Écologie
Feu l'Australie
Il n’y a pas que le bush australien qui s’embrase jusqu’au ciel. Les bouches de commentateurs plus ou moins avisés brûlent aussi du feu de la controverse. Commençons par situer les choses : ce n’est pas l’Australie désertique de Mad Max qui part en fumée mais celle de la Nouvelle-Galles du Sud, la région la plus peuplée, soit la population de la Suisse (8 millions d’habitants) sur une étendue comparable à la France et à l’Allemagne réunies. Vu de l’île-continent, cet État représente à la fois la côte est – Canberra, c’est le Boston local – et la côte ouest – la rade de Sydney vaut celle de San Francisco. C’est le cœur historique de l’Australie qui suffoque et transpire d’effroi. Depuis septembre, on compte 24 morts et près de 80000 km2 dévastés, soit quasiment la superficie de l’Irlande !
Ce qui est stupéfiant, c’est le contraste entre l’injonction et l’action, l’écologique et le politique, le discours et la réalité. À la vérité, il en va de même pour tous les sujets : savoir et pouvoir sont deux choses différentes. Les massacres de Hemas en Ituri ou de chrétiens au Nigéria ne mobilisent pas davantage que les koalas assoiffés ou les kangourous paniqués pris au piège dans des brasiers. Cette impuissance prend ici une coloration singulière car l’Australie est un pays jeune (on ne peut y obtenir la nationalité après 45 ans) et porté par une image d'eldorado à l'américaine. Une communauté asiatique ajoute au dynamisme de cette terre de culture protestante, ultradéveloppée et gavée de sport mais culturellement arriérée et repliée sur un quotidien insignifiant. Vu le nombre de catastrophes déjà recensées depuis 1851, l’Australie devrait être une référence mondiale de la lutte anti-incendie. Et voilà que ce pays est sur le point de perdre la guerre du feu, cette arme du paléolithique, comme si dans sa tête, l'île était marquée par le traumatisme de la prolifération des lapins au XVIII° siècle. Normalement, ce sont les contrées pauvres, fatalistes et superstitieuses qui sont en proie aux catastrophes, la plupart du temps subites comme un cyclone (Philippines) ou un tsunami (Indonésie). Les pays du Nord en profitent pour manifester leur supériorité en y versant les larmes de la condescendance humanitaire. En Australie, les incendies étaient prévisibles. Voir un pays moderne dominé par la nature donne une leçon d'humanité. Ces incendies soulignent aussi l’absence d’enracinement rural. Ce territoire trop neuf ne tire point parti de la sagesse des siècles. La mémoire appartenait aux aborigènes. Qu’attendent les Australiens pour apprendre de leur intimité avec l'écosystème ? Ils paient aussi le prix de leur extermination. Si Louis XVI avait donné un mandat à Monsieur de Lapérouse pour le coloniser avant les Anglais, les choses se fussent peut-être déroulées autrement, qui sait ?
On assiste aujourd'hui à un débat oiseux entre réchauffistes et climatosceptiques, deux dénominations aussi absurdes l’une que l’autre. À la lueur des flammes, l'article du Monde ci-joint dépasse cette opposition. D'un côté, il y a les écolos qui veulent réensauvager la nature, en particulier les parcs nationaux, oubliant que l’écobuage représente une méthode préventive et protectrice de la faune et de la flore, même s’il ne s’agit pas d’une panacée. Les pompiers les accusent d'avoir créé les conditions de cette catastrophe, pas si naturelle que ça. Par exemple, des pistes ne sont plus assez entretenues pour permettre un accès terrestre permanent aux sinistres. En face, il y a le Premier ministre libéral dont la politique énergétique se résume à promouvoir l'industrie polluante du charbon. Après avoir mis du temps à écourter ses vacances à Hawaï, Scott Morrison se voit traîner sur le bûcher de la colère et l'opinion allume les fagots. Les Australiens ne comprennent pas sa gestion de la crise, alors que Sydney est menacé et que les températures pourraient monter jusqu'à 47°C en Nouvelle-Galles du Sud. Ces deux camps semblent l'un comme l'autre imperméables à un certain bon sens. Si on ne peut nier l’efficacité des « fire trails » et des feux préventifs, on ne peut pas non plus s’en contenter en cas de phénomènes extrêmes de plus en plus violents et récurrents. Car à l'heure où l'on parle, l'Australie n'est même pas entrée dans la haute saison des feux ! On n'annonce pas de pluie et le vent est soutenu... Autant dire que sur le thermomètre de l'angoisse, les degrés sont en train de monter à toute vitesse !
2019 est la deuxième année la plus chaude dans le monde, et celle-ci conclut une décennie record, selon le service européen Copernicus. Au rythme actuel, la planète pourrait gagner jusqu'à 4 ou 5°C d'ici la fin du siècle. Mais le dérèglement climatique n’est pas seul en cause. Il y a la responsabilité humaine, l’absence d’anticipation. Malgré le mantra écolo répété partout, on voit se profiler des scènes incroyables : postés dans des hélicoptères, des tireurs vont exterminer 10000 dromadaires sauvages. Les quadrupèdes s'approchent trop des localités de l'intérieur du pays pour y trouver de l'eau, et ils deviennent une menace pour les habitants. Une sorte de Mad Max animalier va se jouer au-dessus du désert ! L'Australie n'en est plus à ça près. Selon l'Université de Sydney, un milliard d'animaux aurait déjà péri, un chiffre incluant les mammifères, les oiseaux et les reptiles, mais pas les insectes ou les invertébrés. Après les feux amazoniens et sibériens, pareil holocauste devrait doper les initiatives comme Fridays for Future de Greta Thunberg et donner plus d’écho aux propos du pape François qui « exige une réponse collective capable de placer le bien commun au-dessus des intérêts particuliers ».
Ce qui est stupéfiant, c’est le contraste entre l’injonction et l’action, l’écologique et le politique, le discours et la réalité. À la vérité, il en va de même pour tous les sujets : savoir et pouvoir sont deux choses différentes. Les massacres de Hemas en Ituri ou de chrétiens au Nigéria ne mobilisent pas davantage que les koalas assoiffés ou les kangourous paniqués pris au piège dans des brasiers. Cette impuissance prend ici une coloration singulière car l’Australie est un pays jeune (on ne peut y obtenir la nationalité après 45 ans) et porté par une image d'eldorado à l'américaine. Une communauté asiatique ajoute au dynamisme de cette terre de culture protestante, ultradéveloppée et gavée de sport mais culturellement arriérée et repliée sur un quotidien insignifiant. Vu le nombre de catastrophes déjà recensées depuis 1851, l’Australie devrait être une référence mondiale de la lutte anti-incendie. Et voilà que ce pays est sur le point de perdre la guerre du feu, cette arme du paléolithique, comme si dans sa tête, l'île était marquée par le traumatisme de la prolifération des lapins au XVIII° siècle. Normalement, ce sont les contrées pauvres, fatalistes et superstitieuses qui sont en proie aux catastrophes, la plupart du temps subites comme un cyclone (Philippines) ou un tsunami (Indonésie). Les pays du Nord en profitent pour manifester leur supériorité en y versant les larmes de la condescendance humanitaire. En Australie, les incendies étaient prévisibles. Voir un pays moderne dominé par la nature donne une leçon d'humanité. Ces incendies soulignent aussi l’absence d’enracinement rural. Ce territoire trop neuf ne tire point parti de la sagesse des siècles. La mémoire appartenait aux aborigènes. Qu’attendent les Australiens pour apprendre de leur intimité avec l'écosystème ? Ils paient aussi le prix de leur extermination. Si Louis XVI avait donné un mandat à Monsieur de Lapérouse pour le coloniser avant les Anglais, les choses se fussent peut-être déroulées autrement, qui sait ?
On assiste aujourd'hui à un débat oiseux entre réchauffistes et climatosceptiques, deux dénominations aussi absurdes l’une que l’autre. À la lueur des flammes, l'article du Monde ci-joint dépasse cette opposition. D'un côté, il y a les écolos qui veulent réensauvager la nature, en particulier les parcs nationaux, oubliant que l’écobuage représente une méthode préventive et protectrice de la faune et de la flore, même s’il ne s’agit pas d’une panacée. Les pompiers les accusent d'avoir créé les conditions de cette catastrophe, pas si naturelle que ça. Par exemple, des pistes ne sont plus assez entretenues pour permettre un accès terrestre permanent aux sinistres. En face, il y a le Premier ministre libéral dont la politique énergétique se résume à promouvoir l'industrie polluante du charbon. Après avoir mis du temps à écourter ses vacances à Hawaï, Scott Morrison se voit traîner sur le bûcher de la colère et l'opinion allume les fagots. Les Australiens ne comprennent pas sa gestion de la crise, alors que Sydney est menacé et que les températures pourraient monter jusqu'à 47°C en Nouvelle-Galles du Sud. Ces deux camps semblent l'un comme l'autre imperméables à un certain bon sens. Si on ne peut nier l’efficacité des « fire trails » et des feux préventifs, on ne peut pas non plus s’en contenter en cas de phénomènes extrêmes de plus en plus violents et récurrents. Car à l'heure où l'on parle, l'Australie n'est même pas entrée dans la haute saison des feux ! On n'annonce pas de pluie et le vent est soutenu... Autant dire que sur le thermomètre de l'angoisse, les degrés sont en train de monter à toute vitesse !
2019 est la deuxième année la plus chaude dans le monde, et celle-ci conclut une décennie record, selon le service européen Copernicus. Au rythme actuel, la planète pourrait gagner jusqu'à 4 ou 5°C d'ici la fin du siècle. Mais le dérèglement climatique n’est pas seul en cause. Il y a la responsabilité humaine, l’absence d’anticipation. Malgré le mantra écolo répété partout, on voit se profiler des scènes incroyables : postés dans des hélicoptères, des tireurs vont exterminer 10000 dromadaires sauvages. Les quadrupèdes s'approchent trop des localités de l'intérieur du pays pour y trouver de l'eau, et ils deviennent une menace pour les habitants. Une sorte de Mad Max animalier va se jouer au-dessus du désert ! L'Australie n'en est plus à ça près. Selon l'Université de Sydney, un milliard d'animaux aurait déjà péri, un chiffre incluant les mammifères, les oiseaux et les reptiles, mais pas les insectes ou les invertébrés. Après les feux amazoniens et sibériens, pareil holocauste devrait doper les initiatives comme Fridays for Future de Greta Thunberg et donner plus d’écho aux propos du pape François qui « exige une réponse collective capable de placer le bien commun au-dessus des intérêts particuliers ».