Culture
Gastronomie : un blanc de poulet est-il raciste ?
Un dôme de chaleur fait suffoquer l’Amérique du nord mais dans le désert des idées, c’est la tempête woke qui fait grimper la température et soulève toujours plus loin le sable de la haine anti-blanc. Une nuée de grains très abrasifs survolent le Vieux continent et, en plein cagnard conceptuel, tout un langage vient se poser sur des cervelles molles. Parfois, la tornade est si grosse qu’elle scalpe la raison la plus élémentaire.
Comme dans cette vidéo, au cœur d’une polémique depuis plusieurs jours.
C’est un extrait de seulement 2 mn. Une mise en bouche car Mathilde Cohen, chercheuse au CNRS, y aborde le concept de « blanchité alimentaire dans la culture française ». Le plat de résistance reste sous cloche dans les cuisines de Sciences-Po et le grand public ne peut y goûter. La grande école ne se montre pas très courageuse mais fortiche en double langage : d’un côté, l’IEP défend Mathilde Cohen au nom de la « pluralité des approches contemporaines (…), dans le respect du cadre déontologique de la recherche ». De l’autre, il précise que « les positions exprimées par Sarah Mazouz et Mathilde Cohen n’engagent pas Sciences Po », ces chercheuses n’étant « pas rattachées à l’IEP et n’y (enseignant) pas ».
Sauf que la vidéo est encapsulée. Le nom de l'école est bien visible. Le propos est issu d’un séminaire organisé par l’École de droit de Sciences Po et l’École doctorale Droit et Science Politique de l’université Paris-Nanterre.
Que la gastronomie française soit un objet d’étude n’est pas une nouveauté. En revanche, que nos assiettes alimentent la guerre racialo-religieuse en est une.
Mathilde Cohen est aussi maître de conférences à l’Université du Connecticut. Y doit-elle sa sensibilité woke ? Sa mine blafarde, son regard fixe mettent mal à l’aise. On dirait qu’elle a envie de mourir.
Le wokisme est une forme de complotisme mais on ne le désigne jamais en tant que tel alors qu’il le sniffe à pleine narine. C’est un avatar de la théorie du bouc-émissaire. « L’expression renvoie à la Bible : c’est celui qui "prend" pour les autres et que ses bourreaux ou lyncheurs croient sincèrement monstrueux », notent les experts de René Girard (1923-2015).
Le blanc est ainsi la bête noire. Il faut sataniser tout ce qu’il touche, produit, incarne, véhicule, à travers une grille de lecture systémique et binaire qui embrasse toutes les pratiques sociales. Ainsi tous les prismes et tous les terrains sont bons à prendre et à exploiter jusqu’à la moelle idéologique ; l’alimentation en est un et des plus passionnants. La cible est de choix car la cuisine française est l’un des rares objets de fierté assumé par tous, y compris par les media mainstream avides d’audience. Ce trésor culturel est reconnu comme un art. La cuisine française est classée au patrimoine immatériel de l’Humanité.
Comme objet, la gastronomie peut être déconstruite. L’idée n’est pas mauvaise en soi. S’il s’agit de gratter le sujet jusqu’à la dernière couche, la démarche peut être féconde. Si l’intention est de nuire, elle ne l’est plus, et sort évidemment du domaine de la recherche.
La thèse de Mathilde Cohen ? « Les habitudes alimentaires (…) façonnées par les normes des classes moyennes supérieures blanches » visent à « renforcer la blanchité comme identité raciale dominante ». On est en plein complotisme : à quel moment notre alimentation s’est-elle structurée comme un moyen de domination, alors que le monde entier la perçoit comme un agent de la convivialité et du lien social ? La chercheuse fouille l’histoire coloniale avec « les administrateurs coloniaux [qui] prêtaient attention aux modes de vie des postulants » à la nationalité française. Mais cette page est marginale est non généralisable. Mathilde Cohen pointe en fait « les normes alimentaires chrétiennes (…) [qui] représentent (…) la position par défaut, un peu comme la blanchité elle-même est souvent vue comme une forme d’identité neutre et non raciale ». Ce qui lui permet d’établir un parallèle entre « la nourriture halal et la question du voile », deux sujets « incompatibles avec la francité et son idéologie racialisée de l’universel ». Dans cette marmite sortie de sa tête, la chercheuse touille aussi la réglementation sur les cantines scolaires. On en déduit que des religions ayant des interdits alimentaires sont fondées à se dire victimes d’un christianisme ignorant tout interdit culinaire.
Comme toujours, le faux instrumentalise le vrai. Le sectarisme utilise le truisme. Dans les pages du Parisien, Jean-Pierre Poulain, sociologue spécialiste de l’alimentation, relève que « toutes les cultures culinaires définissent un ordre du mangeable qui, lui-même, définit un "nous" et un "les autres". C’est d’ailleurs une des fonctions de la cuisine que de définir des cercles de reconnaissance, mais, fait-il observer, cela est valable pour toutes les cuisines ».
La nuance fait la différence.
Comme dans cette vidéo, au cœur d’une polémique depuis plusieurs jours.
C’est un extrait de seulement 2 mn. Une mise en bouche car Mathilde Cohen, chercheuse au CNRS, y aborde le concept de « blanchité alimentaire dans la culture française ». Le plat de résistance reste sous cloche dans les cuisines de Sciences-Po et le grand public ne peut y goûter. La grande école ne se montre pas très courageuse mais fortiche en double langage : d’un côté, l’IEP défend Mathilde Cohen au nom de la « pluralité des approches contemporaines (…), dans le respect du cadre déontologique de la recherche ». De l’autre, il précise que « les positions exprimées par Sarah Mazouz et Mathilde Cohen n’engagent pas Sciences Po », ces chercheuses n’étant « pas rattachées à l’IEP et n’y (enseignant) pas ».
Sauf que la vidéo est encapsulée. Le nom de l'école est bien visible. Le propos est issu d’un séminaire organisé par l’École de droit de Sciences Po et l’École doctorale Droit et Science Politique de l’université Paris-Nanterre.
Que la gastronomie française soit un objet d’étude n’est pas une nouveauté. En revanche, que nos assiettes alimentent la guerre racialo-religieuse en est une.
Mathilde Cohen est aussi maître de conférences à l’Université du Connecticut. Y doit-elle sa sensibilité woke ? Sa mine blafarde, son regard fixe mettent mal à l’aise. On dirait qu’elle a envie de mourir.
Le wokisme est une forme de complotisme mais on ne le désigne jamais en tant que tel alors qu’il le sniffe à pleine narine. C’est un avatar de la théorie du bouc-émissaire. « L’expression renvoie à la Bible : c’est celui qui "prend" pour les autres et que ses bourreaux ou lyncheurs croient sincèrement monstrueux », notent les experts de René Girard (1923-2015).
Le blanc est ainsi la bête noire. Il faut sataniser tout ce qu’il touche, produit, incarne, véhicule, à travers une grille de lecture systémique et binaire qui embrasse toutes les pratiques sociales. Ainsi tous les prismes et tous les terrains sont bons à prendre et à exploiter jusqu’à la moelle idéologique ; l’alimentation en est un et des plus passionnants. La cible est de choix car la cuisine française est l’un des rares objets de fierté assumé par tous, y compris par les media mainstream avides d’audience. Ce trésor culturel est reconnu comme un art. La cuisine française est classée au patrimoine immatériel de l’Humanité.
Comme objet, la gastronomie peut être déconstruite. L’idée n’est pas mauvaise en soi. S’il s’agit de gratter le sujet jusqu’à la dernière couche, la démarche peut être féconde. Si l’intention est de nuire, elle ne l’est plus, et sort évidemment du domaine de la recherche.
La thèse de Mathilde Cohen ? « Les habitudes alimentaires (…) façonnées par les normes des classes moyennes supérieures blanches » visent à « renforcer la blanchité comme identité raciale dominante ». On est en plein complotisme : à quel moment notre alimentation s’est-elle structurée comme un moyen de domination, alors que le monde entier la perçoit comme un agent de la convivialité et du lien social ? La chercheuse fouille l’histoire coloniale avec « les administrateurs coloniaux [qui] prêtaient attention aux modes de vie des postulants » à la nationalité française. Mais cette page est marginale est non généralisable. Mathilde Cohen pointe en fait « les normes alimentaires chrétiennes (…) [qui] représentent (…) la position par défaut, un peu comme la blanchité elle-même est souvent vue comme une forme d’identité neutre et non raciale ». Ce qui lui permet d’établir un parallèle entre « la nourriture halal et la question du voile », deux sujets « incompatibles avec la francité et son idéologie racialisée de l’universel ». Dans cette marmite sortie de sa tête, la chercheuse touille aussi la réglementation sur les cantines scolaires. On en déduit que des religions ayant des interdits alimentaires sont fondées à se dire victimes d’un christianisme ignorant tout interdit culinaire.
Comme toujours, le faux instrumentalise le vrai. Le sectarisme utilise le truisme. Dans les pages du Parisien, Jean-Pierre Poulain, sociologue spécialiste de l’alimentation, relève que « toutes les cultures culinaires définissent un ordre du mangeable qui, lui-même, définit un "nous" et un "les autres". C’est d’ailleurs une des fonctions de la cuisine que de définir des cercles de reconnaissance, mais, fait-il observer, cela est valable pour toutes les cuisines ».
La nuance fait la différence.