Santé
Addiction aux opiacés : un rapport d'enquête parlementaire américain accable McKinsey
573 millions de dollars ! C’est la somme que McKinsey a accepté de payer en février 2021 dans le cadre d’un compromis avec la justice américaine. Plusieurs États de l’Union accusaient McKinsey d’avoir contribué à la crise des opiacés par ses conseils à plusieurs laboratoires pharmaceutiques. Purdue Pharma, le fabricant de l’OxyContin et client important de McKinsey, était dans l’œil du cyclone. L’addiction aux médicaments opiacés contre la douleur a provoqué une épidémie dramatique : on estime à 500 000 le nombre de morts par surdosage aux États-Unis entre 1999 et 2018. Aujourd’hui, près de 650 000 prescriptions d’opioïdes sont faites tous les jours dans ce pays. 2 millions de personnes sont dépendantes et au moins 90 d’entre elles meurent chaque jour. On s’approche, sur une base annuelle, du double de morts par armes à feu… Or, les quatre cinquièmes des consommateurs d’héroïne ont commencé par le médicament à base d’oxycodone de Purdue mis sur le marché en 1995. Les politiques de confinement décidées pour lutter contre le Covid-19 ont fortement aggravé la situation.
Une équipe du New York Times (voir l’article en lien) a étudié ce rapport parlementaire de 53 pages. Il révèle une dérive grave dans la conduite des affaires de l’illustre cabinet de conseil. McKinsey a gagné beaucoup d’argent en travaillant à la fois pour Purdue Pharma et l’agence fédérale (FDA) en charge d’approuver la mise sur le marché des médicaments. Des milliers de documents internes prouvent que, depuis 2010, Mc Kinsey a permis à au moins 22 de ses consultants de travailler à la fois pour Purdue et la FDA – parfois en même temps. La commission parlementaire souligne que la firme n’a pas fourni de preuves qu’elle aurait déclaré de potentiels conflits d’intérêts comme la loi l’y obligeait dans le cadre d’un contrat avec une agence fédérale. McKinsey a aussi autorisé plusieurs de ses consultants à produire un mémorandum en 2018 à l’attention du nouveau Secrétaire d’État à la Santé que venait de nommer le Président Donald Trump. Alors que l’état d’urgence sanitaire dû aux opioïdes avait été déclaré par Trump en 2017, le paragraphe mentionnant cette crise avait été escamoté dans ce mémorandum corédigé par la FDA et ces consultants. Selon ceux-ci, les termes « crise » ou « épidémie » étaient « exagérés ». L’entrisme de McKinsey lui a aussi permis de faire nommer un ancien « partner » de la firme, un certain Paul Mango, adjoint du Secrétaire d’État à la Santé pour les questions réglementaires…
En résumé, la commission a identifié 37 projets stratégiques gérés par McKinsey pour la FDA entre 2004 et 2019. Dans le même temps, ses consultants aidaient Purdue Pharma à obtenir les autorisations nécessaires pour la mise sur le marché de ses médicaments hautement addictifs. La firme s’est défendue en arguant qu’elle avait communiqué à la FDA le travail qu’elle faisait pour des laboratoires. Mais la FDA nie farouchement avoir reçu des informations explicites sur ce sujet, et la commission d’enquête souligne que les rares documents produits étaient très vagues. Par ailleurs, des courriels montrent que les dirigeants de McKinsey se vantaient auprès du PDG de Purdue Pharma de leurs liens avec des gens bien placés à la FDA…
L’attitude des consultants travaillant pour Purdue a attiré l’attention de la commission d’enquête. Quand Purdue Pharma a commencé à avoir de sérieux ennuis judiciaires, des courriels attestent de la volonté des consultants d’effacer tout ce qui pouvait être compromettant… Une note adressée à lui-même par un chef de projet en août 2018 disait : « effacer les documents liés à Pur de mon ordinateur ». Les consultants, dont les courriels ont prouvé qu’ils avaient cherché à cacher des informations, ont été renvoyés par la firme. Celle-ci souligne à présent sa volonté de renforcer ses procédures internes. Par exemple, McKinsey a triplé depuis 3 ans le nombre d’administrateurs employés dans son département de contrôle de la gouvernance.
McKinsey est un cabinet très réputé (on le surnomme « la Firme ») qui vend son expertise en stratégie depuis presqu’un siècle à des entreprises parfois concurrentes. Dès le départ, il s’est imposé des règles strictes pour protéger le secret commercial de ses clients. La domination américaine sur l’économie mondiale, et la globalisation, lui ont permis d’étendre ses activités à 67 pays. « La Firme » a aussi découvert un nouveau marché très fructueux : conseiller les administrations publiques. Une tendance venue d’outre-Atlantique pousse de plus en plus de gouvernements à se décharger sur des prestataires privés de missions jugées trop pointues techniquement, ou trop risquées politiquement. C’est une source de graves conflits d’intérêts, pointe la commission d’enquête américaine… Un groupe parlementaire bipartisan a proposé le mois dernier un nouveau texte de loi pour imposer un renforcement des règles et mieux encadrer les marchés publics.
Une équipe du New York Times (voir l’article en lien) a étudié ce rapport parlementaire de 53 pages. Il révèle une dérive grave dans la conduite des affaires de l’illustre cabinet de conseil. McKinsey a gagné beaucoup d’argent en travaillant à la fois pour Purdue Pharma et l’agence fédérale (FDA) en charge d’approuver la mise sur le marché des médicaments. Des milliers de documents internes prouvent que, depuis 2010, Mc Kinsey a permis à au moins 22 de ses consultants de travailler à la fois pour Purdue et la FDA – parfois en même temps. La commission parlementaire souligne que la firme n’a pas fourni de preuves qu’elle aurait déclaré de potentiels conflits d’intérêts comme la loi l’y obligeait dans le cadre d’un contrat avec une agence fédérale. McKinsey a aussi autorisé plusieurs de ses consultants à produire un mémorandum en 2018 à l’attention du nouveau Secrétaire d’État à la Santé que venait de nommer le Président Donald Trump. Alors que l’état d’urgence sanitaire dû aux opioïdes avait été déclaré par Trump en 2017, le paragraphe mentionnant cette crise avait été escamoté dans ce mémorandum corédigé par la FDA et ces consultants. Selon ceux-ci, les termes « crise » ou « épidémie » étaient « exagérés ». L’entrisme de McKinsey lui a aussi permis de faire nommer un ancien « partner » de la firme, un certain Paul Mango, adjoint du Secrétaire d’État à la Santé pour les questions réglementaires…
En résumé, la commission a identifié 37 projets stratégiques gérés par McKinsey pour la FDA entre 2004 et 2019. Dans le même temps, ses consultants aidaient Purdue Pharma à obtenir les autorisations nécessaires pour la mise sur le marché de ses médicaments hautement addictifs. La firme s’est défendue en arguant qu’elle avait communiqué à la FDA le travail qu’elle faisait pour des laboratoires. Mais la FDA nie farouchement avoir reçu des informations explicites sur ce sujet, et la commission d’enquête souligne que les rares documents produits étaient très vagues. Par ailleurs, des courriels montrent que les dirigeants de McKinsey se vantaient auprès du PDG de Purdue Pharma de leurs liens avec des gens bien placés à la FDA…
L’attitude des consultants travaillant pour Purdue a attiré l’attention de la commission d’enquête. Quand Purdue Pharma a commencé à avoir de sérieux ennuis judiciaires, des courriels attestent de la volonté des consultants d’effacer tout ce qui pouvait être compromettant… Une note adressée à lui-même par un chef de projet en août 2018 disait : « effacer les documents liés à Pur de mon ordinateur ». Les consultants, dont les courriels ont prouvé qu’ils avaient cherché à cacher des informations, ont été renvoyés par la firme. Celle-ci souligne à présent sa volonté de renforcer ses procédures internes. Par exemple, McKinsey a triplé depuis 3 ans le nombre d’administrateurs employés dans son département de contrôle de la gouvernance.
McKinsey est un cabinet très réputé (on le surnomme « la Firme ») qui vend son expertise en stratégie depuis presqu’un siècle à des entreprises parfois concurrentes. Dès le départ, il s’est imposé des règles strictes pour protéger le secret commercial de ses clients. La domination américaine sur l’économie mondiale, et la globalisation, lui ont permis d’étendre ses activités à 67 pays. « La Firme » a aussi découvert un nouveau marché très fructueux : conseiller les administrations publiques. Une tendance venue d’outre-Atlantique pousse de plus en plus de gouvernements à se décharger sur des prestataires privés de missions jugées trop pointues techniquement, ou trop risquées politiquement. C’est une source de graves conflits d’intérêts, pointe la commission d’enquête américaine… Un groupe parlementaire bipartisan a proposé le mois dernier un nouveau texte de loi pour imposer un renforcement des règles et mieux encadrer les marchés publics.