Écologie

Supprimer les plastiques ou les recycler ? Le défi d'un traité à l'ONU.

Par Stanislas de Larminat - Publié le 26/03/2024 - Photo : Le recyclage des plastiques, une solution concrète. (Shutterstock)

L'Assemblée des Nations unies pour l'Environnement négocie depuis 2022 un traité mondial contre la pollution plastique. Une quatrième session de négociation est prévue en avril 2024 au Canada.

C'est un défi qui divise. Le Canada appartient à une coalition, dirigée par le Rwanda et la Norvège, suivie par 65 pays, dont la France, qui appelle à des règles mondiales contraignantes. D'autres pays, avec l'Iran, l'Arabie Saoudite, la Chine, Cuba, ou la Russie, s'opposent à des dispositions commerciales contraires aux règles de l'Organisation mondiale du commerce. Le secrétariat du Comité inter-gouvernemental de négociation (CIN) proposera un texte révisé avec des options et sous-options possibles. Quels sont les enjeux ?

La production mondiale de plastique est de l'ordre de 3 à 400 millions de tonnes/an. Les avantages reconnus du plastique stimulent la production : au plan environnemental, le plastique rend possible la réduction de consommation des voitures en allégeant leur poids. Il permet aussi de réduire l'usage de papier et de métal dans les emballages. Dans la chaîne alimentaire, les emballages sous vide réduisent les risques bactériens et le plastique est adapté à de petits conditionnements réduisant le gaspillage. Résistant à l'usure, il est utilisé comme isolant et ignifuge dans le bâtiment.

Mais les ONG pointent l'existence d'un septième continent de plastique dans les océans. Une étude, publiée par Nature en 2017, donne des chiffres. Les rivières asiatiques représentaient alors 86 % des rejets annuels dans les océans estimés à 1,21 millions de T/an, avec : le fleuve Yangtze chinois 330.0 T /an, le Gange, entre l'Inde et le Bangladesh, 120.0 T/an et l'apport combiné des fleuves Xi, Dong et Zhujiang en Chine, 106.0 T/an. À côté de ces données, les fleuves européens sont des lilliputiens : le Danube rejette chaque année entre 530 et 1.500 T (essentiellement à cause de la Tisza, affluent ukrainien et roumain du Danube) et le Rhin seulement 20 à 31 T… même si ces chiffres sont regrettables. Certes, l'étude de Nature, ne comptabilise pas les rejets non-fluviaux, (plages, industries de la pêche, etc…) Mais on sait que les déchets sont produits dans des villes surpeuplées au bord des fleuves et non sur les plages. Les négociateurs Chinois sont donc dans une position difficile : La Chine produit 108 millions de T/an, soit un tiers de la production mondiale, devant les États-Unis. L'Europe n'en produit que 20 %. La Chine s'efforce donc d'améliorer son image : la province orientale du Zhejiang a remporté le prix Champions de la Terre 2023.

Pour le recyclage des plastiques, la coalition menée par l'Iran préfère orienter la négociation, moins sur la production que sur la gestion des déchets, en suggérant des mesures volontaires nationales plutôt que des règles mondiales. Il faut avouer que seulement 9 % des déchets mondiaux sont recyclés, 20 % incinérés, près de la moitié stockés dans des décharges et plus de 20 % abandonnés dans la nature.

Pour le nettoyage des océans, deux associations en France et aux Pays-Bas construisent des bateaux qui ne récolteront que de faibles volumes : le Manta, 5 à 10.0 T/an et l'Ocean Cleanup, 5 à 600 T/an. À ce rythme, il faudrait plus de 100 bateaux pour ne récupérer que la simple augmentation d'une année. Mais ce sont des opérations soutenues par de nombreux partenaires et sponsors, parfois en mal de greenwashing.

La biodégradation naturelle des plastiques se fait lentement en microparticules accusées d'être dangereuses, mais aucune étude épidémiologique n'a démontré une corrélation sur la santé humaine, même si cela paraît inquiétant. Sur la faune aquatique, des espèces sont gagnantes, d'autres perdantes. La scientifique, Rebecca R. Helm, explique que le plastique perturbe la chaîne alimentaire de nombreuses espèces, mais permet à d'autres organismes, algues ou mollusques, de vivre en surface et de s'adapter à la pollution, nourrissant à leur tour d'autres espèces.

Le développement économique est une question clé. Les chiffres de l'étude de Nature sur la pollution des océans confirment que ce sont les pays les moins développés qui alimentent le fameux septième continent ! De manière très générale, l'Indice 2022 de performance environnementale (EPI) fournit des données de durabilité dans le monde. Avec 40 indicateurs de performance, l'EPI classe 180 pays en fonction de leur performance écologique. Aux 20 dernières places, on trouve la Chine, le Nigéria, la Turquie et aux 5 dernières : Pakistan, Bangladesh, Vietnam, Birmanie et Inde. Aux 20 premières places en revanche, on trouve la Norvège, l'Australie, la France et aux 5 premières places : Suède, Malte, Finlande, Royaume Uni et Danemark. Les États-Unis ne sont que 43e.

Pour paraphraser ce que disait Dante, « la beauté [des océans] éveille l'âme pour agir » ! Il faudra bien réduire le 1 % environ de plastiques rejetés dans les océans. La solution passera par un développement économique permettant le financement du recyclage des déchets et leur valorisation dans diverses industries.

La sélection
Le mystérieux écosystème à la surface de l'océan
Lire l'article sur Plos Biology
S'abonner gratuitement
Ajoutez votre commentaire
Valider
Pourquoi s'abonner à LSDJ ?

Vous êtes submergé d'informations ? Pas forcément utiles ? Pas le temps de tout suivre ?

Nous vous proposons une sélection pour aller plus loin, pour gagner du temps, pour ne rien rater.

Sélectionner et synthétiser sont les seules réponses adaptées ! Stabilo
Je m'abonne gratuitement
LES DERNIÈRES SÉLECTIONS