Courez, courez ! Quelqu'un poignarde tout le monde, il a poignardé des enfants !, décrit l’ex-footballeur de 38 ans. Je suis un peu surpris, je continue. Il arrive vers moi, donc je m'écarte un peu, et il fonce tout droit sur des papis et mamies. (…) Les flics derrière n’arrivent pas à l'attraper et moi je leur dis mais 'tirez-lui dessus, tuez-le, il est en train de poignarder tout le monde. » Allant jusqu’à dénoncer la « lenteur de l'intervention » des policiers, ce témoin reconnaît avoir filmé alors qu’il était en situation d’intervenir, s’être écarté du chemin de l’agresseur… Voilà le parfait reflet de notre ère contemporaine, alors que son état de forme aurait au contraire fait de lui un candidat bien plus logique qu’un jeune pèlerin avec un sac à dos pour s’opposer à l’homme au couteau. Comme quoi il n’existe pas de profil type pour se comporter en héros. Ce sont parfois les témoins les plus inattendus qui osent intervenir, et ce quels qu’en soient les dangers.

Nous vivons bien souvent à deux pas de l’enfer. Il suffit parfois d’un rien pour les franchir, ces deux pas. Les faits-divers isolés sont clairement devenus un fait de société. Les agressions se multiplient, dans les métropoles comme dans les petites villes, et sont de plus en plus souvent ultra-violentes. La dernière note de conjoncture Interstats du ministère de l'Intérieur (n°93 - juin 2023) recensait en trois mois, 263 homicides, 21 483 violences sexuelles, et 91 810 cas de coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans et plus. Une fois ôtée la part des violences intrafamiliales (autour de 50 %), cela représente une projection de 180 000 actes sur l’année 2023. Soit environ 500 agressions violentes par jour, une vingtaine par heure, une toutes les 3 minutes… Faut-il pour autant détourner les yeux, passer son chemin, laisser les agresseurs gagner ? Et vous, demain, si vous étiez témoin d’une agression, serez-vous le pèlerin, ou bien le footballeur ? Fasse que, dans une société ultra individualiste, où chacun ne pense plus qu’à lui-même, grâce à des héros du quotidien tel que le jeune Henri, l’héroïsme redevienne contagieux.

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Annecy : Henri d’Anselme, messager d’une renaissance ?
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0 commentaire
Le 29/06/2023 à 00:13
J’étais abonné mais je ne reçois olus
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