23 janvier 1973 : 50 ans après, le Vietnam hante toujours l'Amérique
Nixon n’avait pas commencé cette guerre mais la comédie qu’il avait jouée allait connaitre un dénouement prévisible. Le Sud, miné par la corruption et le despotisme de sa petite élite, n’avait pas les moyens de se défendre. Les communistes du Nord et leurs alliés du Viêt-Cong n'avaient pas l’intention de baisser les armes : ils allaient reprendre leur offensive quelques semaines plus tard. Washington le savait ; le plan était d’intervenir avec des bombardements aériens massifs sur les colonnes nordistes dès qu’elles auraient franchi la frontière. Mais le scandale du Watergate (17 juin 1972 – 9 août 1974 : démission de Nixon) avait changé la donne : le Congrès opposé à un Nixon discrédité a interdit toute réaction armée et a coupé l’aide financière au Sud. Le 30 avril 1975, c’était la chute de Saigon.
La plus longue guerre américaine a traumatisé la première puissance mondiale. On est passé de l’âge glorieux de la course à la Lune, d’une Amérique dont le triomphe était relayé par le technicolor léché d’Hollywood à un pays en dépression. En 1964, à la veille de l’incident du Golfe du Tonkin qui devait offrir au Président Johnson le prétexte pour envoyer des troupes, trois quarts des Américains faisaient confiance à leur gouvernement fédéral. En 1976, un an après la chute de Saigon, ils étaient moins d’un quart… Les divisions profondes qui fracturent le pays aujourd’hui étaient déjà visibles.
Le pic de la crise remonte au mois de mai 1970. L’armée américaine entrait au Cambodge (officiellement neutre) pour éliminer les sanctuaires de l’armée nord-vietnamienne. Le 4 mai, la Garde Nationale américaine tirait sur une manifestation à la Kent State University de l’Ohio – tuant 4 étudiants. On avait atteint le point de non-retour. Le groupe Crosby, Stills, Nash & Young faisait du titre rageur « Ohio » un tube conspuant le Président Nixon (accessible ici : "Ohio"). Le 8 mai, une violente émeute éclatait à New York entre étudiants pacifistes et ouvriers du bâtiment arborant la bannière étoilée. La lutte des classes « cols blancs contre cols bleus » faisait déjà rage, relate Dominic Sandbrook pour UnHerd (voir son essai en lien).
Les Américains de 2022 n’aiment pas revenir sur le dénouement tragique de cette guerre. Plus d’un million de Vietnamiens ont trouvé refuge sur le sol américain. À l’image des harkis en France, ils n’ont pas été bien reçus dans une Amérique en dépression, peinant à guérir ses fractures raciales. La gauche intellectuelle n’était pas en reste ; elle voyait en eux des traitres à leur pays, et, plus encore, la preuve vivante que ce conflit n’avait pas été une guerre de « libération » contre les méchants colonialistes. Le 11 mai 1975, quelques jours après la chute de Saigon, 50 000 personnes faisaient la fête à Central Park (New York) pour célébrer la victoire du Nord, avec à leur tête quelques représentants de la génération Woodstock. Pendant ce temps, des milliers de Vietnamiens étaient torturés, exécutés ou envoyés dans des camps de concentration pour assurer leur « rééducation ».
Tant de morts pour quel résultat ? Thomas Polgar, l’ancien chef de la CIA à Saigon, ira jusqu’à dire que « les Vietnamiens s’en seraient certainement mieux sortis sans nous ». Les Français, avec beaucoup moins de moyens, avaient fait mieux. C’est toute l’ancienne Indochine qui tombait après le départ américain, et ce sont surtout les dissensions entre communistes (Russes, Chinois) qui allaient empêcher une expansion au-delà de l’Asie du Sud-Est. Le Vietnam est toujours dirigé par un parti totalitaire, survivant grâce au tourisme et à la corruption. Les séquelles du conflit ont été nombreuses. D’abord sur les vétérans revenus, selon une formule célèbre, plus vieux que leurs pères. Donald Trump s’est démarqué de ses prédécesseurs revanchards. Comme de nombreux fils de riches, il a évité la conscription et il est fier de ne pas avoir participé à un « conflit inutile ». D’ailleurs, il avait une autre guerre à mener selon ses propres termes : les conquêtes féminines. Ses champs de mines à lui : les maladies vénériennes. « Je m’en suis sorti indemne, un vrai héro ! » Une analogie qui en dit long sur l’Amérique post-Vietnam…