International
Les Etats-Unis devraient se retenir d’intervenir en Syrie
Alors que l’urgence sanitaire est dans toutes les têtes depuis près d’un an dans la plupart des pays du monde, un autre triste anniversaire passe presqu’inaperçu. La guerre civile syrienne dure depuis dix ans. Le conflit entre le régime de Bashar Al-Assad et la rébellion syrienne a tué près d’un demi-million de personnes et dévasté de grandes villes comme Homs ou Alep. Si le régime en place a clairement pris le dessus, il gouverne un champ de ruines, et des poches résistent toujours à son contrôle.
L’arrivée au pouvoir des Démocrates à Washington fait présager un retour de la politique interventionniste américaine. C’est en tout cas ce qu’espèrent les faucons au sein des grands médias de gauche. « La révolution syrienne n’est pas terminée » a écrit la semaine dernière Josh Rogin, spécialiste de l’international pour le Washington Post. Pour lui, une priorité de l’administration Biden devrait être de maintenir la pression jusqu’au renversement du dictateur honni. Il justifie son ton très offensif dès le début de son article : « Le régime du Président Bashar Al-Assad a commis systématiquement les pires atrocités depuis les Nazis ». On peut convenir que le dirigeant syrien est un dictateur sanguinaire et un criminel de guerre mais la référence historique laisse songeur… Matt Purple, pour « The American Conservative » (voir article en lien ci-dessous), se demande si son confrère du vénérable Washington Post n’a pas oublié les crimes commis par les Soviétiques, les Maoïstes, les Khmers rouges, les Coréens du Nord ou encore les Hutus rwandais.
Rogin met en avant que le régime et ses alliés russes et iraniens contrôlent près des deux tiers du pays, une alliance qu’il juge déliquescente. Il omet de regarder ce qui se passe dans le tiers restant. Le nord-est syrien est sous la coupe des séparatistes Kurdes. La partie restante, qui n’inclut qu’un seul centre urbain d’importance : Idlib, est occupée par les rebelles, elle. Ceux-ci sont loin d’être des démocrates mais appartiennent au mouvement islamiste Hayat Tahrir Al-Sham, une émanation de la mouvance Al-Qaeda qui comprend des ressortissants étrangers dans ses rangs. Il ne s’agit en aucune manière d’amis de l’Occident.
La question à poser à tous les va-t-en-guerre reste la même qu’au début du conflit : à qui bénéficie l’aide américaine ? La réponse est invariable : aux islamistes les plus extrémistes. Cela fait huit ans que la rébellion syrienne est sous leur coupe et croire qu’aujourd’hui on pourrait favoriser l’émergence d’une opposition démocratique relève du fantasme. Pourtant, Rogin insiste : « imaginez que les États-Unis prennent la tête d’une initiative internationale dont les objectifs seraient de fournir aux Syriens échappant à l’emprise de Damas, du ravitaillement, de l’aide médicale anti-Covid et de l’argent tout en imposant des sanctions bien ciblées sur le régime en vue de l’empêcher de profiter de ses crimes et de relancer sa machine de guerre… » Selon lui, cette stratégie permettrait d’offrir aux rebelles l’effet de levier pour négocier une paix juste et durable tout en renforçant la position américaine face aux Russes et aux Iraniens.
Mais il y a un hic. Le régime d’Assad a montré qu’il n’avait aucune intention de négocier une quelconque « paix juste ». Son objectif est de reprendre le contrôle d’une zone aussi large que possible par n’importe quel moyen car c’est sa seule option. La minorité alaouite à laquelle appartient le clan Assad sait très bien ce qui l’attend – l’extermination – si elle relâchait tant soit peu les rênes du pouvoir. Ensuite, peut-on imaginer une distribution efficace de vaccins anti-Covid quand les pays occidentaux ont toutes les peines du monde à vacciner leurs propres populations ?
Quant aux sanctions, elles n’ont rien de convaincant. Trop ciblées, elles sont inefficaces car indolores. Des sanctions massives peuvent aboutir à ce que vit l’Iran : une des mortalités les plus lourdes dues au coronavirus et une économie emmurée. Cela fait des années que les États-Unis imposent des sanctions à la Syrie. Et comme sa reconstruction reposera sur les épaules russes ou chinoises, et non américaines, leur impact reste relatif.
Rogin, enfin, argue qu’il faut bien distinguer la Syrie de l’Irak. Il y a, selon lui, une marge entre ne rien faire et lancer une invasion militaire massive. Mais le très long embargo contre Cuba n’a pas délogé les Castro et les livraisons d’armes aux rebelles ne leur ont pas permis d’entrer à Damas.
À présent, le problème le plus pressant des Syriens n’est pas le manque d’engagement occidental pour les rebelles. C’est la crise économique, attisée à la fois par la guerre, par les sanctions et par la faillite bancaire du Liban voisin (où de nombreux Syriens ont placé leurs économies).
L’arrivée au pouvoir des Démocrates à Washington fait présager un retour de la politique interventionniste américaine. C’est en tout cas ce qu’espèrent les faucons au sein des grands médias de gauche. « La révolution syrienne n’est pas terminée » a écrit la semaine dernière Josh Rogin, spécialiste de l’international pour le Washington Post. Pour lui, une priorité de l’administration Biden devrait être de maintenir la pression jusqu’au renversement du dictateur honni. Il justifie son ton très offensif dès le début de son article : « Le régime du Président Bashar Al-Assad a commis systématiquement les pires atrocités depuis les Nazis ». On peut convenir que le dirigeant syrien est un dictateur sanguinaire et un criminel de guerre mais la référence historique laisse songeur… Matt Purple, pour « The American Conservative » (voir article en lien ci-dessous), se demande si son confrère du vénérable Washington Post n’a pas oublié les crimes commis par les Soviétiques, les Maoïstes, les Khmers rouges, les Coréens du Nord ou encore les Hutus rwandais.
Rogin met en avant que le régime et ses alliés russes et iraniens contrôlent près des deux tiers du pays, une alliance qu’il juge déliquescente. Il omet de regarder ce qui se passe dans le tiers restant. Le nord-est syrien est sous la coupe des séparatistes Kurdes. La partie restante, qui n’inclut qu’un seul centre urbain d’importance : Idlib, est occupée par les rebelles, elle. Ceux-ci sont loin d’être des démocrates mais appartiennent au mouvement islamiste Hayat Tahrir Al-Sham, une émanation de la mouvance Al-Qaeda qui comprend des ressortissants étrangers dans ses rangs. Il ne s’agit en aucune manière d’amis de l’Occident.
La question à poser à tous les va-t-en-guerre reste la même qu’au début du conflit : à qui bénéficie l’aide américaine ? La réponse est invariable : aux islamistes les plus extrémistes. Cela fait huit ans que la rébellion syrienne est sous leur coupe et croire qu’aujourd’hui on pourrait favoriser l’émergence d’une opposition démocratique relève du fantasme. Pourtant, Rogin insiste : « imaginez que les États-Unis prennent la tête d’une initiative internationale dont les objectifs seraient de fournir aux Syriens échappant à l’emprise de Damas, du ravitaillement, de l’aide médicale anti-Covid et de l’argent tout en imposant des sanctions bien ciblées sur le régime en vue de l’empêcher de profiter de ses crimes et de relancer sa machine de guerre… » Selon lui, cette stratégie permettrait d’offrir aux rebelles l’effet de levier pour négocier une paix juste et durable tout en renforçant la position américaine face aux Russes et aux Iraniens.
Mais il y a un hic. Le régime d’Assad a montré qu’il n’avait aucune intention de négocier une quelconque « paix juste ». Son objectif est de reprendre le contrôle d’une zone aussi large que possible par n’importe quel moyen car c’est sa seule option. La minorité alaouite à laquelle appartient le clan Assad sait très bien ce qui l’attend – l’extermination – si elle relâchait tant soit peu les rênes du pouvoir. Ensuite, peut-on imaginer une distribution efficace de vaccins anti-Covid quand les pays occidentaux ont toutes les peines du monde à vacciner leurs propres populations ?
Quant aux sanctions, elles n’ont rien de convaincant. Trop ciblées, elles sont inefficaces car indolores. Des sanctions massives peuvent aboutir à ce que vit l’Iran : une des mortalités les plus lourdes dues au coronavirus et une économie emmurée. Cela fait des années que les États-Unis imposent des sanctions à la Syrie. Et comme sa reconstruction reposera sur les épaules russes ou chinoises, et non américaines, leur impact reste relatif.
Rogin, enfin, argue qu’il faut bien distinguer la Syrie de l’Irak. Il y a, selon lui, une marge entre ne rien faire et lancer une invasion militaire massive. Mais le très long embargo contre Cuba n’a pas délogé les Castro et les livraisons d’armes aux rebelles ne leur ont pas permis d’entrer à Damas.
À présent, le problème le plus pressant des Syriens n’est pas le manque d’engagement occidental pour les rebelles. C’est la crise économique, attisée à la fois par la guerre, par les sanctions et par la faillite bancaire du Liban voisin (où de nombreux Syriens ont placé leurs économies).