Politique
La gestion de la crise sanitaire classée « secret-défense »
C’est le journaliste Pascal Jouary, auteur de « Secret-défense. Le livre noir » (Max Milo), qui a levé ce « lièvre » : parmi les délibérations du pouvoir exécutif classées « secret-défense » figurent celles des Conseils de défense sanitaire. « Y siègent le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de la Santé, le ministre de la Défense, le ministre de l'Intérieur, le ministre de l'Économie et celui du Travail, auxquels peuvent se joindre des acteurs des grandes institutions publiques du domaine de la santé », lit-on sur le site de l'Élysée. Il y est précisé que « leurs décisions s’appuient sur les recommandations [du] Conseil scientifique Covid-19 créé en mars 2020 à la demande du ministère de la Santé ». Ainsi le fameux « nous sommes en guerre » martelé par Emmanuel Macron au début de l’épidémie n’était pas qu’une formule rhétorique : les mesures prises pour lutter contre la propagation de la Covid-19 rejoignent les questions liées au renseignement, à la lutte anti-terroriste ou à la dissuasion nucléaire.
« Les décisions clés de la gestion de la pandémie sont classées pour des décennies » constate Pascal Jouary dans un entretien accordé à Marianne (13 novembre, en lien ci-dessous). Classées « secret-défense », ces délibérations deviennent en effet inaccessibles pendant 50 ans, voire 100 ans pour les documents dont la communication pourrait porter atteinte à la sécurité de personnes nommées ou pouvant être identifiées. Ce classement a de quoi nourrir la défiance tant sur l’origine du virus (s’apparentait-il donc à une arme biologique ?) que sur les mesures successives et parfois contradictoires prises pour enrayer l’épidémie. Rappelons à ce propos que la Cour de justice de la République est déjà saisie de quelque 14 500 plaintes. Mais, outre l’immunité présidentielle qui protège le chef de l'État, le « secret-défense » donne à l’ensemble des participants une protection « en béton ». Théoriquement, sa levée totale ou partielle n’est pas impossible. Mais des enquêteurs qui obtiendraient le feu vert de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CSDN), composée de magistrats et de parlementaires, risqueraient fort de se heurter au véto de l'autorité ayant classifié le dossier ou le document, à savoir le ministère de la Défense.
Certes, reconnaît Pascal Jouary, « supprimer le secret-défense serait irresponsable » quand la sécurité de la nation est en jeu, mais peut-on l’appliquer à la gestion de la crise sanitaire ? « Jusqu'où la démocratie peut-elle s'accommoder de choix cruciaux faits à dix dans une pièce, sans rendre de compte à personne ? » Rien à dire sur le plan réglementaire : le code de la Défense prévoit en effet que les décisions et délibérations du Conseil de défense et de sécurité nationale relèvent du secret-défense. Mais est-il bien conforme à l’esprit de la Constitution de mettre la gestion de la crise sanitaire dans le même sac que ce qui touche à la sécurité intérieure et extérieure ? Dans son entretien à Marianne, Pascal Jouary plaide pour un élargissement des conditions « d'accréditation secret-défense des magistrats », « aujourd'hui très limitées », ou pour la création d’« une instance indépendante habilitée à lever le secret au cas par cas ». Mais on peut douter qu’il soit plus démocratique de donner des pouvoirs politiques à des magistrats ou à une commission dont « l’indépendance » sera évidemment contestée. Il ne s’agit donc pas de remettre en cause le secret-défense auquel sont soumis les participants au Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN), mais de s’interroger sur son extension aux questions de santé.
« Les décisions clés de la gestion de la pandémie sont classées pour des décennies » constate Pascal Jouary dans un entretien accordé à Marianne (13 novembre, en lien ci-dessous). Classées « secret-défense », ces délibérations deviennent en effet inaccessibles pendant 50 ans, voire 100 ans pour les documents dont la communication pourrait porter atteinte à la sécurité de personnes nommées ou pouvant être identifiées. Ce classement a de quoi nourrir la défiance tant sur l’origine du virus (s’apparentait-il donc à une arme biologique ?) que sur les mesures successives et parfois contradictoires prises pour enrayer l’épidémie. Rappelons à ce propos que la Cour de justice de la République est déjà saisie de quelque 14 500 plaintes. Mais, outre l’immunité présidentielle qui protège le chef de l'État, le « secret-défense » donne à l’ensemble des participants une protection « en béton ». Théoriquement, sa levée totale ou partielle n’est pas impossible. Mais des enquêteurs qui obtiendraient le feu vert de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CSDN), composée de magistrats et de parlementaires, risqueraient fort de se heurter au véto de l'autorité ayant classifié le dossier ou le document, à savoir le ministère de la Défense.
Certes, reconnaît Pascal Jouary, « supprimer le secret-défense serait irresponsable » quand la sécurité de la nation est en jeu, mais peut-on l’appliquer à la gestion de la crise sanitaire ? « Jusqu'où la démocratie peut-elle s'accommoder de choix cruciaux faits à dix dans une pièce, sans rendre de compte à personne ? » Rien à dire sur le plan réglementaire : le code de la Défense prévoit en effet que les décisions et délibérations du Conseil de défense et de sécurité nationale relèvent du secret-défense. Mais est-il bien conforme à l’esprit de la Constitution de mettre la gestion de la crise sanitaire dans le même sac que ce qui touche à la sécurité intérieure et extérieure ? Dans son entretien à Marianne, Pascal Jouary plaide pour un élargissement des conditions « d'accréditation secret-défense des magistrats », « aujourd'hui très limitées », ou pour la création d’« une instance indépendante habilitée à lever le secret au cas par cas ». Mais on peut douter qu’il soit plus démocratique de donner des pouvoirs politiques à des magistrats ou à une commission dont « l’indépendance » sera évidemment contestée. Il ne s’agit donc pas de remettre en cause le secret-défense auquel sont soumis les participants au Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN), mais de s’interroger sur son extension aux questions de santé.