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Vingt ans après l'invasion de l'Irak, le contrôle de l'or noir obsède toujours l'Empire américain
Le 23 mars 2003 débutait l’attaque massive lancée par Washington et ses alliés en Irak dans le but de renverser Saddam Hussein et de transformer le Moyen-Orient en paradis démocratique. L’absence d’armes de destruction massive a vite révélé les mensonges de Washington. Alors l’accusation d’une corruption au profit de la toute puissante industrie pétrolière américaine prenait du sens. Dick Cheney, Vice-Président de George W. Bush, était particulièrement visé en tant qu’ancien PDG d’Halliburton, géant de la prestation de services pour l’industrie pétrolière. Cette société s’est vu octroyer – au déclenchement de la guerre – un contrat majeur pour réparer les infrastructures pétrolières irakiennes. Rien de très nouveau… 40 ans auparavant, une filiale d’Halliburton, nommée Brown & Root, avait fait d’importantes donations pour appuyer la campagne présidentielle de Lyndon Johnson en 1964. En récompense, Brown & Root obtint de gros contrats de construction navale au Sud Vietnam… Ironie de l’histoire : cette collusion avait été dénoncée par un jeune représentant républicain nommé Donald Rumsfeld. Celui-là même qui, secrétaire à la défense de George W. Bush en 2003, deviendrait un « faucon » poussant à la guerre en Irak.
Cependant, s’arrêter aux soupçons de corruption liés au complexe militaro-industriel américain pour expliquer le bellicisme de Washington est une analyse superficielle, estime Helen Thompson, professeure d’économie politique à Cambridge (voir son article pour UnHerd en lien). L’Amérique a surtout un leitmotiv stratégique, l’accès libre (et bon marché) au pétrole, qui date des années 70. Prendre le contrôle des champs irakiens était censé résoudre le problème. De Jimmy Carter à George W. Bush, démocrate ou républicain, la ligne est restée la même. C’est à partir des chocs pétroliers que les États-Unis sont devenus le plus gros importateur de pétrole au monde. Et l’Irak représentait déjà un problème. Le parti Baas, Saddam Hussein à sa tête, s’était allié à l’Union Soviétique après avoir nationalisé les sociétés pétrolières sur son sol. La situation était sous contrôle pour l’administration Nixon qui avait des fournisseurs puissants : l’Arabie Saoudite et l’Iran du Shah. Tout a basculé avec une succession d’événements : la révolution iranienne, la guerre Iran-Irak et l’intervention soviétique en Afghanistan. Les prix se sont envolés… La « doctrine Carter » a ouvertement prôné l’intervention militaire pour « contrer toute tentative de contrôle du Golfe Persique par une force extérieure ».
Jusqu’en 2003, les présidents successifs ont privilégié les guerres par procuration. Sous l’administration Reagan, l’Irak est devenu un allié contre l’Iran. Mais cet allié est devenu encombrant dès qu’une victoire militaire s’est révélée impossible. George Bush père a appliqué la « doctrine Carter » après l’invasion du Koweït par l’Irak en 1991. Mais les forces de la coalition occidentale menée par Washington se sont contentées d’expulser les Irakiens du Koweït sans renverser l’homme fort de Bagdad. Les bases U.S. ont été renforcées pour imposer des sanctions lourdes et empêcher l’exportation du pétrole irakien. Ces sanctions s’ajoutaient à celles sur l’Iran et la Libye. L’or noir est néanmoins resté abondant et bon marché dans les années 90 mais cette situation favorable n'allait pas durer. La crainte que le plus grand champ saoudien se tarisse, et la baisse de la production venant d’Alaska et de la Mer du Nord ont coïncidé avec un choc majeur du côté de la demande : l’essor de la Chine.
George W. Bush, sitôt élu en 2000, a demandé à Dick Cheney un rapport sur la situation. Sa conclusion était claire : l’équilibre offre–demande était rompu et il était urgent de revoir la politique de sanctions pour rouvrir les robinets fermés dans le Golfe Persique. Bénéficiant de grandes réserves sous-exploitées et faciles d’accès, l’Irak était la cible première. Mais il fallait moderniser les équipements vétustes. Depuis la nationalisation, la production moyenne peinait à dépasser les 3 millions de barils de brut par jour – à comparer avec les 8,5 millions russes et 10 millions saoudiens en 2003. Les Chinois ont tout de suite compris le but de la guerre : dès la chute de Saddam, Hu Jintao signait un accord avec Poutine pour construire un pipeline entre leurs deux pays. L’obsession chinoise pour résoudre le « dilemme de Malacca » date de l’invasion de l’Irak : ouvrir de nouvelles routes d’approvisionnement ne pouvant pas être coupées par l’US Navy…
La guerre d’Irak s’est soldée par un échec cuisant : outre le bain de sang et l’anarchie dans le pays, des buts économiques non atteints. Il aura fallu attendre 2010 pour dépasser la production de pétrole de 2001, limitée à 4,8 millions / jour. Pire ! L’influence grandissante de l’Iran en Irak a permis à PetroChina de s’y implanter. L’afflux de gaz de schiste, a permis de nourrir la croissance des années 2010 mais il ne suffit plus. C’est une nouvelle impasse : les Américains ne pourront pas longtemps puiser dans leurs réserves stratégiques…
Cependant, s’arrêter aux soupçons de corruption liés au complexe militaro-industriel américain pour expliquer le bellicisme de Washington est une analyse superficielle, estime Helen Thompson, professeure d’économie politique à Cambridge (voir son article pour UnHerd en lien). L’Amérique a surtout un leitmotiv stratégique, l’accès libre (et bon marché) au pétrole, qui date des années 70. Prendre le contrôle des champs irakiens était censé résoudre le problème. De Jimmy Carter à George W. Bush, démocrate ou républicain, la ligne est restée la même. C’est à partir des chocs pétroliers que les États-Unis sont devenus le plus gros importateur de pétrole au monde. Et l’Irak représentait déjà un problème. Le parti Baas, Saddam Hussein à sa tête, s’était allié à l’Union Soviétique après avoir nationalisé les sociétés pétrolières sur son sol. La situation était sous contrôle pour l’administration Nixon qui avait des fournisseurs puissants : l’Arabie Saoudite et l’Iran du Shah. Tout a basculé avec une succession d’événements : la révolution iranienne, la guerre Iran-Irak et l’intervention soviétique en Afghanistan. Les prix se sont envolés… La « doctrine Carter » a ouvertement prôné l’intervention militaire pour « contrer toute tentative de contrôle du Golfe Persique par une force extérieure ».
Jusqu’en 2003, les présidents successifs ont privilégié les guerres par procuration. Sous l’administration Reagan, l’Irak est devenu un allié contre l’Iran. Mais cet allié est devenu encombrant dès qu’une victoire militaire s’est révélée impossible. George Bush père a appliqué la « doctrine Carter » après l’invasion du Koweït par l’Irak en 1991. Mais les forces de la coalition occidentale menée par Washington se sont contentées d’expulser les Irakiens du Koweït sans renverser l’homme fort de Bagdad. Les bases U.S. ont été renforcées pour imposer des sanctions lourdes et empêcher l’exportation du pétrole irakien. Ces sanctions s’ajoutaient à celles sur l’Iran et la Libye. L’or noir est néanmoins resté abondant et bon marché dans les années 90 mais cette situation favorable n'allait pas durer. La crainte que le plus grand champ saoudien se tarisse, et la baisse de la production venant d’Alaska et de la Mer du Nord ont coïncidé avec un choc majeur du côté de la demande : l’essor de la Chine.
George W. Bush, sitôt élu en 2000, a demandé à Dick Cheney un rapport sur la situation. Sa conclusion était claire : l’équilibre offre–demande était rompu et il était urgent de revoir la politique de sanctions pour rouvrir les robinets fermés dans le Golfe Persique. Bénéficiant de grandes réserves sous-exploitées et faciles d’accès, l’Irak était la cible première. Mais il fallait moderniser les équipements vétustes. Depuis la nationalisation, la production moyenne peinait à dépasser les 3 millions de barils de brut par jour – à comparer avec les 8,5 millions russes et 10 millions saoudiens en 2003. Les Chinois ont tout de suite compris le but de la guerre : dès la chute de Saddam, Hu Jintao signait un accord avec Poutine pour construire un pipeline entre leurs deux pays. L’obsession chinoise pour résoudre le « dilemme de Malacca » date de l’invasion de l’Irak : ouvrir de nouvelles routes d’approvisionnement ne pouvant pas être coupées par l’US Navy…
La guerre d’Irak s’est soldée par un échec cuisant : outre le bain de sang et l’anarchie dans le pays, des buts économiques non atteints. Il aura fallu attendre 2010 pour dépasser la production de pétrole de 2001, limitée à 4,8 millions / jour. Pire ! L’influence grandissante de l’Iran en Irak a permis à PetroChina de s’y implanter. L’afflux de gaz de schiste, a permis de nourrir la croissance des années 2010 mais il ne suffit plus. C’est une nouvelle impasse : les Américains ne pourront pas longtemps puiser dans leurs réserves stratégiques…
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