Javier Milei, le plus grand changement politique dans l'histoire de la démocratie argentine
« Je ne suis pas venu pour guider des agneaux, je suis venu pour réveiller des lions ». Cette phrase est devenue le slogan de la campagne présidentielle victorieuse de Javier Milei, qui marque le plus grand changement politique des quarante années de démocratie en Argentine.
Dimanche 19 novembre dernier, Milei, âgé de 53 ans, a triomphé dans 21 des 24 provinces argentines. La presse internationale, incertaine sur sa classification, le présente comme un politicien d' « extrême droite ». Mais il se définit lui-même comme « un libéral de tendance libertaire ». « Philosophiquement, je suis un anarchiste du marché », déclare-t-il. Avec ce discours, il a obtenu le soutien de 55,7 % des électeurs, contre 44,3 % pour son rival, le péroniste Sergio Massa, ministre de l'Économie.
Il y a seulement deux ans, Milei, professeur d'économie formé à l'école autrichienne de Friedrich von Hayek, travaillait en tant qu'exécutif en gestion des risques d'investissement pour une grande entreprise. Il était populaire pour ses apparitions télévisées grâce à ses propositions surprenantes et parfois choquantes. À cette époque, son parti, La Libertad Avanza, n'existait même pas.
Comment a-t-il pu provoquer un tel séisme politique ? Trois facteurs expliquent ce résultat électoral.
1. Crise économique : l'Argentine est actuellement en proie à une grave crise économique et sociale. Le taux de pauvreté dépasse les 40 % et le taux d'inflation annuel a atteint 143 % en octobre. L'État se trouve au bord de la faillite, l'inflation rendant particulièrement difficile le remboursement du prêt de 45 milliards de dollars accordé par le Fonds monétaire international en 2018. En réponse, Milei a proposé de remplacer le peso argentin par le dollar américain comme monnaie officielle et d'éliminer la Banque centrale. Il promet de favoriser la création d'emplois en réduisant les charges fiscales et d'ouvrir l'économie au commerce international.
2. Ras-le-bol du « péronisme » : de nombreux Argentins sont fatigués du « péronisme », ce mouvement politique nationaliste, populaire et assistancialiste, qui exerce une influence décisive dans le pays depuis sa création dans les années 1940, à l'initiative de Juan Domingo Perón. En réponse, Milei a proposé l'élimination des dépenses improductives de l'État, notamment par la suppression de ministères et d'organismes publics. L'image de sa campagne électorale, où il apparaît avec une tronçonneuse, symbolisait parfaitement son programme. Il prévoit une réorganisation du système éducatif à travers des « vouchers », offrant aux parents la liberté de choisir entre écoles publiques ou privées pour leurs enfants.
3. Connexion avec les jeunes : Le discours direct et provocateur de Milei, parsemé d'insultes contre la « caste politique parasitaire », a rencontré un écho significatif auprès des jeunes. Ses propositions radicales de « dynamiter » la Banque centrale et de dollariser l'économie ont particulièrement résonné auprès des moins de 29 ans. En outre, il s'oppose au « droit à l'avortement », établi en 2020, arguant qu'un bébé non encore né a le droit d'être respecté.
Voila en quelques mots les recettes d'une victoire très large qui a stupéfait le monde et qui s'analyse aussi comme un désaveu cinglant des partis traditionnels jugés responsables de plusieurs décennies de déclin économique.