Économie

Dette abyssale : le pari impossible d'Anne Hidalgo

Par Louis Daufresne - Publié le 28/03/2024 - Photo : La maire de Paris Anne Hidalgo dirige une séance du conseil municipal de Paris le 12 décembre 2023, alors que le conseil examine le budget 2024 de la ville présenté par la majorité municipale. (crédits: Ludovic MARIN/AFP)

La France est-elle guettée par l'austérité, alors que ses comptes publics dérapent ? Dans son livre La voie française (Flammarion), Bruno Le Maire, juge que « la gratuité de tout, pour tous, tout le temps » est « intenable ». Mû selon Ouest-France par une ambition présidentielle, le ministre de l'Économie souhaite « remplacer l'État providence par l'État protecteur ». Mardi prochain, l'Insee rendra son verdict. On sait déjà que le déficit 2023 sera supérieur aux 4,9 % espérés. Selon Les Échos, il atteindrait 5,6 % du PIB. Le ramener à 4,4 % cette année, pour plaire à l'UE, apparaît hors de portée.

Il y a un mois, Bruno Le Maire annonçait 10 milliards d'euros d'économies. Une « première étape » avant les 20 milliards supplémentaires en 2025. Question : où faut-il les prendre ? « Tout le monde doit participer au rétablissement des finances publiques », juge le locataire de Bercy. En clair : les élus locaux aussi.

10 milliards, ce sera aussi la dette de la Ville de Paris en 2026, à la fin du mandat d'Anne Hidalgo. En moins de dix ans, cette charge a plus que doublé ! L'évolution est spectaculaire : de 1,9 milliard fin 2001, lorsque la gauche gagne la mairie, la dette passe à 4,1 milliards fin 2014, quand Anne Hidalgo succède à Bertrand Delanoë. Puis, elle enfle de 40 % entre 2014 et 2019 comme le note la Chambre régionale des comptes. La situation se dégrade au point qu'en 2022, le ministre des Transports Clément Beaune menace la mairie d'une mise sous tutelle par l'État (L'Express) — procédure également réclamée par Rachida Dati, ralliée depuis peu à la Macronie pour briguer la mairie en 2026. D'autres voix se manifestent. Lors de l'adoption du budget en décembre, Maud Gatel, conseillère de Paris (Modem), parle d'une trajectoire financière « particulièrement inquiétante » (Le Monde).

La dette à Paris représente 3 498 € par habitant indique Le Figaro : « C'est très largement supérieur aux autres grandes villes, y compris Marseille, pourtant pas spécialement connue pour la bonne gestion de ses dépenses publiques (1 772 € par habitant). Le quotidien ajoute que « Lille (1 505 €), Lyon (769 €) ou Toulouse (408 €) sont très loin derrière Paris ».

Les taux d'intérêts augmentant, cette charge pèse toujours plus alors que les recettes plongent en raison de la chute des transactions immobilières. Le manque à gagner sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO, les « frais de notaire »), s'élève à 300 millions d'euros pour 2023. Dans une tribune, Catherine Lécuyer, conseillère du VIIIe arrondissement, pense qu'Anne Hidalgo « doit réduire d'urgence les dépenses dont l'utilité n'est pas avérée ». L'édile se mettrait ainsi en conformité avec l'impulsion donnée par Bruno Le Maire.

Paris compte 58 000 fonctionnaires pour 2,1 millions d'habitants. On peut réduire les dépenses de fonctionnement. Son taux d'administration est plus élevé qu'à Londres ou Rome. Or, Anne Hidalgo « a encore recruté 650 agents en 2023. Environ 400 personnes travaillent pour la seule communication de la mairie ! », déplore Catherine Lécuyer. De plus, l'absentéisme est élevé parmi les agents. On peut aussi baisser les subventions évaluées à plus de 200 millions d'euros par an. La ville finance des milliers d'associations dont l'objet ne coïncide pas avec les attentes des Parisiens.

La politique de l'exécutif est pointée au premier chef, en particulier « la préemption de copropriétés pour les transformer en logements sociaux ». Anne Hidalgo pourrait en réaliser « deux à trois fois plus dans des quartiers moins chers ». S'y ajoute la frénésie pour les grands travaux dont « le coût est inversement proportionnel à l'utilité » et qui, selon Catherine Lécuyer, « siphonnent les budgets liés à l'entretien du patrimoine de voirie ».

Anne Hidalgo désire-t-elle faire des économies ? Comme elle ne compte pas se représenter une troisième fois, elle n'a pas de raison de changer de politique. Son mandat restera marqué par l'augmentation de la taxe foncière de 52 % l'an dernier. Cette manne de 700 millions d'euros par an sur un budget de 10 milliards permet d'éloigner le spectre de la tutelle. Mais elle ne peut plus jouer sur les impôts.

D'où la question que pose Catherine Lécuyer : « Comment Anne Hidalgo peut-elle retrouver des marges de manœuvre budgétaires, sans creuser la dette, sans augmenter la pression fiscale, sans réduire le service municipal rendu aux Parisiens » ? Cette question n'a évidemment de sens que si la volonté de faire autrement s'exprime.

Du reste, la dette fait subsister le clivage gauche/droite. La gauche en use pour forcer le destin. Comme l'écrit Laurent Telo (Le Monde), Anne Hidalgo juge que « s'endetter, choix éminemment politique, est indispensable pour que Paris poursuive sa transition écologique (...) et la création de logements sociaux ». La droite, plus fourmi que cigale, pense quant à elle que « Paris n'est plus tenu financièrement, que le maire n'anticipe rien, et vit au-dessus de ses moyens ».

La sélection
« Pour réduire sa dette, la mairie de Paris doit en finir avec les dépenses extravagantes »
Lire sur Le Figaro
Retrouvez l'émission TV correspondante à cette LSDJ sur notre chaîne Youtube :
S'abonner gratuitement
1 commentaire
Le 29/03/2024 à 00:11
l'augmentation de TF sur tous mes avis est de 62,7%, plus que les 60% Macron !
Voir tous les commentaires
Ajoutez votre commentaire
Valider
Pourquoi s'abonner à LSDJ ?

Vous êtes submergé d'informations ? Pas forcément utiles ? Pas le temps de tout suivre ?

Nous vous proposons une sélection pour aller plus loin, pour gagner du temps, pour ne rien rater.

Sélectionner et synthétiser sont les seules réponses adaptées ! Stabilo
Je m'abonne gratuitement
LES DERNIÈRES SÉLECTIONS