Lutte anti-Covid : la fin du « modèle chinois »
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Lutte anti-Covid : la fin du « modèle chinois »

Par Philippe Oswald. Synthèse n°1786, Publiée le 03/01/2023 - Photo : Bandar Al-Jaloud / AFP
En annonçant au début du mois de décembre un allègement général des mesures drastiques contre l'épidémie et notamment la fin du "zéro-Covid" (cf. LSDJ n°1758), Pékin a reconnu implicitement son échec. Ces mesures étaient appliquées depuis trois ans avec des confinements d'une rigueur toute communiste et chinoise. "L'ajustement de la stratégie est une décision abrupte prise sous une pression énorme face à la révolte contre le "zéro Covid", qui est sans précédent. L'objectif est d'éviter que l'autorité de Xi et le régime ne soient défiés encore davantage", estime Wu Qiang, analyste indépendant, à Pékin (Le Figaro,11 décembre).

Il y a un an et demi, c'est en vantant les bienfaits de sa politique sanitaire que le président Xi Jinping avait célébré le centenaire du PCC et son propre triomphe. Xi Jinping avait encore défendu le "zéro-Covid" en octobre 2022, au XXe Congrès du parti communiste chinois (PCC) qui lui avait permis d'accéder à un troisième mandat. Mais l'entêtement du virus à se jouer de la vaccination et le raz-le-bol du confinement manifesté par la population ont contraint les autorités à faire volte-face. Le 7 décembre dernier, moins de deux mois après le XXe Congrès du PCC, Pékin a confirmé l'assouplissement des mesures déjà constaté dans plusieurs villes du pays sans plus faire allusion au "zéro Covid". Depuis, les personnes testées positives au Covid-19 mais asymptomatiques peuvent s'isoler à domicile plutôt que dans des centres de quarantaine. Par ailleurs, il n'est plus nécessaire de présenter des tests négatifs pour accéder à la plupart des lieux publics, ou pour se déplacer dans le pays. Quant à la quarantaine exigée à l'arrivée en Chine, son abolition est annoncée pour le 8 janvier.

Les manifestations contre les confinements ont commencé à Urumqui, capitale de la région autonome du Xinjiang, où 10 personnes ont péri dans l'immeuble en flammes où elles étaient enfermées. Les troubles ont gagné ensuite de grandes villes chinoises, Pékin, Nanjing, Shanghai, Chengdu, Wuhan, Guangzhou... Dans des propos rapportés par Asianews, l'opposant chinois Wei Jingsheng, exilé aux États-Unis, constate plusieurs différences entre ces manifestations et les événements de la place Tiananmen à Pékin en juin 1989, qui s'étaient soldés par le massacre de milliers d'étudiants. "Le mouvement de 1989 était soutenu par certains responsables au sein du PCC", remarque Wei Jingsheng, alors qu'aujourd'hui, "la nature spontanée des manifestations est évidente". En 1989, les manifestants dont la cible était la corruption des dirigeants, n'étaient pas soutenus par les paysans et par l'armée, alors que le mouvement de 2022 "a le soutien et la sympathie de la plupart des Chinois", tous affectés par les politiques de prévention contre la pandémie. Tandis que "le mouvement de 1989 plaçait ses espoirs dans le Parti", les manifestants de 2022 n'hésitaient plus à appeler à la démission de Xi Jinping et à la mise en veilleuse du Parti. Aujourd'hui, ajoute Wei Jingsheng, "le PCC n'ose plus utiliser l'armée, de peur qu'elle n'obéisse pas à ses ordres." En revanche, grâce à la technologie actuelle, le régime dispose d'une "surveillance de pointe", permettant "une répression ciblée avec précision".

Les confinements ont freiné le développement de l'immunité collective alors que la pandémie est toujours très présente. Des centaines de millions de Chinois seraient malades et le système de santé est débordé. "L'OMS est très préoccupée par l'évolution de la situation en Chine" a déclaré le Directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le 21 décembre. L'épidémie pourrait entraîner non pas les 4000  morts officiellement recensés pendant la période " zéro Covid " dans l'incrédulité générale, mais jusqu'à deux millions de décès. Marie Holzman, sinologue, compare l'échec de la politique "zéro Covid" à ce que fut la catastrophe de Tchernobyl pour l'URSS dans un entretien au Figaro (29 décembre, en lien ci-dessous) : une sorte de coup de grâce pour un "régime finissant". C'est peut-être enterrer un peu vite le régime de Xi Jinping. Mais il est vrai que celui-ci a brandi la gestion chinoise du Covid comme preuve de la supériorité du PCC et de son Grand Timonier sur les démocraties occidentales. Dans un réflexe commun à tous les dictateurs en difficulté, Xi Jinping s'entoure de béni-oui-oui et tient à distance les critiques, dont le premier ministre, Li Keqiang. Résultat : au terme de trois ans de confinement strict, les crématoriums sont saturés, la population effrayée et excédée, tandis que le Covid flambe de plus belle. Quant aux répercussions économiques sur la Chine et sur le monde, elles sont suspendues à la virulence du variant Omicron qui fait actuellement caler la croissance du pays. "Nous sommes toujours dans un moment difficile", a reconnu Xi Jinping, lors de son discours du nouvel an.
La sélection
Lutte anti-Covid : la fin du « modèle chinois »
Marie Holzman : « Le Covid sera le Tchernobyl de la Chine »
Le Figaro
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