Politique

Sur l'immigration, seuls les milieux associatifs de gauche sont efficaces

Par Louis Daufresne - Publié le 27/04/2024 - Photo : Des collectifs de sans-papiers, des organisations politiques et des associations ont manifesté ensemble pour la Palestine et contre la loi immigration et Gérald Darmanin le 21 janvier 2024. (Gaelle Matata / Hans Lucas via AFP)
La question de l'immigration est devenue centrale en France et fait intervenir des acteurs variés. Les milieux associatifs tiennent une place importante et exercent une influence de premier plan. Parmi eux, la gauche tire amplement son épingle du jeu... parfois à rebours de l'opinion des Français.

Il y a en France des partisans d'une immigration toujours plus nombreuse et toujours moins contrôlée. Ils se montrent plus organisés, plus présents, plus persévérants que les promoteurs de la fermeté. Une tribune du Figaro prenait la mesure de cet activisme qui doit son efficacité à sa relative discrétion. Le texte est signé Nicolas Pouvreau-Monti, directeur de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie (OID). Fondé en 2020, l'OID entend « donner une vision rationnelle et dépassionnée » de ce sujet sensible, même si le fait d'associer immigration et démographie est déjà abrasif. L'organisation se présente comme « une structure d'étude (…) puisant aux meilleures sources disponibles : statistiques publiques, ouvrages de chercheurs spécialisés, analyses juridiques ». Elle se prévaut de contacts avec le ministère de l'Intérieur et de cautions institutionnelles, telles que l'ancien directeur de la DGSE Pierre Brochand, l'ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt, ou le préfet Michel Aubouin.

Dans cette tribune, Nicolas Pouvreau-Monti réagit à la loi immigration. Le 25 janvier, le Conseil constitutionnel a expurgé plus du tiers du texte que l'Assemblée nationale et le Sénat avaient adopté mi-décembre. Cette censure à la hache résulte, selon lui, des « contributions extérieures » adressées aux juges durant l'examen de la loi. Ces contributions profitent d'un « dispositif méconnu, aussi désigné par le nom traditionnel de "portes étroites", permettant à un ensemble de parties extérieures au Conseil de partager avec lui leur avis quant à la constitutionnalité d'un texte (…) après son adoption parlementaire ».

Point notable : ces contributions ne sont plus tenues secrètes depuis 2019. Par souci de transparence, les sages communiquent même dessus. Ainsi prend-on la mesure du travail d'influence opéré dans ce haut lieu de la République. Un lieu stratégique. Rappelons que cette juridiction présidée par l'ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius contrôle la conformité de la loi à la Constitution. Aucun de ses neuf membres n'est élu au suffrage direct ou indirect. Trois sont nommés par le président de la République, trois par le président de l'Assemblée nationale, trois par le président du Sénat. Le Conseil constitutionnel est l'ultime verrou du régime, voire son assurance-vie. Ses décisions peuvent court-circuiter tous les errements du pouvoir législatif.

Quel est ce travail d'influence ? L'OID pointe « l'arsenal associatif et universitaire qui s'est déployé afin de vider la loi immigration de toute substance notable ». Sur les quatre cents pages qu'il a épluchées figurent« les principaux acteurs qui travaillent à une approche toujours plus "ouverte" du droit à l'immigration » comme France Terre d'Asile, la Cimade, la Ligue des droits de l'homme ou encore le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature « à l'empreinte idéologique marquée ».

L'OID note aussi la présence du Conseil national des barreaux, « organisation établie par la loi », ou encore de la Conférence des bâtonniers, ainsi que des dizaines de noms de professeurs et d'universitaires dont le président de l'Association française de droit pénal. « Plus frappante encore, dit Nicolas Pouvreau-Monti, la contribution de la Défenseur des droits (autorité de rang constitutionnel) ».

Nicolas Pouvreau-Monti souligne aussi « le rôle particulier d'une structure puissante, quoique méconnue du grand public » : l'Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita). Cette fédération de collectivités s'engage à combattre « toute politique remettant en cause l'accueil inconditionnel » des étrangers sur le sol français. L'OID observe que « l'Anvita regroupe les principales métropoles du pays (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux…) mais aussi des villes moyennes, des départements et des régions comme l'Occitanie et le Centre-Val de Loire ».

Cette forte mobilisation associative peut étonner : la loi largement censurée n'avait pas de prises sur les grandes masses de l'immigration, en particulier le regroupement familial ou l'accord franco-algérien.

Ce qui étonne davantage, c'est que les opposants au laxisme migratoire ne font pas la « guerre du droit » (« lawfare »), alors que depuis l'arrêt Gisti rendu par le Conseil d'État en 1978, « cette approche n'a cessé de prouver son efficacité », indique Nicolas Pouvreau-Monti.

Cet épisode montre que les milieux associatifs de gauche savent peser pour faire changer la loi et que surtout, ils le veulent. En face, l'absence de militance organisée a de quoi étonner sur un sujet si sensible, alors qu'on parle sans cesse de la droitisation de l'opinion, que le candidat anti-immigration est crédité de 30 % des intentions de vote aux Européennes et qu'il est déjà pressenti au second tour en 2027. Finalement, on se demande si l'audience n'est pas inversement proportionnelle à l'influence. Le « règne du Droit » s'opposant à celui « du nombre ».

La sélection
Ces associations qui ont aidé discrètement le Conseil constitutionnel à censurer la loi immigration
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1 commentaire
Jean-Marie
Le 30/04/2024 à 15:45
C'est vraiment le foutoir ce pays, des gens qui n'ont aucun mandat du peuple se permettent de censurer les élus du peuple. Vivement que tout ce foutier soit envoyé au goulag.
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