Sciences
Une courte histoire du temps et de sa mesure
Même si nous ne pouvons dater l’événement, il est facile de s’imaginer que c’est en regardant la course de l’ombre d’un arbre que l’humanité s’est approprié la notion de temporalité journalière. Puis, en observant la Lune et l’étrange ballet de ses phases, passant au stade de pleine Lune approximativement tous les 29 jours, l’être humain s’est imaginé une temporalité mensuelle. La civilisation avançant, l’observation des astres lointains, de la carte du ciel et, plus précisément, du solstice (de sol stare, « le Soleil s’arrête ») d’hiver qui définissait le début de l’année. C’est à partir de celui-ci que le Soleil reprend sa course vers le Sud et que les jours s’allongent à nouveau. Il suffit d’observer le coucher de soleil dans l’arche du grand trilithon à Stonehenge pour s’imaginer la peur de tout un peuple de ne pas voir le jour croître à nouveau le lendemain. Jésus, forme de renaissance, vint d'ailleurs au monde le jour du solstice d’hiver.
Par la suite, nous avons commencé à fractionner le temps par besoin, devenant petit à petit l’esclave de nos propres garde-temps, fuyant vers une course à la précision. Les astronomes mirent alors au point la clepsydre, réservoir percé laissant s’échapper de fines gouttes d’eau (le terme vient des racines grecques clepto – voleuse – et hydra – eau), qui remplissaient des seaux que chaque gardien échangeait pour des pièces d’or (Bonnin, 2015). Puis les moines cisterciens mirent au point au Xe siècle des mécanismes complexes faisant appel à des techniques ingénieuses, qui permettaient de transformer l’énergie de poids suspendus en mouvements réguliers sonnant l’heure des prières cinq fois par jour. Seul le son de la cloche appelant à la prière était important : pas d’indication d’heures, et encore moins de minutes ou de secondes.
Il fallut attendre Galilée et Huygens, au XVIIe siècle, pour voir apparaître les premières horloges isochrones, permettant d’atteindre des précisions de l’ordre du quart d’heure par jour. Mais c’est véritablement au XVIIIe siècle que la course à la précision, imposée par la nécessité de maîtriser la navigation sur les océans, et donc le calcul des longitudes, pousse à mettre au point des instruments atteignant la précision de 1/3 de seconde par jour ! Depuis, cette course folle ne s’est jamais arrêtée, passant du balancier au ressort, au quartz puis à l’atome. Les horloges atomiques actuelles qui sont embarquées dans les satellites pour le système Galileo atteignent une précision d’une seconde par… 160 millions d’années. Autrement dit, sur 160 millions d’années, l’horloge ne déviera pas plus d’une seconde ! Quant à la prochaine génération, elle vise la précision d’une demi-seconde par âge de l’Univers, permettant ainsi des résolutions spatiales de l’ordre du centimètre, précision nécessaire pour le développement des véhicules autonomes.
En 1905, le monde battait des records de précision, notamment à la suite du développement fulgurant du chemin de fer qui nécessitait le respect absolu d’horaires fixes afin d’éviter accidents et retards. La même année, Albert Einstein allait révolutionner le concept de temps. Afin de satisfaire aux observations de la vitesse de la lumière émise par les étoiles, il propose que le temps ne soit plus absolu, mais relatif. En deux mots, suivant le chemin emprunté pour aller d’un point A à un point B, le nombre de tic-tac de l’horloge que vous portez sur vous ne sera pas le même que le nombre de tic-tac d’une personne ayant pris un chemin différent du vôtre pour rejoindre le même point B. Ce nombre dépend à la fois de la vitesse de déplacement et de la proximité avec une source de masse. Le temps passe plus lentement sur la Terre que dans le vide intersidéral, plus lentement si vous êtes en mouvement qu’au repos (Galison, 2006). Pour beaucoup de chercheurs, tout cela n’était qu’illusions mathématiques permettant de résoudre des problèmes de manière plus efficace, jusqu’à ce qu’Hafele et Keating, en 1971, décident d’embarquer des horloges atomiques dans des vols commerciaux. L’un part vers l’ouest, l’autre se dirige vers l’est ; ils se rendent alors compte que, effectivement, les quelques nanosecondes de différence entre les deux horloges correspondent exactement aux prédictions d’Einstein. La théorie de la relativité prédit même l’existence de singularités, dans lesquelles le temps s’arrête littéralement et l’Univers se fige : les trous noirs.
Ainsi, au cours des siècles, l’homme s’est évertué à maîtriser cet objet à la fois si proche mais si étranger qu’est le temps. Il l’a d’abord appréhendé au travers de l’observation de son environnement, puis l’a quantifié, disséqué, compartimenté, jusqu’à atteindre des précisions inimaginables, pour finalement comprendre que le temps n’avait rien d’absolu et que, quoi qu’il fasse, il lui échappera toujours.
Par la suite, nous avons commencé à fractionner le temps par besoin, devenant petit à petit l’esclave de nos propres garde-temps, fuyant vers une course à la précision. Les astronomes mirent alors au point la clepsydre, réservoir percé laissant s’échapper de fines gouttes d’eau (le terme vient des racines grecques clepto – voleuse – et hydra – eau), qui remplissaient des seaux que chaque gardien échangeait pour des pièces d’or (Bonnin, 2015). Puis les moines cisterciens mirent au point au Xe siècle des mécanismes complexes faisant appel à des techniques ingénieuses, qui permettaient de transformer l’énergie de poids suspendus en mouvements réguliers sonnant l’heure des prières cinq fois par jour. Seul le son de la cloche appelant à la prière était important : pas d’indication d’heures, et encore moins de minutes ou de secondes.
Il fallut attendre Galilée et Huygens, au XVIIe siècle, pour voir apparaître les premières horloges isochrones, permettant d’atteindre des précisions de l’ordre du quart d’heure par jour. Mais c’est véritablement au XVIIIe siècle que la course à la précision, imposée par la nécessité de maîtriser la navigation sur les océans, et donc le calcul des longitudes, pousse à mettre au point des instruments atteignant la précision de 1/3 de seconde par jour ! Depuis, cette course folle ne s’est jamais arrêtée, passant du balancier au ressort, au quartz puis à l’atome. Les horloges atomiques actuelles qui sont embarquées dans les satellites pour le système Galileo atteignent une précision d’une seconde par… 160 millions d’années. Autrement dit, sur 160 millions d’années, l’horloge ne déviera pas plus d’une seconde ! Quant à la prochaine génération, elle vise la précision d’une demi-seconde par âge de l’Univers, permettant ainsi des résolutions spatiales de l’ordre du centimètre, précision nécessaire pour le développement des véhicules autonomes.
En 1905, le monde battait des records de précision, notamment à la suite du développement fulgurant du chemin de fer qui nécessitait le respect absolu d’horaires fixes afin d’éviter accidents et retards. La même année, Albert Einstein allait révolutionner le concept de temps. Afin de satisfaire aux observations de la vitesse de la lumière émise par les étoiles, il propose que le temps ne soit plus absolu, mais relatif. En deux mots, suivant le chemin emprunté pour aller d’un point A à un point B, le nombre de tic-tac de l’horloge que vous portez sur vous ne sera pas le même que le nombre de tic-tac d’une personne ayant pris un chemin différent du vôtre pour rejoindre le même point B. Ce nombre dépend à la fois de la vitesse de déplacement et de la proximité avec une source de masse. Le temps passe plus lentement sur la Terre que dans le vide intersidéral, plus lentement si vous êtes en mouvement qu’au repos (Galison, 2006). Pour beaucoup de chercheurs, tout cela n’était qu’illusions mathématiques permettant de résoudre des problèmes de manière plus efficace, jusqu’à ce qu’Hafele et Keating, en 1971, décident d’embarquer des horloges atomiques dans des vols commerciaux. L’un part vers l’ouest, l’autre se dirige vers l’est ; ils se rendent alors compte que, effectivement, les quelques nanosecondes de différence entre les deux horloges correspondent exactement aux prédictions d’Einstein. La théorie de la relativité prédit même l’existence de singularités, dans lesquelles le temps s’arrête littéralement et l’Univers se fige : les trous noirs.
Ainsi, au cours des siècles, l’homme s’est évertué à maîtriser cet objet à la fois si proche mais si étranger qu’est le temps. Il l’a d’abord appréhendé au travers de l’observation de son environnement, puis l’a quantifié, disséqué, compartimenté, jusqu’à atteindre des précisions inimaginables, pour finalement comprendre que le temps n’avait rien d’absolu et que, quoi qu’il fasse, il lui échappera toujours.