Politique
Réforme des retraites: tout ça pour ça ?
Tandis que le pays renoue avec les manifestations reconductibles, l’Assemblée nationale offre le pitoyable spectacle de provocations infantiles et de crises de nerf surjouées. Depuis l’ouverture de la discussion sur la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le 6 février, un déluge d’amendements et des gesticulations dérisoires brouillent totalement un sujet déjà opaque. Ce mauvais théâtre est organisé par la Nupes dont les députés rivalisent de vulgarité. Mais ce fiasco parlementaire n’exonère pas le gouvernement de s’être lancé au plus mauvais moment dans un projet de réforme médiocrement paramétrique (quand une réforme systémique s’imposait) dont deux citations suffisent à montre la fragilité.
L’une, qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux, remonte au printemps 2019. Dans une interview, le chef de l'État expliquait qu’il serait « hypocrite » de relever l'âge de départ à la retraite alors que « vous ne savez déjà plus comment faire après 55 ans ». « Bon courage déjà pour arriver à 62 ans », lançait-il en répondant à une journaliste de TF1 qui l'interrogeait sur sa volonté d'augmenter le temps de travail et sur la manière dont cela pourrait se traduire pour les Français. « Je me suis engagé à ne pas le faire. C'est mieux, sur un sujet aussi important, de faire ce qu'on a dit. » Emmanuel Macron refusait alors de prolonger au-delà de 62 ans l'âge légal de départ, « pour faire une réforme beaucoup plus large, beaucoup plus profonde ».
L’autre séquence, plus ancienne (2010) sur BFMTV montre Olivier Dussopt, à l’époque député PS, aujourd’hui ministre du Travail en première ligne pour défendre la réforme des retraites, fustigeant le projet porté par le gouvernement de François Fillon. Celui-ci envisageait « de reculer l’âge légal de départ à la retraite de manière progressive de 60 à 63 ans d’ici 2030 ». « Cette volonté de reculer l'âge de la retraite est doublement injuste », avait lancé le député Dussopt devant l'Assemblée nationale. Le ministre du Travail a beau plaider à présent qu’« il faut assumer de mûrir », l’opinion publique est en droit de s’interroger sur la profondeur des convictions de ceux qui gouvernent.
Cependant, l’actuel projet gouvernemental serait-il porteur d’une réforme « beaucoup plus profonde, plus ambitieuse », qui justifierait ce recul de l’âge légal ? Aurait-on retrouvé le plein emploi, réglé le problème du chômage des seniors, de la prise en compte de la maternité, aurait-on renoué avec une politique familiale à la hauteur du défi démographique ? La vraie raison de faire passer cette réforme « quoi qu’il en coûte » est-elle vraiment de sauver le système des retraites par répartition ou de ne pas alourdir davantage la dette de l’État en économisant environ 25 milliards tout en envoyant un signe positif aux financiers internationaux et à Bruxelles ? Eh bien, même dans ce cas, c’est loin d’être gagné.
Dans son éditorial sur Europe 1, le 7 février (vidéo en lien ci-dessous), Alexis Brezet, directeur des rédactions du Figaro, énumérait le coût des lests successifs auxquels le premier ministre Elisabeth Borne avait consenti avant même l’ouverture de la discussion sur la réforme des retraites :
– Dans le programme présidentiel de 2022, il s’agissait de passer à la retraite à 65 ans à partir de 2030 pour économiser 25 milliards par an. Mais dès le 10 janvier, en lançant le processus de la réforme, Élisabeth Borne abaissait la barre à 64 ans. Coût : 8 milliards.
– Dans la foulée, elle annonçait que 5 milliards seraient affectés à des dépenses sociales. Reste donc : 12 milliards sur les 25 milliards primitivement annoncés.
– Le 23 janvier, au lendemain de la première manifestation et à l’issue d’un Conseil des ministres, le gouvernement annonçait l’extension de la revalorisation à 1200€ des petites retraites aux anciens retraités (en réalité, il y aura des laissés-pour-compte, mais passons). Coût de l’opération : près de 2 milliards. Solde : 10 milliards.
– Enfin, le 5 février, dans un entretien au Journal du Dimanche, Élisabeth Borne élargit le dispositif de carrières longues (permettant de partir à 63 ans) à ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans. Coût : près d’un milliard.
Conclusion d’Alexis Brézet : cette réforme qui aurait pu rapporter 25 milliards d’euros par an (ce qui, de notre point de vue, ne suffisait pas à la justifier) n’en rapporterait que moins d’une dizaine… Cela justifie-t-il de créer un tel charivari ? Si les plaies d’argent ne sont pas mortelles, on ne peut que redouter les dégâts d’une politique purement comptable (dont on vient de voir les approximations) qui se focalise sur l’âge obligatoire sans se préoccuper d’une véritable justice sociale (le maintien de certains régimes spéciaux en atteste), du déclin démographique et de la renaissance d’une authentique politique familiale.
L’une, qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux, remonte au printemps 2019. Dans une interview, le chef de l'État expliquait qu’il serait « hypocrite » de relever l'âge de départ à la retraite alors que « vous ne savez déjà plus comment faire après 55 ans ». « Bon courage déjà pour arriver à 62 ans », lançait-il en répondant à une journaliste de TF1 qui l'interrogeait sur sa volonté d'augmenter le temps de travail et sur la manière dont cela pourrait se traduire pour les Français. « Je me suis engagé à ne pas le faire. C'est mieux, sur un sujet aussi important, de faire ce qu'on a dit. » Emmanuel Macron refusait alors de prolonger au-delà de 62 ans l'âge légal de départ, « pour faire une réforme beaucoup plus large, beaucoup plus profonde ».
L’autre séquence, plus ancienne (2010) sur BFMTV montre Olivier Dussopt, à l’époque député PS, aujourd’hui ministre du Travail en première ligne pour défendre la réforme des retraites, fustigeant le projet porté par le gouvernement de François Fillon. Celui-ci envisageait « de reculer l’âge légal de départ à la retraite de manière progressive de 60 à 63 ans d’ici 2030 ». « Cette volonté de reculer l'âge de la retraite est doublement injuste », avait lancé le député Dussopt devant l'Assemblée nationale. Le ministre du Travail a beau plaider à présent qu’« il faut assumer de mûrir », l’opinion publique est en droit de s’interroger sur la profondeur des convictions de ceux qui gouvernent.
Cependant, l’actuel projet gouvernemental serait-il porteur d’une réforme « beaucoup plus profonde, plus ambitieuse », qui justifierait ce recul de l’âge légal ? Aurait-on retrouvé le plein emploi, réglé le problème du chômage des seniors, de la prise en compte de la maternité, aurait-on renoué avec une politique familiale à la hauteur du défi démographique ? La vraie raison de faire passer cette réforme « quoi qu’il en coûte » est-elle vraiment de sauver le système des retraites par répartition ou de ne pas alourdir davantage la dette de l’État en économisant environ 25 milliards tout en envoyant un signe positif aux financiers internationaux et à Bruxelles ? Eh bien, même dans ce cas, c’est loin d’être gagné.
Dans son éditorial sur Europe 1, le 7 février (vidéo en lien ci-dessous), Alexis Brezet, directeur des rédactions du Figaro, énumérait le coût des lests successifs auxquels le premier ministre Elisabeth Borne avait consenti avant même l’ouverture de la discussion sur la réforme des retraites :
– Dans le programme présidentiel de 2022, il s’agissait de passer à la retraite à 65 ans à partir de 2030 pour économiser 25 milliards par an. Mais dès le 10 janvier, en lançant le processus de la réforme, Élisabeth Borne abaissait la barre à 64 ans. Coût : 8 milliards.
– Dans la foulée, elle annonçait que 5 milliards seraient affectés à des dépenses sociales. Reste donc : 12 milliards sur les 25 milliards primitivement annoncés.
– Le 23 janvier, au lendemain de la première manifestation et à l’issue d’un Conseil des ministres, le gouvernement annonçait l’extension de la revalorisation à 1200€ des petites retraites aux anciens retraités (en réalité, il y aura des laissés-pour-compte, mais passons). Coût de l’opération : près de 2 milliards. Solde : 10 milliards.
– Enfin, le 5 février, dans un entretien au Journal du Dimanche, Élisabeth Borne élargit le dispositif de carrières longues (permettant de partir à 63 ans) à ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans. Coût : près d’un milliard.
Conclusion d’Alexis Brézet : cette réforme qui aurait pu rapporter 25 milliards d’euros par an (ce qui, de notre point de vue, ne suffisait pas à la justifier) n’en rapporterait que moins d’une dizaine… Cela justifie-t-il de créer un tel charivari ? Si les plaies d’argent ne sont pas mortelles, on ne peut que redouter les dégâts d’une politique purement comptable (dont on vient de voir les approximations) qui se focalise sur l’âge obligatoire sans se préoccuper d’une véritable justice sociale (le maintien de certains régimes spéciaux en atteste), du déclin démographique et de la renaissance d’une authentique politique familiale.
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