Écologie

Une planète qui se réchauffe a besoin de têtes froides…

Par Ludovic Lavaucelle - Publié le 07/05/2024 - Photo : Une rue inondée de Dhaka (Bangladesh) le 21 juillet 2020 (Shutterstock).
Le réchauffement climatique est un phénomène qui inquiète légitimement. Il a des conséquences qui varient selon les régions et doit être observé avec une grande rigueur scientifique selon Mike Hulme, climatologue, et ancien membre du GIEC. Dans son dernier livre paru en 2023, il s'alarme des raccourcis simplistes et des tentatives de censure contre toute voix dissidente...

Mike Hulme, membre du GIEC de 1995 à 2001, est un climatologue et professeur de géographie à l'université de Cambridge. Il a publié un livre (Climate change isn't everything chez Polity Press) en 2023 qui dénonce l'établissement d'un nouveau culte : le « climatisme ». Une nouvelle inquisition qui tient les médias sous contrôle : en France, un projet de loi veut interdire la diffusion d'informations mettant en doute la doxa sur la responsabilité humaine dans la « catastrophe climatique ». Mike Hulme se défend d'être un « climato-sceptique » : le réchauffement significatif constaté depuis des décennies implique des risques réels et inégaux selon les continents et les régions. Pour autant, il nomme « climatisme » une dérive à son sens dangereuse en ce qu'elle revient à lire l'Histoire et à faire de la politique à travers le prisme du changement climatique. Une telle idéologie conduit à la négation de principes démocratiques en Occident en introduisant la censure et elle est contre-productive car elle impose une lecture simpliste à des problèmes complexes.

Le livre d'Hulme revient sur de nombreux exemples montrant l'emprise du « climatisme » sur la politique, y compris la géopolitique. The New Atlantis (voir en lien) a sélectionné les plus marquants. John Kerry, alors secrétaire d'État américain, expliquait en 2015 que la guerre civile syrienne avait été causée par la pire sécheresse enregistrée dans le pays. Le Prince Charles a abondé en ce sens… Si des problèmes causés par un aléa climatique peuvent envenimer une crise, il n'est pas raisonnable de faire croire qu'il en est le déclencheur… La violence du régime de Damas d'une part, la déstabilisation orchestrée par des pays du Golfe en finançant et armant des mouvements islamistes d'autre part sont les raisons objectives de ce bain de sang. Tout comme les germes de la Révolution française avaient été plantés bien avant les mauvaises récoltes de la fin des années 1780. La lecture marxiste de l'Histoire reste bien présente : après la lutte des classes, contre le patriarcat, certains historiens de la religion interprètent les fractures théologiques (la Réforme protestante par exemple) à l'aune des « chocs climatiques ».

Le martellement médiatique présentant toute catastrophe naturelle comme le résultat visible du « dérèglement climatique » ne résiste pas à l'examen froid des circonstances. Là encore, l'incompétence et la corruption des pouvoirs politiques sont les premières raisons. Cette simplification à outrance dépasse les mouvements militants : le « climatisme » imprègne les tissus économiques via la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), jusqu'aux institutions comme la Banque Mondiale. Un cas parlant est celui du cyclone Aila qui frappa le Bangladesh en 2009, jetant dans la rue près d'un million de personnes et causant 339 morts. Ces conséquences désastreuses étaient dues au manque d'entretien des digues, à l'urbanisation anarchique des zones côtières et à l'érection de barrages sur les principaux fleuves - sans compter le pompage d'eau dans les mangroves pour irriguer les champs…

Quel est le point de bascule ? C'est en 1975 que l'économiste William Nordhaus a publié une étude cherchant à démontrer le compromis nécessaire entre croissance économique et montée des températures. C'est la première fois qu'on associait le climat et le PIB. Sur ce socle idéologique, la recherche du « net zéro » est devenue le Graal du climatisme : haro sur les énergies fossiles, cibles prioritaires de la « lutte contre le réchauffement climatique ». Pour Mike Hulme, ce sont des œillères qui font oublier des défis majeurs que doivent relever les populations les plus défavorisées : l'accès à l'eau potable, à l'école, la lutte contre la traite d'êtres humains. Pire, l'obsession contre les énergies fossiles conduit à des résultats dramatiques. Des directives de l'U.E. et de l'ONU voulant imposer les bio-carburants ont aggravé la situation. En 2010, l'U.E. prescrivait par exemple à ses membres qu'en 2020, 10 % du carburant automobile devait être renouvelable. Les indigènes du peuple Kubu (île de Sumatra en Indonésie) ont vu arriver les bulldozers pour raser leur forêt vierge et la remplacer par des palmiers : l'huile de palme rentrait dans la composition des biocarburants. Un rapporteur de l'ONU a qualifié ce drame de « crime contre l'humanité » et l'U.E. a interdit en 2021 l'utilisation de l'huile de palme dans la composition de « l'essence verte ». Trop tard pour les pauvres Kubus qui ont perdu leur jardin et leur liberté…

Le réchauffement climatique cause des problèmes sérieux et nécessite un débat scientifique ouvert et pluraliste car, rappelle Hulme, les régions du monde font face à des défis différents nécessitant des réponses régionales. Le « climatisme » simplificateur est non seulement une fraude, conclut-il, mais c'est un prétexte bien pratique permettant aux décideurs politiques de masquer leurs errements tout en renforçant leur pouvoir en agitant une menace apocalyptique…

La sélection
Warm planet, cool heads
Lire l'article sur : The New Atlantis
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1 commentaire
Jean-Marie
Le 08/05/2024 à 10:42
Notre planète a connue bien des réchauffements et des refroidissements. Bien entendu cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas réchauffement actuellement, mais ce n'est pas la catastrophe. D'autre par il n'y a pas eu par le passé autant de "bipèdes" humains et d'activités qui produisent divers gaz et chaleur résiduels. Donc je ne suis pas écologistique.
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