Économie
Les indices des prix sont-ils fiables ?
Le public est souvent dérouté par la différence entre l’indice des prix et sa propre perception. Cet étonnement est renforcé par les listes qu’on voit régulièrement sur les réseaux sociaux, montrant une très forte augmentation sur 10 ou 20 ans de certains produits de base, soit bien plus que l’indice des prix. Ce peut parfois être l’effet d’une perception subjective : des hausses qui nous frappent, mais qui ne sont qu’une partie de la réalité. Mais en réalité c’est l’idée même d’un indice des prix qui est bien plus compliquée qu’on ne l’imagine, ce qui peut en faire un outil trompeur même quand il est fait honnêtement et « scientifiquement ».
Pour faire un indice, on prend un panier de produits à une date donnée qu’on pense être un panier type représentatif pour la population moyenne. Pour chacun des produits retenus on prend le prix à cette date-là, et on pondère chacun de ces prix par la part qu’il représente en dépenses dans le panier. On calcule enfin un coefficient permettant de ramener par convention le point de départ à 100. Jusque-là pas de difficulté majeure : on reste dans l’arithmétique. Pourvu bien sûr que le panier soit représentatif et les prix bien relevés. Pour calculer l’indice à une autre date, on part du même panier avec les mêmes pondérations, mais en remplaçant le prix de départ par le nouveau prix.
C’est là que les difficultés apparaissent. D’abord parce que le panier réel peut évoluer et le panier de départ peut trop s’éloigner de la consommation actuelle. Par exemple dans la consommation d’il y a 40 ans la nourriture pesait bien plus qu’aujourd’hui ; on va donc surpondérer le poids de l’augmentation des prix de l’alimentation par rapport au rôle qu’il joue aujourd’hui. Or dans la comparaison on est obligé d’avoir le même panier pour le départ et l’arrivée, sinon on mélangerait la variation des prix avec le changement dans le panier. Bien sûr pour la suite on modifie régulièrement le panier en ajustant une série sur l’autre (en principe annuellement), mais sur la durée on comparera des choses quelque peu différentes, et on subira la distorsion pendant la période allant jusqu’à la date de l’ajustement.
Pire, on peut avoir des produits qui disparaissent ou apparaissent, ou qui changent de nature. Prenons les smartphones : la plupart des gens en ont et il a fallu les inclure dans le panier à l’occasion d’un changement, mais on ne compare plus exactement les mêmes choses, car le service apporté par le smartphone n’est pas le même que celui d’un téléphone classique. De même pour les services internet. Ou même les voitures, car technologiquement ce ne sont plus les mêmes. L’INSEE fait des « ajustements de qualité » mais ce ne peut être une réponse parfaite.
Par ailleurs, on a un problème difficile à traiter dans le cas de produits qui connaissent des fluctuations fortes, telles qu’elles peuvent dominer l’indice et empêcher de voir l’évolution des autres prix. En outre leur importance varie selon les personnes. Ainsi l’immobilier : celui qui achète sera sensible au prix et au taux d’intérêt. Mais celui qui loue regardera les indices servant à l’ajustement du loyer. Et celui qui habite chez lui regardera la taxe foncière et les travaux. Voilà trois références assez différentes : laquelle faut-il retenir ? En général les indices prennent les loyers. Mais outre que cela aboutit à une pondération plutôt basse, inévitablement ceux qui sont dans une autre situation ne se retrouveront pas dans l’indice.
On comprend alors que même un indice calculé aussi bien que c’est possible on va être à l’origine de surprises. Théoriquement il faudrait plusieurs indices, selon les cas envisagés ; et d’ailleurs l’INSEE propose de calculer son propre indice en modifiant les pondérations. Mais même alors on resterait dans l’approximatif, et on ne peut pas multiplier les références si elles sont utilisées pour des ajustements (par exemple de prestations sociales ou de salaires).
En définitive le danger avec des indices est dans leur utilisation. Quand un politicien vous explique avec aplomb que votre pouvoir d’achat a augmenté alors que votre perception est inverse, il utilise un indice de prix qui peut être décalé par rapport à votre réalité, soit parce que votre panier à vous est assez différent, soit parce que c’est l’idée d’un panier qui n’est pas la même. La plupart des gens par exemple, quand ils réfléchissent sur le niveau des prix, regardent des produits d’usage courant, et ne les considèrent pas en mélange avec de l’immobilier ou des produits plus rarement achetés.
L’usage des indices de prix est un bel exemple d’un cas où même si on est scientifiquement correct, on peut ne pas se comprendre parce qu’on ne se réfère pas aux mêmes réalités et où les mesures officielles ne mesurent qu’une réalité particulière. Dans un tel cas, utiliser un tel calcul (en général quand il vous arrange) peut assez vite devenir de la part d’un politique un comportement abusif.
Pour faire un indice, on prend un panier de produits à une date donnée qu’on pense être un panier type représentatif pour la population moyenne. Pour chacun des produits retenus on prend le prix à cette date-là, et on pondère chacun de ces prix par la part qu’il représente en dépenses dans le panier. On calcule enfin un coefficient permettant de ramener par convention le point de départ à 100. Jusque-là pas de difficulté majeure : on reste dans l’arithmétique. Pourvu bien sûr que le panier soit représentatif et les prix bien relevés. Pour calculer l’indice à une autre date, on part du même panier avec les mêmes pondérations, mais en remplaçant le prix de départ par le nouveau prix.
C’est là que les difficultés apparaissent. D’abord parce que le panier réel peut évoluer et le panier de départ peut trop s’éloigner de la consommation actuelle. Par exemple dans la consommation d’il y a 40 ans la nourriture pesait bien plus qu’aujourd’hui ; on va donc surpondérer le poids de l’augmentation des prix de l’alimentation par rapport au rôle qu’il joue aujourd’hui. Or dans la comparaison on est obligé d’avoir le même panier pour le départ et l’arrivée, sinon on mélangerait la variation des prix avec le changement dans le panier. Bien sûr pour la suite on modifie régulièrement le panier en ajustant une série sur l’autre (en principe annuellement), mais sur la durée on comparera des choses quelque peu différentes, et on subira la distorsion pendant la période allant jusqu’à la date de l’ajustement.
Pire, on peut avoir des produits qui disparaissent ou apparaissent, ou qui changent de nature. Prenons les smartphones : la plupart des gens en ont et il a fallu les inclure dans le panier à l’occasion d’un changement, mais on ne compare plus exactement les mêmes choses, car le service apporté par le smartphone n’est pas le même que celui d’un téléphone classique. De même pour les services internet. Ou même les voitures, car technologiquement ce ne sont plus les mêmes. L’INSEE fait des « ajustements de qualité » mais ce ne peut être une réponse parfaite.
Par ailleurs, on a un problème difficile à traiter dans le cas de produits qui connaissent des fluctuations fortes, telles qu’elles peuvent dominer l’indice et empêcher de voir l’évolution des autres prix. En outre leur importance varie selon les personnes. Ainsi l’immobilier : celui qui achète sera sensible au prix et au taux d’intérêt. Mais celui qui loue regardera les indices servant à l’ajustement du loyer. Et celui qui habite chez lui regardera la taxe foncière et les travaux. Voilà trois références assez différentes : laquelle faut-il retenir ? En général les indices prennent les loyers. Mais outre que cela aboutit à une pondération plutôt basse, inévitablement ceux qui sont dans une autre situation ne se retrouveront pas dans l’indice.
On comprend alors que même un indice calculé aussi bien que c’est possible on va être à l’origine de surprises. Théoriquement il faudrait plusieurs indices, selon les cas envisagés ; et d’ailleurs l’INSEE propose de calculer son propre indice en modifiant les pondérations. Mais même alors on resterait dans l’approximatif, et on ne peut pas multiplier les références si elles sont utilisées pour des ajustements (par exemple de prestations sociales ou de salaires).
En définitive le danger avec des indices est dans leur utilisation. Quand un politicien vous explique avec aplomb que votre pouvoir d’achat a augmenté alors que votre perception est inverse, il utilise un indice de prix qui peut être décalé par rapport à votre réalité, soit parce que votre panier à vous est assez différent, soit parce que c’est l’idée d’un panier qui n’est pas la même. La plupart des gens par exemple, quand ils réfléchissent sur le niveau des prix, regardent des produits d’usage courant, et ne les considèrent pas en mélange avec de l’immobilier ou des produits plus rarement achetés.
L’usage des indices de prix est un bel exemple d’un cas où même si on est scientifiquement correct, on peut ne pas se comprendre parce qu’on ne se réfère pas aux mêmes réalités et où les mesures officielles ne mesurent qu’une réalité particulière. Dans un tel cas, utiliser un tel calcul (en général quand il vous arrange) peut assez vite devenir de la part d’un politique un comportement abusif.